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lire ni ecrire; elle ne perdit pas pour cela courage. Comme elle était tous les jours occupée au travail, elle prenait sur la nuit pour apprendre à lire et à écrire, et elle y réussit sans le secours d'aucun maître. Qu'on imagine les difficultés qu'elle eut à surmonter. Un jour que la lenteur de ses progrès l'avait jetée dans une grande inquiétude, la Ste Vierge, qu'elle avait toujours honorée avec une dévotion particulière, la consola dans une vision. « Bannissez cette » inquiétude, lui dit-elle, il suffit que vous connaissiez trois lettres: » la première, est cette pureté de cœur qui consiste à aimer Dieu » par-dessus tout, et à n'aimer les créatures qu'en lui et pour lui; » la seconde est de ne murmurer jamais, et de ne point s'impatienter à la vue des défauts du prochain, mais de le supporter avec patience, et de prier pour lui; la troisième est d'avoir chaque jour un temps marqué pour méditer sur la passion de Jésus-Christ. »

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Enfin, après une préparation de trois ans, notre sainte fut reçue dans le monastère de Sainte-Marthe. Elle s'y distingua bientôt par sa ferveur dans tous les exercices, et par son exactitude à observer tous les points de la règle. Sa fidélité embrassait les plus petites choses comme les plus importantes; la volonté de ses supérieures était l'unique mobile de sa conduite. S'il lui arrivait de ne pas obtenir la permission de veiller dans l'église aussi long-temps qu'elle l'eût désiré, elle se soumettait humblement, dans la persuasion que l'obéissance est le plus agréable sacrifice que l'on puisse offrir à Dieu, puisque Jésus-Christ s'est rendu obéissant jusqu'à la mort, pour accomplir la volonté de son Père 1.

Dieu permit que sa servante fût éprouvée par une maladie de langueur qui dura trois ans; mais elle n'en fut pas moins exacte à l'observation de sa règle. On avait beau lui recommander d'avoir égard à sa mauvaise santé, elle répondait toujours : « Il faut que je travaille pendant que je le peux, et que j'en ai le temps. » Elle n'avait jamais plus de plaisir que quand elle pouvait servir les autres et exercer les plus bas emplois; elle ne voulait pour toute nourriture que du pain et de l'eau. On jugeait par son silence de la grandeur de son recueillement; son cœur était continuellement uni à Dieu par la prière, et la vivacité de sa componction allait si loin, que ses larmes ne tarissaient presque jamais. Ce don des larmes et cet esprit d'oraison, elle les entretenait par des méditations fréquentes sur ses propres misères, sur l'amour de Dieu, sur la passion du Sauveur et sur les chastes délices du Paradis. Quoique sa vie eût toujours été très-pure et très-innocente, elle la regardait pourtant comme fort criminelle, et elle n'en parlait qu'avec 1 Philip. II, 8.

des sentimens de douleur et de pénitence. Ses discours avaient tant d'onction, que les pécheurs les plus endurcis en étaient vivement touchés. Tant de vertus réunies ne pouvaient manquer d'attirer sur Véronique les plus abondantes bénédictions du ciel. Elle mourut en 1497, à l'heure qu'elle l'avait prédit, étant âgée de cinquante-deux ans.

Sa sainteté fut aussitôt confirmée par plusieurs miracles. Le pape Léon X, après les informations nécessaires, donna une bulle par laquelle il permettait aux religieuses de Sainte-Marthe d'honorer Véronique avec le titre de Bienheureuse ". Son nom a été insére: parmi ceux des saints de ce jour dans le Martyrologe romain que Benoît XIV publia en 1749; mais sa fête est marquée au 28 de ce mois dans le Martyrologe des Augustins, qui a été approuvé par le même pape.

Rien de plus saint, ni en même temps de plus sage, que le commandement de remplir les devoirs de l'état où l'on a été placé par la Providence. Les rois et les sujets, les grands et les petits, les riches et les pauvres sont dans une dépendance nécessaire les uns à l'égard des autres; et c'est par cette dépendance que l'ordre et la beauté de l'univers subsistent. Supposons en effet que chacun néglige ses obligations respectives: on ne verra plus partout qu'une horrible confusion. C'est donc une nécessité pour nous de considérer ce à quoi nous sommes tenus, et de l'accomplir avec toute la fidélité dont nous serons capables. Voilà le moyen de nous sanctifier, et de faire de toute notre vie une chaîne continuelle de bonnes œuvres, pourvu toutefois que nos actions soient rapportées à Dieu et unies aux mérites de Jésus-Christ. « Si vous

n'agissez, dit S. Hilaire, que par des motifs purs; si, conformé >>ment à la doctrine de l'apôtre ', vous rapportez tout à la gloire >> de Dieu, votre vie deviendra une prière non interrompue, et une » méditation continuelle de la volonté du Seigneur, puisque vous » passerez les jours et les nuits à l'accomplir 2. » Mais, qui le croirait? il n'est pas rare de trouver des hommes qui, sous prétexte que la meilleure dévotion consiste à remplir les devoirs de son état, se prétendent autorisés à mener une vie toute dissipée et toute mondaine. Qu'ils apprennent une bonne fois, qu'ils sont dans une erreur très-pernicieuse, et que pour le salut il ne suffit pas de remplir les devoirs de son état, mais qu'il faut encore se réserver des momens pour vaquer aux exercices de piété. Il faut renoncer à

a Cette bulle est datée de l'an 1517. On la trouve dans Bollandus, tom. 1, p. 889. 2 S. Hilar. in Ps. 1, p. 20.

1 I. Cor. X, 31.

to.

soi-même, se défier de sa faiblesse, gémir sur ses misères, et surtout s'accoutumer à ne pas perdre de vue la présence de Dieu. Comment sans cela pourrait-on animer ses actions de cet esprit de foi et de charité, qui peut seul les rendre méritoires? Comment sans cela être un homme intérieur, c'est-à-dire un vrai disciple de Jésus Christ?

S. KENTIGERN, ÉVÊQUE DE GLASCOW.

S. KENTIGERN, autrement S. Mungho, évêque de Glascow en Ecosse, fort célèbre dans la partie septentrionale de la GrandeBretagne, et issu du sang royal des Pictes, naquit vers l'an 516. On le mit dès sa plus tendre jeunesse sous la conduite de S. Servan, évêque et abbé de Culrosa, lequel lui inspira de grands sentimens de douceur et de piété. La pureté de ses mœurs et ses autres vertus le rendirent extrêmement cher à son maître et à tous ceux qui le connaissaient; ce qui lui fit donner le surnom de Munghu ou Mongho, qui, dans la langue du pays, signifiait le Bien aimé. Il se retira ensuite dans un lieu appelé Glasghu, où il mena une vie fort austère. Mais il fut obligé de quitter sa soli tude, parce que le clergé et le peuple le demandèrent instamment pour évêque.

Après son sacre, il établit son siége à Glasghu ou Glascow. Il y assembla un grand nombre de personnes pieuses, qui retracèrent la vie des premiers Chrétiens de Jérusalem. Son diocèse, fort vaste, et en même temps peu instruit, donna beaucoup d'exercice à son zèle et à sa patience. Afin d'y répandre de plus en plus la lumière de l'Evangile, il en faisait souvent la visite, et toujours à pied. Les païens éclairés renonçaient en foule à leurs superstitions, et venaient demander le baptême. Le saint pasteur ne se borna pas à la ruine de l'idolâtrie; il sut encore préserver son troupeau du venin du pélagianisme, qui avait déjà jeté de profondes racines en Ecosse.

On ne sera pas surpris du succès prodigieux qu'eurent les travaux apostoliques de Kentigern, si l'on pense qu'il était homme de prière. Non content de réciter chaque jour tout le Psautier, il avait encore plusieurs autres pratiques de piété, de manière que son âme n'était jamais distraite de la présence de Dieu. Sans cesse il mortifiait sa chair par des jeûnes rigoureux et par mille autres

a Le monastère de Culros était bâti sur le golfe qui sépare la Lothiane du comté de Fife.

Les Ecossais honorent aujourd'hui notre saint sous le nom de S. Mungho.
Il s'étendait depuis la mer d'Allemagne jusqu'à l'Océan, du côté de l'occident.

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austérités extraordinaires. Il s'éloignait du commerce des hommes pendant le carême, et allait passer ce saint temps dans la solitude, où il ne s'entretenait qu'avec le ciel. Enfin on voyait revivre en lui toutes les vertus des apôtres; aussi Dieu le favorisa-t-il, comme eux, du don des miracles.

Kentigern, qui brûlait du désir d'étendre le royaume de JésusChrist, inspira les sentimens dont il était animé à plusieurs de ses disciples. Il les envoya prêcher la foi au nord de l'Ecosse, dans les îles d'Orkney, dans la Norwége et l'Islande.

Il est nécessaire,.pour l'intelligence de ce qui nous reste à raconter, de dire un mot de l'ancien gouvernement des Pictes méridionaux. Il tenait en quelque sorte de l'aristocratie. Le pays était partagé entre plusieurs petits seigneurs qui avaient droit de se faire la guerre les uns aux autres. Ils obéissaient pourtant tous à un monarque souverain, qui faisait ordinairement sa résidence dans la ville d'Alcluid, aujourd'hui Dunbriton. Les Etats de ce monarque comprenaient non-seulement le pays des Pictes méridionaux, mais encore celui des Cumbres ou Cumbriens, lequel s'étendait au sud, depuis le mur des Pictes jusqu'à la Ribble, dans la province de Lancastre.

Le pieux roi Rydderch Haël, parent et protecteur du saint évêque, ayant été détrôné par l'impie Morcant', Kentigern fut obligé de se réfugier chez les Bretons du pays de Galles. Il se fixa auprès de S. David, à Ménévie. Il le quitta quelque temps après, pour aller fonder un monastère au confluent des rivières d'Elwy et de Cluid . Il paraît qu'il y vivait à la mort de S. David, arrivée en 546, ou plutôt en 544, le premier jour de mars, qui était cette année un mardi 2. L'école que S. Kentigern établit dans son monastère devint fort célèbre. Il s'y forma un grand nombre de sujets, aussi recommandables par leurs vertus que par leur science.

Cependant Rydderch fut rétabli sur son trône après la mort de l'usurpateur Morcant. Le saint évêque profita de cette circonstance pour retourner dans son diocèse, vers l'an 560 d. Cinq ans après il eut une conférence avec S. Colomb, qui commençait à prê cher l'Evangile aux Pictes septentrionaux. Ces peuples avaient déjà quelque connaissance de Jésus-Christ, parce que Kentigern leur

a Autrement appelés. Britons de Straith-Cluid.

Il était successeur de Gurthmill-Wlelig, contemporain du roi Arthur. Le surnom de Haël signifie le généreux.

Dans une terre que lui avait donnée Caithwallain, prince d'une partie de la province du Deublgihshire. Caithwallain était oncle de Maëlgun Gwynedh, roi des Cumbriens. (oy. Usserius, Antiq. Britan. c. 14.) Le monastère bâti par S. Kentigern fut appelé Llan-Elwy (terre d'Elwy) ou Elgwy.

d Il était dans le pays de Galles depuis l'an 542. Voyez Warthon, de Episco pis Asaphensibus, p. 300, 302.

Voyez le fragment qui se trouve 2 Voyez la Vie de S. David. dans le Coch-Asaph.

avait envoyé des missionnaires tirés du nombre de ses disciples'. Le roi Rydderch et deux de ses successeurs a eurent une entière confiance en notre saint. Ils n'entreprenaient rien sans le consulter; ils l'aidaient de toute leur autorité dans les pieux projets qu'il formait pour la propagation de l'Evangile et pour la réformation des mœurs. Aussi méritèrent-ils que le ciel préservât leurs États de la fureur des Saxons.

S. Kentigern mourut en 601, à l'âge de quatre-vingt-cinq ans, et fut enterré dans la cathédrale de Glascow, dont il était premier patron. Son tombeau y a toujours été en grande vénération, jusqu'à l'établissement du calvinisme en Ecosse.

Voyes l'ancienne Viede S. Kentigern; Leland, de Scriptor. Britan. Usserius, Antiquit. c. 15; Hector Boëtius, Leslie, Keith, Catal. episc. Scot. et les Vies des Saints, Mss. qui étaient avant la révolution au collége des Ecossais à Paris.

L'OCTAVE DE L'ÉPIPHANIE.

Ox fait encore en ce jour l'Octave de l'Epiphanie. Le principal objet de la dévotion de l'Eglise est d'honorer le baptême de JésusChrist dans le Jourdain, par S. Jean-Baptiste. Nous voyons, par le grand concile tenu à Oxford en 12222, que ce jour était autrefois fèété en Angleterre; de sorte toutefois qu'on était seulement obligé d'entendre la messe. Anciennement il emportait la cessation des œuvres serviles en France et en Allemagne, comme nous l'apprenons des capitulaires de Louis le Débonnaire 3. L'empereur Théodose II défendit de passer aucun acte en justice pendant les huit jours qui précèdent l'Epiphanie, et les huit qui la suivent.

S. CADÉOLD, ÉVÊQUE DE VIENNE EN DAUPHINÉ.
VIIE SIÈCLE.

Ce saint évêque fut élevé par son mérite sur le siége épiscopal
de Vienne en Dauphiné, et montra beaucoup de zèle dans l'éta-
blissement de plusieurs monastères d'hommes et de femmes. Il
s'imposa, pour y réussir, les plus grands sacrifices, et ne ménagea
rien jusqu'à ce qu'il y fût parvenu. Les ecclésiastiques de sa cathé-
Vita S. Kentigerni; Usserius, An- 2 Can. 8.
tiquit. Britan. c. 15, p. 358.

3 L. 2 de Feriis,

a Guallauc et Morcant-Mwynfawa. Le premier paraît avoir été son fils. Pour le second, il était certainement son frère.

L'octave est la continuation d'une fête pendant huit jours; mais l'office s'y fait avec moins de solennité. Le huitième jour s'appelle octave par excel lence, et on y réitère la fête.

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