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prisonniers nouvellement convertis, après quoi il affranchit ses esclaves, et se démit de sa place.

Carin, ayant été tué dans l'Illyrie peu de temps après, c'est-àdire en 283, eut pour successeur Dioclétien, qui, l'année suivante, associa Maximilien-Hercule à l'empire. Quoique ce prince n'eût point publié de nouveaux edits contre les Chrétiens, les magistrats de Rome ne laissèrent pas de continuer la persécution. Lorsqu'il fut arrivé à Rome, il conçut de l'admiration pour le courage et la vertu de Sébastien, dont il ne connaissait point encore la religion. Il voulut l'attacher à sa personne, et ce fut pour cela qu'il le créa capitaine d'une compagnie de la garde prétorienne, place alors très-considérable. Ce prince étant allé en Orient, son collègue, qui resta en Occident, eut aussi pour le saint une estime toute particulière.

Vers le même temps, Chromace demanda à l'empereur la permission de se retirer à la campagne, ce qui lui fut accordé. Il emmena avec lui plusieurs nouveaux convertis. Il s'agissait de trouver quelqu'un qui pût les accompagner et achever de les instruire. On jeta les yeux sur Sébastien et sur le prêtre Polycarpe; mais on ne savait lequel choisir, parce que ces deux saints voulaient rester à Rome, où ils avaient une espérance plus prochaine de répandre leur sang pour Jésus-Christ. L'impossibilité où l'on était de terminer une contestation occasionée par le zèle, fit que l'on s'adressa au pape Caïus. Ce grand homme jugea en faveur de Sébastien, qui, par sa place, était plus en état de défendre l'Eglise. Il serait à souhaiter, dit S. Augustin', que l'on vît renaître de pareilles contestations entre les ministres de Jésus-Christ.

Le feu de la persecution s'étant rallumé avec plus de violence que jamais, l'an 286, le pape et les autres fidèles se cachèrent dans le palais même de l'empereur. Ils étaient dans la maison d'un officier de la cour, plein de zèle pour la religion chrétienne qu'il professait. Zoé fut arrêtée la première, lorsqu'elle priait sur le tombeau de S. Pierre, le jour de la fête des apôtres. On la suspendit par les pieds sur un feu dont la fumée la suffoqua. Tranquillin, confus de paraître moins courageux qu'une femme, alla prier sur le tombeau de S. Paul, où la populace le saisit et le lapida. Nicostrate, Claude, Castor et Victorin furent pris aussi. On les appliqua trois fois à la torture, après quoi on les jeta dans la mer. Tiburce, ayant été trahi par un faux frère, fut décapité. Castule, qui avait été découvert par le même traître, fut étendu trois fois sur le chevalet, puis enterré tout vivant. Marc et Marcellien furent cloués par les pieds à un poteau, et restèrent vingt-quatre heures en

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Ep. 180.

TOME I.

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cet état. Gomme ils ne mouraient point, on les tua à coups de lances.

pas

Sébastien, qui avait envoyé tant de martyrs au ciel, soupirait après le moment où il leur serait réuni. Ses vœux ne tardèrent à être exaucés. L'empereur, informé qu'il était chrétien, le manda. Lorsqu'il fut en sa présence, il lui reprocha l'ingratitude prétendue dont il avait payé tous ses bienfaits. Il le remit ensuite entre les mains de quelques archers de Mauritanie, qui, après l'avoir percé de flèches, le laissèrent pour mort sur la place. Irène, veuve du saint martyr Castule, étant venue pour l'enterrer, le trouva encore vivant. Elle le fit emporter secrètement dans sa maison, où en peu de temps il recouvra une santé parfaite. Sébastien, au lieu de se cacher, comme les Chrétiens l'y exhortaient, se mit un jour sur l'escalier par où l'empereur devait passer en allant au temple. Quand il le vit auprès de lui, il lui adressa la parole, et lui représenta avec beaucoup de force l'injustice de sa prévention contre les Chrétiens, qui se faisaient un devoir de prier pour la prospérité de son règne, et de lui garder une fidélité inviolable. Dioclétien, surpris de cette liberté, le fut encore davantage lorsqu'il reconnut Sébastien, qu'il avait cru mort. Il le fit. prendre de nouveau et mener dans le cirque ou l'hippodrome, attenant au palais, pour y être assommé à coups de bâton, et jeté ensuite dans le grand cloaque qui était au bout du cirque. Mais pour empêcher que les soldats de la garde prétorienne, qui aimaient et respectaient leur ancien officier, ne causassent quelque tumulte, on publia que Sébastien était mis à mort uniquement à cause de son attachement à la religion chrétienne. Il paraît que notre saint reçut la couronne du martyre le 19 ou le 20 janvier 288 a. Il a toujours été honoré comme un des plus illustres martyrs de l'église occidentale.

Une dame chrétienne, nommée Lucine, après avoir fait retirer secrètement le corps de Sébastien du cloaque où l'avaient jeté les idolâtres, l'enterra à l'entrée d'un cimetière souterrain, aux pieds des apôtres S. Pierre et S. Paul. Les Chrétiens allaient, à l'insu des infidèles, prier sur son tombeau comme sur celui des apôtres. Ce cimetière, qui était anciennement celui de Calixte, porte depuis long-temps le nom de Catacombes de Saint-Sébastien. L'église de notre saint, bâtie par le pape Damase à l'entrée de ces catacombes, et que l'on a eu soin de réparer de temps en temps, est une de celles que l'on visite à Rome par dévotion. La Toscane reçut des reliques du saint martyr, dès avant le pontificat de S. Grégoire le

a Les peintres représentent S. Sébastien dans une jeunesse florissante; mais une ancienne statue, ou plutôt une image à la mosaïque, qu'on voyait autrefois de lui à Rome, dans l'église de Saint-Pierre-aux-Liens, le représentait sous la forme d'un vénérable vieillard.

Grand'. Quelques églises de Rome en furent aussi enrichies. En 826 l'empereur Louis le Débonnaire obtint du pape Eugène II la permission de faire transporter à Saint-Médard de Soissons celles qui étaient restées dans l'église du saint aux catacombes. Les Huguenots, après la prise de Soissons en 1564, jetèrent ces reliques dans les fossés de l'abbaye. Mais on en recouvra quelque chose, ainsi que de celles de S. Grégoire, pape, et de S. Médard, qui se trouvèrent confondues ensemble. On en conservait une partie dans l'église de Notre-Dame de Soissons, et l'autre à S. Médard. Saint Sébastien est particulièrement invoqué contre la peste. Plusieurs villes et plusieurs pays ont été redevables à sa puissante intercession auprès de Dieu, de la délivrance de ce fléau. On en ressentit surtout les effets à Rome en 680 à Milan en 1575, et à Lisbonne en 1599 2.

S. EUTHYME, ABBÉ EN PALESTINE.

Tiré de sa vie, écrite avec beaucoup de fidélité quarante ans après sa mort, par Cyrille de Scythopolis, l'un des meilleurs écrivains de l'antiquité, lequel avait vécu dans le monastère du saint. Elle a été publiée par D. Lottin, Analect. græc. tom. 1; par Cotelier, Monum. græc. tom. 2, p. 200; et par Bollandus, 20 jan. p. 298.

L'AN 473.

EUTHYME Sortait d'une noble et riche famille établie à Mélitène, dans la petite Arménie. Sa naissance fut le fruit de la dévotion que son père et sa mère avaient au saint martyr Polyeucte. L'évêque du lieu, nommé Otrée, auquel on le confia, prit un soin particulier de son éducation. Il le fit élever dans la connaissance des saintes lettres et dans la pratique de toutes les vertus chrétiennes. Charmé des excellentes dispositions et des progrès rapides de son élève, il crut que ce serait un bien pour l'Eglise que de l'attacher au service des autels; il l'ordonna prêtre ensuite, et le fit supérieur général de tous les monastères de son diocèse.

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Notre saint conserva toute sa vie une tendre dévotion pour S. Polyeucte, à l'intercession duquel il se croyait redevable de sa naissance. Souvent il se retirait dans le monastère de son nom. Son exactitude à remplir les devoirs de sa place ne l'empêchait pas de se réserver des momens pour penser à sa propre sanctification. Il lui arrivait ordinairement de passer les nuits en prières sur une montagne voisine, depuis l'octave de l'Epiphanie jusque vers la fin du carême. Cependant l'amour qu'il avait toujours eu 2 Voyez Bolland. tom. 2, jan. etc.

Dial. l. 1, c. 10.

!

pour la solitude s'augmentait de plus en plus. Il résolut enfin d'en suivre les mouvemens, en renonçant entièrement au siècle. Il sortit donc secrètement de son pays, à l'âge de vingt-neuf ans, pour aller en Palestine. Son premier soin fut de visiter les lieux saints à Jérusalem; après quoi il s'enferma, à deux lieues de cette ville, dans une cellule située auprès de la laure de Pharan ". Là, dégagé de tout attachement aux choses terrestres, il ne conversait qu'avec Dieu. Mort au monde et à lui-même, il était continuellement uni au souverain bien par la prière du cœur. Il avait le don des larmes dans un degré peut-être encore plus éminent que le grand Arsène. Aux exercices de la plus sublime piété, il joignait le travail des mains, qui consistait à faire des paniers. Le produit de ce travail était un fonds plus que suffisant pour fournir à ses besoins : il y trouvait encore de quoi assister les pauvres,

Cinq ans après il se retira du côté de Jéricho, avec un saint ermite nommé Théoctiste. Ils s'enfermèrent tous deux à quatre lieues de Jérusalem, dans une caverne où ils ne vivaient que d'herbes crues. Ils y restèrent long-temps inconnus; mais à la fin ils furent découverts. On vint les visiter de toutes parts, et Euthyme se détermina à recevoir des disciples, vers l'an 411. Il en eut bientôt un assez grand nombre pour bâtir un monastère, dont il donna le gouvernement à Théoctiste. Il bâtit aussi, en 420, une laure aux environs de ce monastère, sur le chemin de Jérusalem à Jéricho. Mais jamais il ne voulut gouverner ses moines par lui-même. Il vécut toujours dans un ermitage écarté, où les supérieurs venaient prendre ses avis, le samedi et le dimanche. Les moines avaient aussi la liberté de le consulter les mêmes jours. Il les recevait avec une charité et une humilité qui lui gagnaient tous les cœurs. La mortification était une des choses qu'il leur recommandait le plus fortement. « Vous pouvez, leur disait-il, prati» quer cette vertu à table: ce que vous avez à faire pour cela, >> c'est d'en sortir toujours sur votre appétit. » Il réprouvait les jeûnes particuliers et les observances extraordinaires, persuadé que tout ce qui sort de l'ordre commun flatte ordinairement la vanité et la volonté propre. Tous les moines exprimaient dans leur conduite les instructions de leur saint abbé. Son exemple surtout agissait sur eux avec beaucoup d'efficacité. Ils se retiraient, comme lui, dans les déserts, depuis l'octave de l'Epiphanie jusqu'à la semaine sainte. Ils passaient tout ce temps dans une entière séparation du comnierce des hommes, ne s'occupant que de Dieu dans la prière et la contemplation. Le dimanche des Rameaux,

a Ainsi appelée d'un village peu éloigné. Une laure était un certain nombre de cellules, écartées les unes des autres, et non placées sous le même toit, comme dans un monastère.

ils retournaient à leur laure, afin d'offrir à Jésus-Christ les trésors spirituels qu'ils avaient amassés dans leur retraite.

Quoique ces solitaires vécussent dans un parfait éloignement du tumulte du siècle, ils ne laissaient pas de choisir un temps dans l'année où ils renonçaient aux visites même spirituelles, et aux occupations extérieures de leur état, toutes saintes qu'elles étaient, afin de vaquer uniquement à la contemplation des choses divines. Ils reprenaient ensuite les exercices communs avec un redoublement extraordinaire de ferveur. C'était par le moyen de ces retraites particulières, ajoute ici le moine Cyrille, qu'Euthyme croissait de jour en jour en douceur, en simplicité, en humilité et en toutes sortes de vertus. C'était par là qu'il s'affermissait dans cette confiance en Dieu qui attirait sur son âme les plus abondantes bénédictions. La conduite de ces saints solitaires, dont la vie se passait dans un recueillement perpétuel, est bien capable de confondre cette multitude de Chrétiens qui, quoique plongés dans les embarras du siècle, et entraînés par le tourbillon des vanités mondaines, ne pensent point du tout à se renouveler par quelques retraites. Les moines que notre saint dirigeait dans tous les lieux où il établissait sa demeure trouvaient comme lui de quoi subsister dans le travail des mains, et l'excédant du produit était offert à Dieu dans la personne des pauvres.

Dieu favorisa son serviteur du don des miracles. Aspebète, prince arabe et idolâtre, avait inutilement consulté les médecins et les magiciens pour rendre la santé à son fils Térébon, dont une paralysie avait desséché la moitié du corps. On le présenta au saint, qui le guérit avec le signe de la croix, accompagné d'une courte prière. Aspebète, frappé de ce prodige, demanda le baptême, et prit le nom de Pierre. Sa conversion fut suivie de celle d'un grand nombre de Sarrasins, et Juvénal, patriarche de Jérusalem, le fit depuis évêque de ces nouveaux Chrétiens ".

Le bruit de la guérison miraculeuse de Térébon attira auprès du saint un grand nombre de malades, qui, se trouvant aussi guéris par la vertu de ses prières, étendaient sa réputation de tous côtés. Son humilité, jointe à son amour pour la retraite, qui ne pouvait s'accorder avec une affluence de monde presque continuelle, lui fit prendre la résolution de changer de demeure, et d'aller se confiner dans le désert de Ruban ; mais il ne l'exécuta point pour lors, Théoctiste et les autres religieux de son monastère l'ayant instama Ce Pierre assista en 431 au concile tenu à Ephèse contre Nestorius. Il y a le titre d'évêque de Paremboles ou du Camp. Il mourut vers l'an 449.

Les modernes l'appellent le Désert de la Quarantaine, parce qu'on croit que c'est celui où le Sauveur jeûna quarante jours. C'était pour cela que plusie urs solitaires allaient y passer le carême, comme on le voit dans les Vies de 5. Jean le Silentiaire, de S. Sabas, de S. Gerasime, etc.

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