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d'ambition, qu'il déclara hautement qu'il refuseroit la plus puissante monarchie, s'il falloit répandre le sang d'un seul homme. Les ennemis mêmes de la famille royale se réjouirent de le voir sur le trône. Tous se félicitoient d'avoir un Saint pour roi, sur-tout après tant de malheurs sous le poids desquels la nation avoit gémi; ils espéroient que les maux publics et particuliers alloient être réparés par sa piété, sa justice et sa bienfaisance. Edouard fut sacré le jour de Pâques de l'année 1042, à l'âge d'environ qua

rante ans.

Malgré les circonstances critiques dans lesquelles il monta sur le trône, son règne fut un des plus heureux qu'on eût jamais vus. Les Danois mêmes établis en Angleterre le craignoient, l'aimoient et le respectoient. Quoiqu'ils se regardassent comme maîtres du pays, en vertu d'un prétendu droit de conquête, qu'ils en eussent été maîtres pendant quarante ans, et qu'ils eussent rempli de leurs colonies les royaumes de Northumberland, de Mercie et d'Estanglie, on ne les vit cependant remuer nulle part, et depuis le temps dont nous parlons, il ne fut plus question d'eux en Angleterre. Pontan, un de leurs historiens, calomnie les Anglais, lorsqu'il les accuse d'avoir massacré tous les étrangers sous le règne d'Edouard. Une pareille entreprise auroit été aussi dangereuse qu'injuste et barbare; son exécution auroit sans doute fait plus d'éclat qu'un massacre arrivé sous Ethelred II, dans un temps où les Danois étoient moins puissans et moins nombreux. Si l'on demande ce que devinrent ceux dont il s'agit, nous répondrons que s'étant mêlés avec les Anglais, ils ne firent plus dans la suite qu'un même corps de peuple

avec eux, à l'exception de quelques-uns qui, de temps à autre, retournoient dans leur patrie.

le

Suénon, fils de Canute, qui régnoit en Norwège, équipa une flotte pour venir attaquer l'Angleterre. Edouard mit son royaume en état de défense, et envoya en Danemarck, Gulinde, nièce de Canute, de peur que si elle restoit en Angleterre, elle ne favorisât secrètement l'invasion projetée. Sur ces entrefaites, le roi de Danemarck, appelé aussi Suénon, fit une irruption dans la Norwège, ce qui fit échouer l'expédition contre les Anglais. Peu de temps après, Suénon fut détrôné par Magnus, fils d'Olaüs, le martyr, que Canute le grand avoit dépouillé de la Norwège. En 1046, des pirates danois se présentèrent à Sandwich, puis sur les côtes d'Essex; mais la vigilance des principaux officiers d'Edouard les força de se retirer avant qu'ils eussent pu ravager pays. Ils n'osèrent plus reparoître dans la suite. Edouard n'entreprit qu'une scule guerre, qui eut pour objet le rétablissement de Macolm, roi d'Ecosse, et elle fut terminée par une victoire glorieuse. Il y eut quelques mouvemens dans l'intérieur du royaume, mais ils furent apaisés avec autant de promptitude que de facilité. On vit alors ce que peut un roi qui est véritablement le père de ses sujets. Tous ceux qui approchoient de sa personne, essayoient de régler leur conduite sur ses exemples. On ne connoissoit à sa cour ni l'ambition, ni l'amour des richesses, ni aucune de ces passions qui malheureusement sont si communes parmi les courtisans, et qui préparent peu à peu la ruine des états. Edouard paroissoit uniquement occupé du soin de rendre ses peuples heureux; il diminua le fardeau des impôts, et chercha tous les moyens de ne laisser personne dans la souffrance. Comme il n'avoit point de

passions à satisfaire, tous ses revenus étoient employés à récompenser ceux qui le servoient avec fidélité, à soulager les pauvres, à doter les églises et les monastères. Il fit un grand nombre de fondations, dont le but étoit de faire chanter à perpétuité les louanges de Dieu; mais les divers établissemens qu'il fit, ne furent jamais à charge au peuple. Les revenus de son domaine lui suffisoient pour toutes les bonnes œuvres qu'il entreprenoit. On ne connoissoit point encore les taxes, ou l'on n'y avoit recours qu'en temps de guerre, et dans des nécessités très-pressantes (b). Le saint roi abolit le danegelt qu'on avoit payé aux Danois du temps de son père, et qu'on avoit porté ensuite dans les coffres du souverain. Les grands du royaume, s'imaginant qu'il avoit épuisé ses finances par ses aumônes, levèrent une somme considérable sur leurs vassaux sans l'en prévenir, et la lui apportèrent comme un don que fui faisoit ses peuples pour l'entretien des troupes, et pour les autres frais occasionnés par les dépenses publiques. Edouard ayant appris ce qui s'étoit passé remercia ses sujets de leur bonne volonté, et voulut que l'on rendit l'argent à tous ceux qui avoient contribué à former la somme. Toute sa conduite annonçoit qu'il étoit parfaitement maitre de lui-même. Il avoit une égalité d'ame qui ne se démentoit dans aucune circonstance. Sa conversation étoit agréable, mais accompagnée d'une certaine majesté qui inspiroit le respect; il aimoit sur tout à parler de Dieu et des choses spirituelles.

(b) L'imposition des taxes ne devint fixe et permanente que sous le règne d'Edouard III en Angleterre, et sous le règne de Philippe de Valois en France. On a une bonne histoire de ces taxes et l'on y voit quelle fut la gradation de leurs progrès. Dans le temps dont nous parlons, les domaines de la couronne avoient été aliénés en grande partie.

Edouard avoit toujours fait une estime singulière de la pureté, et il conserva cette vertu sur le trône par l'amour de la prière, par la fuite des occasions, par la pratique de l'humilité et de la mortification. Il veilloit avec soin sur tous ses sens, et prenoit les précautions les plus sages pour se garantir de la moindre souillure. Cependant on désiroit le voir marié, et il ne put résister aux instances que la noblesse et le peuple lui faisoient à cet égard. Godwin mit tout en œuvre pour que le choix du prince se fixât sur Edithe sa fille, qui joignoit une vertu éminente à toutes les qualités du corps, du cœur et de l'esprit. Une chose arrêtoit le roi : c'est qu'il avoit fait vœu de garder une chasteté perpétuelle. Il se recommanda à Dieu, puis il découvrit à celle qu'on lui proposoit pour épouse, l'engagement qu'il avoit contracté. Edithe entra dans ses vues, et ils convinrent l'un et l'autre qu'ils vivroient dans l'état du mariage comme frère et sœur. C'est par un effet de la calomnie que quelques écrivains ont attribué la résolution de saint Edouard à la haine qu'il portoit à Godwin. De tels sentimens sont incompatibles avec la haute vertu dont il faisoit profession; il étoit d'ailleurs incapable de traiter avec l'injustice qu'on lui suppose, une princesse accomplie, à laquelle il s'étoit uni par les liens les plus sacrés.

Godwin étoit le sujet le plus riche et le plus puissant du royaume. Canute l'avoit fait général de son armée, l'avoit créé comte de Kent, et lui avoit fait épouser sa belle-sœur (c). Il fut ensuite grand trésorier, et duc de West -Sex, c'est-àdire, général de l'armée dans toutes les provinces (c) Et non sa sœur, comme quelques auteurs l'ont avancé, Voyez Pontan, etc.

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situées an midi de la Mercie. Dévoré par l'ambition, il viola souvent les lois divines et humaines. Swein le plus jeune de ses fils marcha sur ses traces; il donna dans un libertinage effréné, et il ne rougit pas de faire violence à une religieuse. Edouard le punit par l'exil, mais il lui pardonna dans la suite. Godwin lui-même s'étant rendu coupable de plusieurs crimes, fut menacé de proscription, s'il ne paroissoit pas devant le roi, qui étoit alors à Glocester. Il refusa d'obéir, et prit la fuite; mais il revint bientôt avec une armée pour attaquer le roi. Quelques-uns de ses amis demandèrent sa grâce, et quoique Edouard fût le plus fort, il lui pardonna, et le rétablit dans son premier état. Pendant la rebellion de Godwin, on crut nécessaire de renfermer Edithe dans un monastère, de peur qu'on ne se servît de sa dignité pour exciter les vassaux et les amis de son père (d). Malgré cette précaution, Edouard

(d) Quelques modernes ont faussement conclu de-là, qu’Edouard avoit de l'aversion pour Edithe. Les plus anciens historiens assurent qu'il la traita toujours en reine et en épouse, et qu'il ne la rendit point responsable des crimes de son père. Son absence de la cour pour quelque temps étoit fondée sur des raisons d'état. On ne connoît pas d'ailleurs toutes les circonstances du fait, et l'on ne peut mieux en juger que par le caractère de ceux qui en furent les auteurs. Lorsque Edouard eut pardonné à Godwin, la reine fut rappelée à la cour, et on l'y traita avec la même distinction qu'auparavant. Il y a tout lieu de croire que son père lui fut principalement redevable du pardon qu'il obtint. Les sujets les plus puissans après Godwin, étoient Leofrick et Siward; mais ils étoient tous deux aussi recommandables par leurs vertus que par leur prudence. L'un se distinguoit sur-tout par sa sagesse et sa magnificence, et l'autre par son courage et son habileté dans le métier de la guerre. Ils s'opposèrent toujours aux mauvais desseins de Godwin, et firent échouer ses entreprises contre le bien de l'état. Ils contribuèrent principalement au retour de Swein; mais ce prince s'étant rendu coupable du meurtre d'un de ses parens, il fut obligé de faire un pélerinage à Jérusalem, et il mourut, en 1052, dans la Lycie, lorsqu'il revenoit en Angleterre.

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