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> celui que le peuple désiroit sous les règnes sui» vans. Les barons anglais et normands en appe» loient à la loi et au gouvernement d'Edouard. »

On rapporte le trait suivant du saint roi. Un jour qu'il étoit assoupi dans son palais, il vit un domestique venir deux fois prendre de l'argent qu'on y avoit laissé exposé. Ce domestique étant venu une troisième fois, le prince l'avertit de prendre garde à lui, et se contenta de lui faire sentir le danger auquel il seroit exposé si on le découvroit. Le trésorier particulier d'Edouard étant arrivé quelque temps après, entra dans une grande colère sur ce qui s'étoit passé. Edouard essaya de l'apaiser, en lui disant que ce malheureux avoit plus besoin d'argent qu'eux. Cette action a été blâmée par quelques modernes; mais on peut la justifier, en disant que le roi fit comprendre au coupable toute l'énormité de son crime; qu'il crut, d'après les avertissemens qu'il lui avoit donnés, qu'il se corrigeroit à l'avenir; qu'il regarda le tort qu'on lui faisoit comme un tort personnel, et qu'il étoit persuadé qu'il pouvoit pardonner cette faute d'autant plus facilement, qu'il n'en résulteroit rien de contraire à l'administration de la justice publique.

On a vu peu de princes qui se soient montrés aussi zélés qu'Edouard pour le bonheur de leurs peuples. Il prenoit spécialement les malheureux sous sa protection; il faisoit observer les lois, et vouloit que la justice fût rendue avec autant d'intégrité que de promptitude. Il se proposa pour modèle le roi Alfred, qui regardoit comme un de ses principaux devoirs d'éclairer sans cesse la conduite de ses juges. Guillaume le Bâtard,

Anglais; Selden, Spelman, Sommer, Drake, et sur-tout Squires.

duc de Normandie, fut lui-même le témoin des vertus et de la sagesse de son parent, lorsqu'en 1052 il vint le voir en Angleterre (1).

Edouard, pendant son exil en Normandie, avoit fait vou d'aller visiter le tombeau de saint Pierre à Rome, si Dieu mettoit fin aux malheurs de sa famille. Lorsqu'il se vit solidement établi sur le trône, il prépara de riches offrandes pour l'autel du prince des apôtres, et disposa tout pour se

inter 10,

(4) On lit dans les historiens normands, qu'Edouard promit à Guillaume de faire passer sur sa tête la couronne d'Angleterre. Les uns datent cette promesse du voyage de Guillaume en Angleterre ; d'autres la font remonter plus haut, et la font antérieure à l'avènement d'Edouard au tròne; d'autres enfin prétendent que le saint roi donna ses états à Guillaume par son testament; mais tout ceci est une fable. On n'a jamais donné de preuves de cette promesse, ni de l'existence de ce testament. Comment s'imaginer qu'Edouard ait voulu changer la forme du gouvernement, et cela sans avoir précédemment convoqué l'assemblée de la nation? Il est d'ailleurs certain qu'en 1057, il reconnut Edouard, son neveu, pour son héritier, et qu'il ne pensa qu'à lui jusqu'à la mort de ce prince, qui arriva la mème année, suivant les meilleurs historiens d'Angleterre. Il traita ensuite Edgar avec beaucoup d'affection, considérant en lui son futur successeur; il lui donna le titre d'Etheling on d'Edeling, qui étoit affecté à l'héritier du trône, ou du moins aux princes du sang royal. . Il aimoit Edgar comme son propre fils, dit Brompton, Scriptor. p. 946, et il le regardoit comme l'héritier de » l'Angleterre. » La même chose se prouve par la manière dont cet auteur rapporte, p. 957, 961, les malheurs d'Edgar, et de ceux qui lui étoient attachés. Saint Aëlred " 1. de Genealog. Regum Angliæ inter 10 Scriptor. t. 1, p. 366, montre aussi que les intentions du saint roi, par rapport à Edgar, n'étoient point douteuses. Le sentiment que nous suivons est encore appuyé sur l'autorité de Pordun et sur celle de Turgot, qui étoit alors en Angleterre, qui devint évêque de Saint-André en Ecosse, et qui mourut à Durham en 1115. Enfin il est bien étonnant qu'on ait donné dans les imaginations que nous combattons, tandis que Guillaume lui-même ne fit valoir que le droit de conquête. Il est vrai que Harold,ayant été jeté par une tempête sur les côtes de France, fut conduit au duc de Normandie, et lui promit de lui aider à mettre la couronne d'Angleterre sur sa tête; mais il ne suit de là autre chose, sinon que le parjure se joignit à l'usurpation.

mettre en état de passer en Italie. Ayant convoqué ensuite l'assemblée générale de la nation, il y déclara l'engagement qu'il avoit contracté, et fit sentir l'obligation où il étoit de témoigner à Dieu sa reconnoissance. Il proposa ensuite les moyens qui lui paroissoient les plus propres à faire fleurir le commerce, et à maintenir la paix; il finit par mettre ses sujets sous la protection du ciel. Les principaux de l'assemblée alléguèrent les raisons les plus fortes pour le dissuader de l'exécution de son dessein. Après avoir loué sa piété, ils lui représentèrent avec larmes les dangers auxquels l'état seroit exposé; qu'on auroit à craindre tout à la fois les ennemis du dedans et du dehors; qu'ils s'imaginoient déjà voir toutes les calamités tomber sur le royaume. Edouard fut si touché de leurs raisons et de leurs prières, qu'il promit, avant de rien entreprendre, de consulter Léon IX, qui occupoit alors la chaire de saint Pierre. Il envoya à Rome pour ce sujet, Aëlred, archevêque d'Yorck, Herman, évêque de Winchester, et deux abbés. Le pape, persuadé que le roi ne pouvoit quitter ses états sans exposer son peuple à de grands dangers, le dispensa de l'accomplissement de son vou; mais ce fut à condition qu'il distribueroit aux pauvres l'argent qu'il auroit dépensé en venant à Rome, et qu'il bâtiroit ou doteroit un monastère en l'honneur de saint Pierre.

Sébert, roi des Est-Angles, avoit fondé la cathédrale de Saint-Paul de Londres. Quelques auteurs lui ont aussi attribué la fondation d'un monastère en l'honneur de saint Pierre, qui étoit hors des murs et au couchant de la ville. On dit que ce monastère étoit à l'endroit où avoit été anciennement un temple d'Apollon, qu'un trem

blement de terre avoit renversé : mais le silence de Bède fait croire qu'il fut bâti plus tard par quelques particuliers, et qu'il étoit peu de chose dans son origine. On l'appeloit Torney. Les Danois l'ayant détruit, le roi Edgar le fit rebâtir. Edouard, après l'avoir réparé, y fit des donations considérables; il voulut encore qu'il fût honoré d'exemptions et de priviléges, qu'il obtint du pape Nicolas II, en 1059. On lui donna le nom de Westminster, à cause de sa situation (m). Il est devenu depuis fort célèbre par le sacre des rois, et par la sépulture des grands hommes du royaume. C'étoit la plus riche abbaye de toute l'Angleterre, lorsqu'on y détruisit les monastères.

Plusieurs anciens historiens (9) rapportent divers miracles opérés par le saint roi, entre autres la guérison d'une tumeur chancreuse qui exhaloit une odeur infecte, et qui disparut lorsqu'Edouard eut formé le signe de la croix sur la

(m) On peut voir sur l'abbaye de Westminster, Widmore dans son histoire de ce monastère, et dans ses Recherches sur sa première fondation.

Henri VIII établit à Westminster un chapitre de chanoines séculiers, et même un siége épiscopal, en 1541. Thomas Thurley, qui vécut peu de temps, en fut le seul évêque. La reine Marie fit revenir les moines; en 1560, Elizabeth rétablit le chapitre, qui fut composé d'un doyen et de douze prébendés. Elle y mit aussi une grande école pour l'instruction de la jeunesse. Voyez Dugdale, Monast. t. I, p. 55; Stow, Descript. de Londres et de Westminster, p. 497-525; Maitland et Tanner Notit. Monast.; Widmore, Hist. de l'abbaye de Westminster, an. 1751. Voyez sur les profanations que les fanatiques commirent dans l'église de ce monastère, l'Appendice aux antiquités de l'abbaye de Westminster, p. 6.

Saint Edouard donna aussi des biens considérables au siége épiscopal d'Exeter, qui fut formé de ceux de Créditon et de Cornouaille, en 1044. Leofric fut le premier qui l'occupa. Voyez la charte d'Edouard pour l'érection de ce siége, dans l'Itinéraire de Léland, t. III, p. 49, 51, 53.

(9) Voyez Guillaume de Malmesbury, l. 2, de Reg. c. 13; saint Aëlred, Brompton, etc.

:

personne malade de là l'usage où étoient les rois d'Angleterre de toucher ceux qui étoient attaqués des écrouelles, appelées le mal du roi. Pierre de Blois, dans une lettre écrite de la cour d'Angleterre, en 1180 (10), rapporte que le roi Henri II touchoit ceux qui avoient cette maladie. Il paroît par les archives du royaume, déposées dans la tour de Londres, qu'en 1272, Edouard I donnoit des médailles d'or à ceux qu'il avoit touchés. La reine Elizabeth omit le signe de la croix dans cette cérémonie, en quoi elle fut imitée par les trois rois qui régnèrent successivement après elle. En 1650, Charles I fit inviter pompeusement tous ceux qui avoient la maladie dont il s'agit, de s'adresser à lui, afin qu'il pût les rendre participans du don céleste (n).

(10) Ep. 15 ad Clericos Aulæ Regiæ, p. 235, n. 6. Voyez Alford, Annal. ad an. 1062.

(n) Thiers, Tr. des Superstitions, t. 1, p. 508, édition de 1712, reconnoît expressément que les rois de France guérissent les écrouelles par leur attouchement, accompagné du signe de la croix; mais il regarde en même temps comme une erreur, l'opinion de ceux qui attribuent le pouvoir de guérir certaines maladies, aux septièmes garçons nés de légitimes mariages, sans que la suite des sept ait été interrompue par la naissance d'aucune fille, ib. p. 509.

On lit dans Guibert de Nogent, qui écrivoit en 1100, l. 1 de pignor. sanct. c. 1, p. 381, que le roi Louis le Gros guérissoit les écrouelles par l'attouchement et le signe de la croix ; et il paroît que cet auteur avoit été souvent témoin oculaire de ce qu'il raconte. Il ajoute que Philippe I, père de ce prince, perdit ce don en punition de ses crimes. Il dit en même temps qu'il sait que le roi d'Angleterre ne fait rien de semblable. Comme il étoit étranger, il ne seroit pas surprenant qu'il se fùt trompé sur ce dernier point.

Selon Guillaume de Nangis, saint Louis fut le premier qui employa le signe de la croix en touchant les écrouelles; mais il paroît par Guibert, qu'il ne fit qu'en rétablir l'usage. Boniface VIII, dans la bulle de la canonisation du saint roi, dit qu'entre autres miracles qu'il opéra, il rendit la santé à ceux qui étoient affligés du mal du roi. Philippe de Valois guérit un grand nombre de ces sortes de maladies. François I toucha pour la inême maladie, à Bologne, en présence du pape, et lorsqu'il étoit prisonnier en Espagne.

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