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ment conjuré de ne les pas abandonner. Cependant, quelque temps après, il prit avec lui un de ses disciples nommé Domitien, et se rendit auprès de la mer Morte, puis, sur une haute montagne isolée, où il trouva un puits, et les ruines d'un ancien édifice. Il y construisit un oratoire, et s'y fixa. Il n'avait d'autre nourriture que les herbes qui croissaient dans ce lieu. Cette montagne ne lui paraissant point encore assez solitaire, il passa dans le désert de Zyphon, où il s'enferma dans une caverne. Ses précautions furent inutiles; Dieu permit qu'il fût découvert. On s'empressa de toutes parts d'aller le visiter. Il guérit plusieurs malades, entre autres un énergumène, ce qui rendit son nom célèbre dans toute la Pales* tine. « Le pouvoir de ses prières, dit l'auteur de sa Vie, s'étendait » non-seulement sur les démons, mais même sur les serpens et sur » les bêtes les plus cruelles. » Le concours du peuple alarmant sa modestie et troublant sa solitude, il partit avec Domitien, afin de retourner dans le voisinage du monastère de Théoctiste. Il s'arrêta à une lieue en-deçà, dans un endroit très-propre au désir qu'il avait de vivre seul. Ce fut en vain que Théoctiste le pressa de revenir au monastère. Il y allait seulement les dimanches pour assister avec les frères à la célébration des saints mystères. Il continua toujours de passer le carême dans quelque désert écarté, comme celui de Pharan. Plusieurs de ses disciples ayant bâti des cellules dans le voisinage de sa caverne, il s'y forma une nouvelle laure, qui devint bientôt aussi célèbre que la première.

Euthyme, par ses conseils et par ses exemples, dirigeait et soutenait ce grand nombre de solitaires dans les voies de la perfection. Dans leurs besoins et dans leurs tentations, ils s'adressaient` à lui comme à l'oracle du ciel. Maron et Clémas, deux d'entre eux, écoutèrent un jour les suggestions de l'ennemi, qui, après leur avoir inspiré du dégoût pour la solitude, les sollicitait à rentrer dans le monde. Ils cachèrent cette tentation, au lieu de la découvrir et de chercher les moyens d'en être délivrés. Mais Dieu la manifesta à Euthyme, en lui faisant voir le démon qui attachait une corde au cou des deux religieux, et les entraînait dans l'abîme. Le saint va les trouver aussitôt, leur parle avec bonté, et les exhorte à la persévérance. Il leur représente combien il est dangereux de s'abandonner aux pensées de tristesse, de découragement et de dégoût pour les devoirs de son état. « Mettez, leur dit-il, toute » votre confiance en Dieu : c'est une illusion de croire que vous pratiquerez plus aisément la vertu ailleurs qu'ici. C'est la bonne

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a On croit que c'est celle d'où le démon montra à Jésus-Christ les royaumes du monde qu'il lui promit de lui donner, s'il voulait l'adorer.

Ce désert portait anciennement le nom d'Engaddi. La caverne dont il s'agit était, dit-on, celle où David se cacha, lorsqu'il fuyait la persécution de Saül.

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» volonté et non le lieu qui nous fait faire le bien. Tous ces chan» gemens sont un effet de la légèreté de l'esprit humain et des ruses. » du démon; ils ne servent qu'à rendre les moines plus stériles en » vertus, et plus relâchés dans leurs devoirs. C'est ainsi qu'un arbre, » transplanté tantôt dans un endroit et tantôt dans un autre, ne porte jamais de fruit. » Il leur raconta ensuite l'histoire suivante: « Un moine d'Egypte, sujet à se mettre en colère, crut que le moyen » de se préserver plus efficacement de ce péché était de quitter » son monastère et de vivre seul dans le désert, où il ne trouve»rait plus personne qui pût le fâcher. Plein de cette idée, il va » se renfermer dans une cellule, résolu d'y vivre en ermite. Mais » étant allé puiser de l'eau, la cruche qu'il voulut poser à terre se » renversa; ce qui arriva jusqu'à trois fois. A la troisième, il s'em » porta tellement, qu'il prit la cruche et la brisa. Après cette ac» tion, il rentre en lui-même, comprend que sa faute vient unique. » ment de sa volonté, et qu'il doit travailler à vaincre sa passion, >> au lieu de chercher une excuse dans les occasions. C'est ce qu'il >> résolut de faire en retournant à son monastère. » Les instructions de notre saint produisirent l'effet qu'il en avait attendu.

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Euthyme avait une telle réputation de sainteté, que, dans une grande sécheresse qui désolait tout le pays, on vint processionnellement à sa cellule, en portant des croix et en chantant le Kyrie eleison. On espérait obtenir la délivrance du fléau par le secours de ses prières. On le lui demanda donc avec instance. « Quoi! répondit-il, un pécheur tel que moi oserait-il se présenter devant » Dieu, dont nos crimes ont allumé la colère? Il faut nous proster>> ner tous devant lui, et il nous écoutera. » Tous obéirent, et le saint, accompagné de quelques-uns de ses moines, alla se prosterner dans sa chapelle. Le ciel se couvrit aussitôt de nuages épais: il tomba ensuite une pluie abondante, et l'année fut extrêmement fertile.

Notre saint se montra toujours fort zélé contre les erreurs de Nestorius et d'Eutychès. Il eut la gloire de ramener l'impératrice Eudocie à l'unité catholique. Cette princesse qui, après la mort de Théodose le Jeune, son mari, s'était retirée en Palestine, continuait. de favoriser ouvertement les Eutychiens. Mais la douleur que lui causa la captivité de sa fille et de ses petites-filles, que les Vandales avaient emmenées en Afrique, la fit rentrer en elle-même. Elle envoya consulter S. Siméon Stylite sur la conduite qu'elle devait tenir. Ce grand homme lui répondit que les malheurs qui l'accablaient étaient la punition du crime qu'elle avait commis, en abandonnant et en persécutant la doctrine catholique. Il lui recommanda ensuite de se conformer aux avis de l'abbé Euthyme

Comme Eudocie savait que les femmes n'entraient point dans l'enclos de la laure de notre saint, elle fit bâtir à l'orient du désert une tour qui en était éloignée d'environ une lieue et demie, et l'envoya prier de l'y venir voir; ce qu'il fit. L'avis que lui donna Euthyme, fut qu'elle devait abjurer l'eutychianisme, se séparer du faux patriarche Théodose, et recevoir le concile de Chalcédoine. La princesse reçut cet avis comme un ordre du ciel, et promit de le suivre ponctuellement. A peine fut-elle de retour à Jérusalem, qu'elle embrassa la communion de Juvénal, patriarche catholique de cette ville. Son exemple procura la conversion d'un grand nombre d'hérétiques. Elle passa le reste de sa vie dans les exercices de la pénitence et de la piété. Elle voulut, en 459, assigner des revenus pour la subsistance de ceux qui habitaient la laure d'Euthyme; mais le saint les refusa. « Pourquoi, fit-il dire à l'impératrice, vous occupez-vous de tant de soins? Bientôt vous paraîtrez > devant le tribunal de Jésus-Christ; ne pensez donc plus qu'au compte que vous allez rendre de toute votre vie. » Eudocie, pleine d'admiration pour un tel désintéressement, quitta la tour où elle était venue, afin de retourner à Jérusalem. Elle mourut peu temps après dans cette ville.

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Le 13 janvier 473, Elie et Macaire, tous deux disciples du saint, et auxquels il avait prédit qu'ils seraient patriarches de Jérusalem, vinrent le trouver avec plusieurs autres moines, pour l'accompagner dans le désert où il avait coutume de se retirer en carême. Euthyme leur dit qu'il passerait la semaine avec eux, mais qu'il les quitterait le samedi : ce qu'il entendait de sa mort. Trois jours après, il ordonna une veille générale pour la fête de S. Antoine, qui devait se célébrer le lendemain. Le jour de la fête, il exkorta ses moines à l'humilité et à la charité, choisit Elie pour son successeur, puis prédit à Domitien qu'il le suivrait dans sept jours; ce qui arriva effectivement. Euthyme mourut le samedi 20 de jat.vier. Il était âgé de quatre-vingt-quinze ans, et en avait passé soixantehuit dans la solitude. Il apparut à plusieurs personnes après sa mort. Il s'opéra un grand nombre de miracles par son intercession, qu'on venait de tous côtés implorer à son tombeau. Cyrille, qui les raconte, assure qu'il avait été témoin oculaire de plusieurs. S. Sabas, l'un des plus chers disciples de S. Euthyme, célébra sa fête immédiatement après sa mort. Il est honoré par les Latins et par les Grecs les derniers lui donnent toujours le titre de Grand.

S. FÉCHIN, ABBÉ EN IRLANDE.

CE saint est honoré avec une dévotion particulière au village de Foure, dans la partie occidentale du comté de Meath, où il gouverna un monastère avec une grande sainteté. Il mourut en 664, de l'horrible peste qui emporta quatre rois d'Irlande et plus de la moitié de leurs sujets. Plusieurs églises et plusieurs villages d'Irlande portent son nom.

Voyez Bollandus, Colgan, et Giraldus Cambr. Topog. Hibern. Dist. 2, c. 52.

MARTYROLOGE.

A ROME, S. Fabien, pape et martyr, qui souffrit la mort sous l'empereur Dèce, et fut enterré dans le cimetière de Calixte.

En la même ville, aux Catacombes, S. Sébastien, martyr, qui était capitaine de la première compagnie des gardes prétoriennes pour l'empereur Dioclétien. Il fut, en qualité de chrétien, lié à un arbre au milieu d'un champ, percé de flèches par ses propres soldats, et enfin frappé de coups de bâton jusqu'à ce qu'il rendit l'âme.

A Nicée en Bithynie, S. Néophyte, martyr, qui, à l'âge de quinze ans, fut battu de verges, jeté dans une fournaise ardente et exposé aux bêtes; mais comme il n'en reçut aucun mal, et qu'il persévéra avec plus de constance à confesser la foi de Jésus-Christ, on le fit enfin périr par le glaive.

A Césène, S. Maur, illustre par ses vertus et par ses miracles.

En Palestine, S. Euthyme, abbé, célèbre par son zèle à maintenir la discipline catholique et par la grandeur de ses miracles. Il fut un des ornemens de l'Eglise du temps de l'empereur Marcien.

Saints de France.

A Lyon, S. Clément, prêtre.

Au monastère de Cambron, près de Mons en Hainaut, le vénérable Daniel de Gérarmont, troisième abbé de ce lieu, de l'ordre de Citeaux.

Autres.

A Constantinople, S. Pierre le Télonéaire, confesseur.

Au comté de Meath en Irlande, S. Fequin, abbé, honoré particulièrement à Foure, près de Dublin.

En Momonie, dans la même île, saint Molac, confesseur.

A Eugube, au duché d'Urbain en Italie, le bienheureux Ludolf, évêque de cette ville, et avant cela instituteur de l'ordre de SainteCroix-de-Fontavelle, sous la règle de S. Benoît.

a Anciennement Fobhar.

S. AGNÈS, VIERGE ET MARTYRE.

Tiré de Prudence, de Coron. hymn. 14; de S. Ambroise, l. 1 de Virginit. et Offic. 1.1, c. 41,et des autres Pères. Les Actes de St Agnès, quoique du septième siècle, n'ont pas des caractères suffisans d'authenticité. On doit diṛe là même chose de ceux que M. Etienne Assémani a publiés en chaldaïque. Ils contredisent Prudence et S. Ambroise, en supposant que Ste Agnès termina son martyre par le feu. Voyez Tillemont, tom. 5.

L'AN 304 ou 305.

Tous les peuples, dit S. Jérôme 1, se réunissent pour célé brer dans leurs discours et dans leurs écrits les louanges de Ste Agnès a qui sut triompher de la faiblesse de son âge, comme de la cruauté du tyran, et qui couronna la gloire de la chasteté par celle du martyre. On l'a toujours spécialement invoquée, avec la Mère de Dieu et avec Ste Thècle, pour obtenir la vertu de pureté.

Rome fut le théâtre de ses victoires, peu de temps après le commencement de la persécution que Dioclétien alluma en 303 Elle n'avait encore que treize ans, selon S. Augustin et S. Ambroise, lorsqu'elle donna sa vie pour Jésus-Christ.

Les richesses et la beauté d'Agnès portèrent plusieurs jeunes. gens des premières familles de Rome à la rechercher en mariage 2. Mais elle leur répondit constamment à tous qu'elle avait consacré sa virginité à un époux céleste et invisible aux hommes. Ses amans revinrent inutilement à la charge; il leur fut impossible de la gagner. Voyant qu'ils ne pouvaient réussir, ils la dénoncèrent au juge comme chrétienne. Ils se flattaient que sa résolution ne tiendrait pas contre les menaces et l'appareil des tourmens. Le juge employa d'abord les caresses et les promesses les plus séduisantes; mais la sainte ayant répété plusieurs fois qu'elle n'aurait point d'autre époux que Jésus-Christ, il prit un ton menaçant, dans l'espérance de l'effrayer. Il se trompa; Agnès montra dans un corps faible et délicat une âme intrépide qui ne soupirait qu'après le martyre. Enfin on alluma un feu terrible, et l'on apporta les ongles de fer, les chevalets et tous les instrumens qui servaient aux supplices. La jeune vierge considéra tout cet épouvantable appareil sans la moindre émotion. Elle ne perdit rien de la sérénité de son visage au milieu des bourreaux qui l'environnaient. Elle n'attendait plus que l'ordre du magistrat pour se li2 S. Ambros. l. 1 de Virgin.

1 Ep. 8. a S. Augustin observe, serm. 274, que le nom d'Agnès signifie chaste en gree, et agneau en latin

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