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Ethelred, qui s'étoit retiré en Normandie, revint en Angleterre, lorsqu'il eut été instruit de la mort de Suénon, et il remonta sur son trône; mais il mourut l'année suivante, laissant encore la Mercie et quelques provinces de ses états entre les mains des Danois. Edmond côte-de-fer se présenta pour succéder à son père. Malheureusement pour lui, il avoit affaire à des ennemis puissans, et il lui fallut livrer plusieurs batailles. Enfin, les choses en vinrent au point, que l'on proposa un traité de part et d'autre; il fut conclu près de Glocester, et l'on arrêta que Canute auroit le royaume de Mercie, de Northumberland et d'Estanglie.

Peu de temps après, Edmond côte-de-fer fut indignement assassiné par un Danois qu'il avoit comblé de bienfaits. Canute profita de cette occa sion pour s'emparer de toute l'Angleterre, il ordonna en même temps de conduire en Danemarck Edmond et Edouard, fils du roi, dans le dessein de s'en défaire secrètement; mais l'officier chargé de l'exécution de l'ordre, fut si touché de compassion pour les jeunes princes, qu'il les porta en Suède. Ils furent de là envoyés à Salomon, roi de Hongrie, leur parent, qui prit soin de leur éducation. Ce prince maria depuis Edmond avec une de ses filles, et fit épouser à Edouard, Agathe, sa belle-sœur.

Emme, seconde femme d'Ethelred, s'étoit retirée en Normandie avec ses deux fils Alfred et Edouard. Canute la demanda en mariage au duc Richard, son frère, et elle lui fut accordée; mais les deux jeunes princes restèrent en Normandie. Richard, second du nom, étant mort en 1026, eut pour successeur son fils Richard III. Celui-ci ne régna qu'un an. Il fut remplacé

par Robert, son frère, qui ne laissa qu'un fils naturel, connu depuis sous le nom de Guillaume le Conquérant.

Canute régna dix-neuf ans en Angleterre. Il fut magnifique, libéral, brave et zélé pour la religion; mais l'ambition ternit l'éclat de ses vertus. Il mourut en 1036, et ses états furent partagés entre ses enfans; Swenon eut la Norwège, Harold l'Angleterre, et Hardicanute le Danemark. Alfred et Edouard vinrent de Normandie à Winchester pour y voir Emme, leur mère. Godwin, qui commandoit dans le West-Sex, et qui avoit contribué principalement à établir l'autorité de Harold, dans cette partie de l'Angleterre, convint avec le roi de faire venir les deux princes à la cour, dans le dessein de les faire périr secrètement. Emme, se défiant de ce qui se tramoit, craignit pour ses enfans ; elle se contenta d'envoyer Alfred, et trouva des prétextes pour retenir Edouard auprès d'elle. Godwin alla audevant d'Alfred, mais ce fut pour se saisir de sa personne il le fit d'abord enfermer dans le château de Guilfort, d'où il fut conduit à Ely. On lui creva les yeux, et on le mit dans un monastère, où il mourut peu de jours après. Edouard retourna promptement en Normandie, et Emme se retira chez le comte de Flandre. Après la mort de Harold, arrivée en 1039, Hardicanute vint en Angleterre avec quarante vaisseaux danois, et s'y fit reconnoître roi. Le prince Edouard y vint aussi aussi de Normandie, et il y fut reçu par le le nouveau roi avec les égards qui lui étoient dus. Il demanda vengeance de la mort de son frère; mais Godwin l'évita, en faisant serment qu'il n'avoit point eu de part à la triste fin d'Alfred. Hardicanute, prince vicieux, mourut su

bitement en 1041. Suénon, autre fils de Canute, vivoit encore, et régnoit en Norwège; mais les Anglais, las de vivre sous la domination de rois étrangers, qui les traitoient avec indignité, résolurent de rétablir sur le trône leurs princes légitimes. C'étoit l'unique moyen qu'ils eussent de s'affranchir d'un joug pesant qu'ils portoient avec impatience depuis plus de quarante ans. D'un autre côté, les vertus d'Edouard avoient gagné les ennemis de sa famille, et tout le monde s'accordoit à vouloir lui rendre la couronne de ses pères. Leofrick, comte de Mercie, Siward, comte de Northumberland, et Godwin, comte de Kent, qui étoit en même temps gouverneur du royaume de West-Sex, les trois hommes les plus puissans de la nation, furent les principaux auteurs de la révolution qui fit rentrer l'Angleterre sous la domination de ses véritables maîtres (a).

(a) Edouard, fils d'Edmond côte-de-fer, neveu de sain Edouard le confesseur, étoit le plus proche héritier de la branche saxone. De là quelques auteurs modernes prennent occasion de condamner l'avènement d'Edouard au trône, le quel ne pouvoit avoir acquis aucun droit de l'injuste conquête des Danois. (Voyez le livre intitulé Hireditary Right.) Mais ceux qui font cette objection devroient se rappeler ce qui arrivoit souvent sous le régne des Anglo-Saxons, lorsqu'on se trouvoit dans des temps critiques, et que l'héritier présomptif ne paroissoit point propre au gouvernement: on déféroit la couronne à l'un des autres fils du roi défunt, ou à son frère; en sorte cependant que l'on prenoit toujours quel qu'un de la famille royale. (Occasional History, n. 4. ) Si l'hé ritier présomptif étoit mineur, son oncle étoit souvent fait roi, et à la mort de l'oncle, la couronne retournoit au neveu ou à ses enfans. (Voyez Squires, Diss. sur le gouvernement des Anglo-Saxons, an 1753.) Roberston, dans son beau discours préliminaire sur l'histoire d'Ecosse, montre que les peuples septentrionaux regardoient tous leurs rois comme électifs, quoiqu'ils se crussent obligés de les prendre dans la famille royale. Velly fait la même observation dans son premier tome de l'Histoire de France. On peut voir aussi Tome IX. 2.

Edouard avoit été formé à l'école de la vertu, et il en avoit fait un bon usage. Il savoit appré

Mallet, dans son Introduction à l'histoire de Danemarck, 1. 3, p. 102.

Cerdic fonda le royaume des Saxons occidentaux en 495, et c'étoit de lui que descendoit Edouard le confesseur. Il étoit le dixième prince depuis Woden, suivant la chronique saxone que l'évêque Gibson à publiée d'après un manuscrit original qui appartenoit anciennement à l'abbaye de Peterboroug. Ce manuscrit fut donné par l'archevêque Laud à la bibliothèque bodléienne à Oxford. Il est beaucoup plus exact que ceux qui sont dans la bibliothèque cottonienne et à Cambridge. Suivant la chronique dont nous parlons, Hengist et ses successeurs dans les royaumes de Kent, de Mercie et de Northumberland, descendoient de Woden, que Bède appelle le père des rois saxons en Angleterre, ou des principaux rois de l'Heptarchie, et qui doit avoir vécu avant le règne de Dioclétien. Quelques auteurs l'ont pris pour le Dieu de ce nom qu'adoroient les Saxons ; d'autres pour un roi puissant qui portoit le nom de cette divinité.

La couronne étoit héréditaire dans l'Heptarchie, et lorsque la succession étoit interrompue, on la rétablissoit ensuite : c'est ce que prouve évidemment la chronique citée plus haut. Guillaume le conquérant porta si loin les droits fondés sur ce titre, qu'il se mit au-dessus des lois du pays, et on le vit exclure du trône son fils Robert; mais la couronne redevint héréditaire dans la suite.

L'Angleterre et tous les états voisins regardèrent saint Edouard comme roi légitime, et il ne s'éleva aucun doute sur ce point. Ce consentement unanime étoit appuyé ou sur la loi, ou sur une coutume autorisée dans de pareilles circonstances. Il étoit d'ailleurs nécessaire de remplir alors le trône, pour en exclure les Danois. Outre qu'Edouard Atheling étoit absent et fort éloigné, il étoit peu propre au gouvernement dans la crise ou se trouvoit l'état. En supposant même qu'il eût possédé les qualités nécessaires, combien n'étoit-il pas dangereux d'attendre son arrivée ? Saint Edouard le fit venir avec toute sa famille en 1054, et il le traita comme son héritier. Il traita de la même manière Edgar, fils de ce prince, et lui donna le titre d'Atheling. Ce mot, qui est saxon, répond au clyto des Grecs, et signifie illustre; on le donnoit aux princes destinés à monter sur le trône.

Avant son avènement à la couronne, le saint roi portoit le nom d'Eadward, mais il s'appela depuis Edouard. L'évêque Gibson, Præf., tire de là un argument pour prouver que la chronique saxone étoit un de ces registres publics dans lesquels on consignoit les principaux événemens de la nation, et que l'on gardoit dans les monastères royaux, comme

cier à leur juste valeur les biens de ce monde visible. Jamais il n'avoit cherché de consolation que dans la vertu et la religion. Elevé dans le palais du duc de Normandie, il avoit su se préserver de la corruption des vices qui régnoient à la cour de ce prince; il s'appliqua même à acquérir les vertus contraires. Dès son enfance, il étoit fidèle aux pratiques que prescrit le christianisme, et il aimoit à converser avec les personnes de piété. Toutes ses actions extérieures portoient l'empreinte de la modestie. Il parloit peu; mais ce n'étoit ni par ignorance, ni par défaut de talens: tous les historiens s'accordent en effet à dire qu'il étoit d'une sagesse et d'une gravité audessus de son âge. Son amour pour le silence venoit donc d'un fond d'humilité, et de la crainte de perdre le recueillement, ou de tomber dans les fautes qu'entraîne ordinairement la démangeaison de parler. Son caractère étoit composé de l'heureux assemblage de toutes les vertus chrétiennes et morales. On distinguoit cependant en lui une douceur admirable, qui avoit sa source dans une humilité profonde, et dans une tendre charité qui embrassoit tous les hommes. Il étoit aisé de s'apercevoir qu'il étoit entièrement mort à lui-même : de là cette horreur pour l'ambition, et pour tout ce qui pouvoit flatter les autres passions.

S'il monta sur le trône de ses ancêtres, c'est qu'il y fut appelé par la volonté de Dieu; aussi ne se proposa-t-il d'autre but que de faire aimer la religion, et de venir au secours d'un peuple malheureux. Il étoit si éloigné de tout sentiment

nous l'apprenons du Scoti-chronicon. La chronique saxone finit à l'an 1154. Voyez Nicolson, dans son English histo̟rical Library, p. 114.

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