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vrer à leurs coups. Ce n'est pas assez dire;

elle fit éclater sa joie

à la vue des tortures qui lui étaient préparées, et se présenta d'elle-même pour les souffrir. Alors on la traîna devant les idoles pour la forcer de leur offrir de l'encens; « mais elle ne leva la » main que pour faire le signe de la croix 1. »

Le gouverneur, voyant l'inutilité de toutes ses mesures, menaça la sainte de l'envoyer dans un lieu de débauche, où cette chasteté, qu'elle prisait tant, serait exposée aux insultes d'une jeunesse libertine 2. « Jésus-Christ, répondit Agnès, est trop ja loux de la pureté de ses épouses, pour souffrir que cette vertu > leur soit ravie; il en est lui-même le gardien et le protecteur. >> Vous pouvez répandre mon sang; mais pour mon corps, qui est » consacré à Jésus-Christ, jamais vous ne serez maître de le pro» faner. » Le juge, transporté de colère, exécuta la menace qu'il avait faite. La sainte fut conduite dans un lieu de prostitution; plusieurs jeunes gens débauchés y coururent pour assouvir leur infâme passion; mais ils furent saisis d'un tel respect à la vue de la jeune vierge, qu'ils n'osèrent approcher d'elle. Un d'entre eux, qui avait été plus brutal que les autres, se sentit frapper les yeux par un éclat de feu qui le renversa par terre, aveuglé et à demi mort. Ses compagnons effrayés, l'ayant relevé, le portèrent à la sainte, qui, par ses prières, lui rendit sur-le-champ la vue et la santé a

Cependant le principal accusateur d'Agnès aigrissait de plus en plus le magistrat contre elle. Furieux d'avoir manqué sa proie, il n'écoutait plus que les transports de la vengeance la plus impétueuse. Mais le juge n'avait pas besoin d'aiguillon: outré lui-même de se voir méprisé et défié par une jeune vierge, il la condamna à être décapitée. La vue du bourreau chargé de l'exécution de cette sentence remplit Agnès de joie. « Elle alla, dit S. Ambroise, » au lieu du supplice avec plus de plaisir qu'une autre n'irait au » lit nuptial. » Le bourreau ayant encore essayé de la faire changer de résolution, conformément aux instructions secrètes qu'il avait reçues, elle répondit toujours qu'elle ne trahirait point la foi qu'elle avait jurée à son divin époux. Elle fit ensuite une courte prière, puis baissa la tête, tant pour adorer Dieu que

S. Ambros.

2 Prudent. S. Ambros.

a S. Basile nous assure, de verd Virgin. que quand les persécuteurs exposaient les vierges à la brutalité des libertins, Jésus-Christ prenait miraculeusement la défense de leur chasteté. Tertullien parlait ainsi aux païens sur ce sujet : «En exposant les vierges chrétiennes, plutôt à une jeunesse corrompue qu'à la fureur des lions, vous avez reconnu qu'il n'y a point de peine, ni de >>> genre de mort, qui ne soit plus tolérable à un chrétien, qu'une injure faite à >> sa chasteté. Mais quel a été l'effet de ce raffinement de cruauté? Vous avez >> par là multiplié le nombre des prosélytes de notre sainte religion. » Tert. Apologet. c. 50, p. 272.

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pour recevoir le coup qui consomma son sacrifice. Les spectateurs ne purent retenir leurs larmes, en la voyant, dans une extrême jeunesse, chargée de fers, et intrépide sous la main tremblante du bourreau.

On l'enterra auprès de Rome, sur le chemin de Nomento, Du temps de Constantin le Grand, on éleva sur son tombeau une église que le pape Honorius Ier fit réparer dans le septième siècle. Elle subsiste encore aujourd'hui hors des murs de Rome, et elle est desservie par des chanoines réguliers. On y découvrit les reliques de la sainte sous le pontificat de Paul V, qui donna une fort belle châsse, où elles furent renfermées avec celles de Ste Emérentienne ". La magnifique église de Sainte-Agnès, bâtie par Innocent X, dans l'enceinte de Rome, est à l'endroit où l'on prétend que la chasteté de la sainte fut exposée.

La fête de Ste-Agnès est marquée dans tous les Martyrologes d'Orient et d'Occident, mais à différens jours. Anciennement elle était d'obligation pour les femmes en Angleterre, comme nous l'apprenons du concile tenu à Worcester en 1240. S. Ambroise, S. Augustin et d'autres Pères ont fait le panégyrique de notre sainte. S. Martin de Tours avait pour elle une dévotion singulière. Nous voyons dans plusieurs endroits des ouvrages de Thomas à Kempis, qu'il l'honorait comme sa principale patrone. Il parle des miracles opérés et des grâces reçues par son intercession.

Les anciens Sacramentaires de Gélase et de S. Grégoire, ainsi que le véritable Martyrologe de Bède, font une seconde commémoration de Ste Agnès, sous le 28 de janvier; sans doute parce que ce jour fut celui ou de sa sépulture, ou de la translation de ses reliques. Peut-être aussi a-t-on vouļu par là conserver la mémoire de quelque insigne faveur obtenue par l'intercession de la sainte, peu de temps après sa mort.

On ne peut douter de la sainteté du mariage, qui a Dieu pour auteur. C'est, dans l'ordre de la Providence et de la nature, l'état du plus grand nombre de ceux qui vivent dans le monde. On fait donc bien lorsqu'on s'y engage par des vues chrétiennes. Ceux cependant qui, pour suivre la vocation divine, préfèrent le célibat, font encore mieux. S. Paul y est formel; et la tradition de l'Eglise n'a jamais varié sur ce point. Un célèbre protestant convient de

a Cette église est un titre de cardinal. Chaque année, au jour de la fête de Ste Agnès, l'abbé de Saint-Pierre-aux-Liens y bénit deux agneaux à la grand'messe. Après cette cérémonie, on les porte au pape, qui leur donne aussi sa bénédiction. On les porte ensuite aux religieuses de Saint-Laurent de Panisperne, quelquefois aux Capucines, qui font, de la laine de ces agneaux, les pallium que le pape bénit et envoie aux archevêques et aux évêques qui occupent des siéges privilégiés. Ces pallium sont le symbole de la douceur et de la pureté.

1

Voyez M. Wells, Paraph. sur S. Matthieu, p. 185.

bonne foi que Jésus-Christ loue la chasteté volontaire, lorsqu'elle a pour objet le royaume céleste. Aussi voyons-nous que tous les Pères, depuis les premiers disciples des apôtres, se réunissent pour exalter l'excellence de la virginité. Elle est, disent-ils, un des principaux fruits de l'incarnation, et Dieu habite par préférence dans l'âme des vierges. Cette vertu, continuent-ils, fait un ange d'un homme mortel, en bannissant de son esprit et de son cœur toutes les pensées et toutes les affections terrestres. C'est par cette vertu, plus que par aucune autre, que l'homme s'approche de la divinité. Et voilà pourquoi les vierges sans tache sont spéciale ment appelées à la suite de l'Agneau, et qu'elles ont le privilége de l'accompagner partout où il va 1.

La chasteté oblige aussi les veuves et les personnes mariées, quoique d'une manière différente. Cette vertu, dit S. Ambroise 2, aura sa récompense dans chaque état; mais la couronne des vierges sera la plus brillante. S. Augustin est du même sentiment. Il est aisé de sentir la raison pour laquelle de si magnifiques récompenses sont attachées à la pratique de la chasteté; c'est que, dans les victoires qu'elle remporte, elle suppose plus de difficulté et d'héroisme. Au reste, elle n'a sa perfection que quand elle est unie à la divine charité, à une humilité profonde et à toutes les

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S. FRUCTUEUX a, ÉVÊQUE DE TARRAGONÉ,

ET SES COMPAGNONS, MARTYRS.

Tiré de leurs Actes sincères, ap. Ruinart, que S. Augustin a cités, serm. 273, et que Prudence a copiés dans sa sixième hymne.

L'AN 259.

Le feu de la persecution s'étant allumé sous le règne de Valérien et de Gallien, Fructueux, évêque de Tarragone, fut arrêté dans sa maison, avec les diacres Augure et Euloge, par les soldats qu'on nommait Bénéficiers c. C'était un dimanche, 16 janvier 259. Le saint évêque s'était jeté sur son lit pour prendre un peu de repos; le bruit que les soldats faisaient à la porte de son logis étant venu frapper ses oreilles, il se leva promptement, et s'avança vers eux. Informé du sujet qui les amenait, il leur demanda seulement le temps de mettre sa chaussure, et les suivit avec joie. 1 Apocal. XIV, 1, 3, etc. 2 L. de Viduis, tom. 5, p. 635.

a Vulgairement san Frutos.

b C'était alors la principale ville d'Espagne.

c On les nommait ainsi à cause de certains priviléges qui les distinguaient des autres, et qui leur donnaient le droit d'aspirer aux charges et aux honneurs de la milice. Voyez Végèce, l. 9, c. 7.

On le conduisit avec ses deux diacres dans une obscure prison, où il baptisa un catéchumène nommé Rogatien. Il consolait les fidèles qui venaient se recommander à ses prières, et les renvoyait après leur avoir donné sa bénédiction.

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Le vendredi, sixième jour de l'emprisonnement des confesseurs de Jésus-Christ, le gouverneur Emilien les envoya chercher. Il commença par demander à Fructueux s'il connaissait le dernier édit des empereurs. « Je n'en ai aucune connaissance, répondit le saint; mais en tout cas je vous déclare que je suis chrétien. >> EMILIEN. Les empereurs ordonnent que tous leurs sujets sacri>> fient aux dieux. —FRUCTUEUX. J'adore un Dieu qui a fait le ciel, › la terre et tout ce qu'ils renferment. EMILIEN. Ne savez-vous pas qu'il y a des dieux?- FRUCTUEUX. Je n'en sais rien. EMI»LIEN. Eh bien! on vous l'apprendra. » Le saint, dans ce moment, leva les yeux au ciel, et se mit à prier en lui-même. Le gouverneur reprit : « Qui craindra-t-on, qui adorera-t-on sur la terre, si » l'on méprise le culte des dieux immortels et celui des empe>> reurs?»> Ensuite, se tournant vers Augure, il lui conseille de ne pas s'arrêter à ce que Fructueux venait de dire. Mais le diacre lui répond en peu de mots qu'il adore aussi le Dieu tout-puissant. Emilien, ayant enfin demandé à Euloge s'il n'adorait pas aussi Fructueux, il en reçut cette réponse : « Je n'adore point mon évêque, mais le Dieu que mon évêque adore. Vous êtes donc évêque ? dit Emilien à Fructueux. — Oui, je le suis, répondit le » saint. EMILIEN. Dites que vous l'avez été. » Ces dernières paroles donnaient à entendre que Fructueux allait perdre sa dignité avec sa vie. Les trois confesseurs furent aussitôt condamnés à être brûlés vifs.

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Les païens eux-mêmes ne purent retenir leurs larmes lorsqu'ils les virent conduire à l'amphithéâtre : ils aimaient Fructueux à cause de ses rares vertus. Pour les Chrétiens, ils les suivirent avec une douleur mêlée de joie. Les martyrs triomphaient à la vue de la glorieuse éternité dans laquelle ils allaient entrer. Quelquesuns des frères présentèrent à leur évêque un verre d'eau et de vin pour le fortifier; mais il le refusa, en disant qu'il n'était pas encore l'heure de rompre le jeûne. Il était alors dix heures du matin ". « Je remets, ajouta le saint, à rompre le jeûne dans le ciel avec les patriarches et les prophètes. » Lorsqu'il fut arrivé à l'amphithéâtre, Augustal, son lecteur, s'approcha de lui, fondant en larmes, et le pria de trouver bon qu'il le déchaussât. « Mon fils, répondit le saint, ne prenez pas cette peine, je me déchausserai a Il s'agissait du jeûne appelé des stations, qu'on gardait les mercredis et les vendredis; on ne le rompait qu'à none, c'est-à-dire qu'à trois heures après midi. S. Fructueux avait aussi gardé le jeûne le mercredi dans la prison.

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bien moi-même. » En même temps Félix, soldať chrétien, le conjura de se souvenir de lui dans ses prières. « Je dois, dit Fruc» tueux en élevant la voix, prier pour toute 1 Eglise repanaue par » toute la terre, depuis l'orient jusqu'à l'occident. » C'est comme s'il eût dit : Restez toujours dans le sein de l'Eglise, et vous aurez part à mes prières ". Martial l'ayant conjuré d'adresser au moins quelques paroles de consolation à son église affligée : « Mes frères, >> dit-il en se tournant vers les Chrétiens, mes frères, le Seigneur » ne vous laissera point sans pasteur. Il est fidèle à ses promesses. » Ne vous attristez point sur mon sort. Une heure de souffrance » est bientôt passée. » Cependant on attache les trois saints au po'teau et on allume le feu; mais les flammes parurent d'abord les respecter. Lorsque les liens qui serraient leurs mains eurent été consumés, ils les étendirent en forme de croix pour prier, et remirent leurs âmes à Dieu, avant que le feu eût endommagé leurs corps.

Après leur mort, Babylas et Mygdonius, domestiques du gouverneur, et du nombre des Chrétiens, les virent monter glorieusement au ciel. Ils les montrèrent à la fille d'Emilien, qui les vit aussi ils allèrent promptement avertir Emilien lui-mêmè, afin qu'il fût témoin du triomphe de ces hommes qu'il avait condamnés au feu. Il vint, mais il ne vit rien; son infidélité l'en rendant indigne.

:

La nuit suivante, les Chrétiens, s'étant rendus à l'amphithéâtre, enlevèrent les corps des martyrs à demi brûlés, et en partagèrent entre eux les précieux restes. Mais, sur un avertissement du ciel, chacun rapporta ce qu'il avait pris, et on enferma dans un même tombeau les reliques des soldats de Jésus-Christ.

Le nom de S. Fructueux a toujours été fort célèbre dans l'Eglise d'Occident, surtout en Espagne et en Afrique. Nous avons un panégyrique que S. Augustin prononça en son honneur le jour de l'anniversaire de son martyre.

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S. PUBLIUS, SECOND ÉVÊQUE D'ATHÈNES, MARTYR. Nous apprenons de S. Denys de Corinthe, cité par Eusèbe ' que S. Publius fut chargé du gouvernement de l'église d'Athènes, après la mort de S. Denys l'Areopagite. Nous ne savons pas autre chose de ce saint, sinon qu'il termina glorieusement sa vie par le martyre. Il eut S. Quadrat pour successeur.

Voyez le P. le Quien, Oriens Chr., tom. 2, p. 169.

• Ceite remarque est de S. Augustin, serm. 273, tom. 5, p. ¡106. Hist. l. 4, c. 23.

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