Images de page
PDF
ePub

N

» verneur, avoir une place parmi les premiers officiers. Si vous ne » vous sentez point de goût pour cette dignité, et que vous aimiez » mieux vivre en chrétien, et même en moine, on ne vous inquiè» tera point sur cet article; d'ailleurs vous ne renierez votre Christ » qu'en présence d'un seul homme. Quelle injure lui ferez-vous, puisque, dans le fond du cœur, vous lui resterez toujours atta»ché? S. Anastase répondit généreusement que l'apparence même de la dissimulation lui faisait horreur, et que jamais il n'aurait la lâcheté de renier son Dieu. Marzabane, le voyant inébranlable, lui déclara qu'il avait ordre de l'envoyer au roi, chargé de fers. « Il est inutile de m'enchaîner, dit le saint; puisqu'il s'agit de » souffrir pour Jésus-Christ, j'irai avec joie au lieu de ma destination. » Le gouverneur ordonna de le faire partir dans cinq jours avec deux autres prisonniers chrétiens. Durant les préparatifs du voyage, arriva la fête de l'Exaltation de la sainte croix, que l'on célébrait le quatorzième de septembre. Le commercier ou receveur des tributs pour le roi, qui était un Chrétien de distinction, ob-· tint pour Anastase la permission d'aller à l'église et d'assister à l'office divin". Sa présence et ses exhortations affermirent les fidèles dans leurs bonnes résolutions, ranimèrent la ferveur des âmes tièdes, et firent couler des larmes de tous les yeux. Après l'office, le saint dîna chez le commercier, et retourna gaîment à sa prison.

[ocr errors]

Les cinq jours étant expirés, Anastase partit, sous bonne garde, de Césarée en Palestine, avec les deux prisonniers chrétiens dont nous venons de parler. Il fut suivi par l'un des moines que l'abbé Justin avait envoyés pour l'assister 1. Dans tous les lieux où il passait, les Chrétiens s'empressaient d'aller au-devant de lui et de le recevoir avec les plus grandes marques de respect. Tant d'honneurs alarmaient l'humilité du saint; il craignait que le poison de l'orgueil ne se glissât dans son cœur, et ne lui ravît sa couronne. Persuadé que les secours de la grâce lui étaient plus nécessaires que jamais, il écrivit à son abbé, de la ville d'Hiéraple et des bords du Tigre, pour lui demander l'assistance de ses prières et de celles de toute la communauté.

Lorsqu'il fut arrivé à Barsaloé en Assyrie, petite ville à deux lieues et demie de Discarthes ou Dastagerde, près de l'Euphrate, où était alors le roi de Perse, on le mit en prison, en attendant

a Les Perses n'empêchaient point l'exercice de la religion chrétienne dans les lieux de leurs conquêtes où ils l'avaient trouvée établie. Ils n'en voulaient qu'à ceux de leur pays qui se faisaient chrétiens, parce qu'ils regardaient leur conversion comme un outrage fait à leurs dieux, et comme un affront qui retombait sur toute la nation persane.

Les Actes du martyre de notre saint furent écrits par ce moine, ou au moins d'après ce qu'il en avait dit de vive voix.

des ordres plus particuliers. Chosroès l'envoya interroger par un officier qui tâcha de l'éblouir par les plus magnifiques promesses. « La pauvreté de l'habit que je porte, dit le saint, annonce assez » le mépris que je fais de la vanité des pompes mondaines. Les honneurs et les richesses d'un roi qui doit bientôt mourir lui⚫ même ne sont pas capables de me tenter. »

Le lendemain l'officier revint à la prison, dans l'esperance que les menaces seraient plus efficaces que les promesses. Il se trompa. «Seigneur, lui dit le saint avec tranquillité, il est inutile que vous » vous tourmentiez de la sorte. Je suis, par la grâce de Jésus-Christ, » incapable d'être ébranlé. Vous pouvez donc exécuter ce que vous » avez résolu à mon égard. » L'officier, irrité, le condamna à être cruellement fustigé; ce qui fut exécuté trois jours de suite. Il ordonna ensuite qu'on l'étendît sur le dos, et qu'on lui mît sur les jambes une grosse pièce de bois, sur les extrémités de laquelle on fit encore monter deux hommes robustes. On peut imaginer l'effet que produisit une pression si violente. La patience et la tranquillité d'Anastase étonnèrent le juge. Il alla trouver le roi, lui rendit compte de ce qui se passait, et lui demanda de nouveaux ordres.

Durant son absence, le geôlier, qui était chrétien, mais trop faible pour quitter une profession qui ne convenait nullement alors à un disciple de Jésus-Christ, permit aux fidèles de visiter Anastase. Ils accoururent en foule dans la prison; chacun s'empressait de baiser les pieds et les chaînes du martyr: on emportait comme une chose sainte et précieuse, ce qui avait seulement touché son corps, ou même les instrumens de son supplice. Le saint, qui n'avait que de bas sentimens de lui-même, fut très-mécontent d'une telle conduite; il s'en expliqua même en termes assez forts; mais il ne put rien gagner.

L'officier, étant de retour, fit battre Anastase de nouveau, mais toujours inutilement. On eût dit, à voir la constance du martyr, que son corps était insensible. On le pendit ensuite par une main, après lui avoir attaché un gros poids aux pieds; il resta deux heures en cet état, sans que ni les promesses ni les menaces que l'on mit encore en œuvre pussent l'ébranler.

Enfin le juge, désespérant de pouvoir vaincre sa résistance, alla encore trouver le roi afin de savoir ses dernières volontés. Il eut ordre de faire mourir notre saint avec les autres prisonniers chrétiens. A son retour, les deux compagnons d'Anastase et soixantesix autres Chrétiens furent étranglés sur le bord du fleuve. On voulut qu'Anastase fût témoin de l'exécution: on se flattait que cet horrible spectacle l'ébranlerait. On employa encore d'autres

[ocr errors]
[ocr errors]

moyens pour le faire rentrer dans la religion des Perses; mais ils furent tous sans succès. «Je m'attendais, dit-il aux bourreaux, » à un genre de mort plus cruel. Je pensais qu'on mettrait mon corps en pièces; mais puisque Dieu m'appelle à lui par une voie » si facile, le sacrifice que je lui fais de ma vie ne me coûte rien; je le prie seulement de l'accepter. » A peine eut-il cessé de parler, qu'on l'étrangla comme les autres: on lui coupa ensuite la tête. Son martyre arriva le 22 de janvier, l'an de Jésus-Christ 628, et le 17 de l'empire d'Héraclius, jour auquel les Grecs et les Latins font sa fête. S. Anastase avait prédit la chute prochaine du tyran Chosroès. La prédiction se vérifia dix jours après son martyre, lorsque l'empereur Héraclius entra en Perse.

Le corps du saint, qu'on avait jeté aux chiens avec ceux des autres Chrétiens, fut seul respecté par ces animaux voraces. Les fidèles le rachetèrent, et l'enterrèrent dans le monastère de SaintSerge, qui n'était pas éloigné, et qui a fait donner le nom de Sergiopolis à la ville de Barsaloé. Le moine qui l'avait suivi rapporta sa tunique en Palestine; son corps y fut aussi transféré dans la suite. Quelques années après on le porta à Constantinople, et de là à Rome.

[ocr errors]

Le septième concile général approuva1 l'usage de peindre la tête du saint martyr Anastase, ainsi que l'ancienne image de cette même tête, célèbre par plusieurs miracles, et que l'on gardait à Rome avec une vénération singulière. On la voit encore aujourd'hui dans l'église du monastère de Notre-Dame ad Aquas Salvias, qui porte le nom de Saint-Vincent et de Saint-Anastase 2. Les autres reliques de notre saint sont dans la chapelle ad Scalas Sanctas, près de Saint-Jean-de-Latran. On trouve dans Bollandus l'histoire des miracles opérés par leur vertu.

MARTYROLOGE.

A Valence en Espagne, S. Vincent, diacre, qui, sous le très-cruel Dacien, après avoir souffert la prison, la faim, le chevalet, la dislocation de ses membres, le gril de fer tout rouge de feu, et plusieurs autres sortes de tourmens, s'en alla au ciel recevoir la récompense d'un si éclatant martyre. Le poète Prudence a chanté son glorieux triomphe; S. Augustin et le pape S. Léon lui ont aussi donné de grandes louanges.

A Rome, aux eaux Salviennes, on solennise la fête de S. Anastase, moine persan. Ce saint, après les tourmens d'une rigoureuse prison, après les fouets et les chaînes qu'il avait endurés à Césarée en Pales

1 Act. IV.

2 Mabill. Iter. Ital. p. 141.

tine, fut encore diversement tourmenté par Chosroès, roi de Persé, et enfin décapité. Il avait eu auparavant la consolation d'envoyer au martyre soixante-dix de ses compagnons, qui avaient tous été noyés. On porta à Rome sa tête, avec son image, dont le seul aspect chasse les démons et guérit les maladies, ainsi que l'attestent les Actes du second concile de Nicée.

A Embrun, les SS. Vincent, Oronce et Victor, qui reçurent la couronne du martyre dans la persécution de Dioclétien.

A Novare, S. Gaudence, évêque et confesseur.

A Sore, S. Dominique, abbé, célèbre par ses miracles.

Saints de France, outre S. Oronce et ses compagnons.

Près d'Arcis au diocèse de Troyes en Champagne, S. Ou, martyr dont un village près de Méry porte le nom.

En un lieu qui se nommait Orsoles, S. Valier, évêque de Viviers. A Vienne, S. Blidran, évêque de cette ville.

Près de Reimbach au diocèse de Cologne, Ste Luftolde, vierge.

Autres.

Au pays de Viltshire en Angleterre, S. Brithvold, évêque de Vilton, dont le siége a été transféré à Salisbury.

S. RAIMOND DE PENNAFORT.

Tiré de la bulle de sa canonisation, donnée par Clément VIII en 1601, et de sa Vie écrite par plusieurs auteurs espagnols, italiens et français. Voyez Fleury, l. 78, n. 55, 64, et les Hommes illustres de l'ordre de Saint-Dominique, par le P. Touron, tom. 1, p. t.

L'AN 1275.

S. RAIMOND naquit en 1175, au château de Pennafort, en Catalogne ". Ses progrès dans l'étude furent si rapides, que dès l'âge de vingt ans il enseigna la philosophie à Barcelone, ce qu'il fit gratuitement. La supériorité avec laquelle il exerça cet emploi rendit bientôt son nom célèbre. Il y avait un concours prodigieux à ses leçons; les maîtres même les plus habiles ne rougissaient point d'aller le consulter.

Le saint s'appliquait encore plus à former les cœurs que les esprits; de là ce zèle à inspirer une solide piété à tous ses disciples. Le temps qu'il pouvait dérober aux fonctions de son état, il l'employait à secourir les malheureux et à terminer les différends qui s'élevaient entre ses concitoyens. Lorsqu'il eut atteint l'âge d'environ trente ans, il se retira à Bologne, en Italie, pour se perfectionner dans l'étude du droit canonique et du droit civil. Ayant reçu le degré de docteur dans cette ville, il y profesṣa, et toujours avec le même zèle et le même désintéressement qu'il avait montrés dans sa patrie.

L'université et le sénat de Bologne se félicitaient d'avoir un professeur d'un si rare mérite; mais ils eurent bientôt la douleur de le perdre. Bérenger, évêque de Barcelone, le leur enleva en 1219, au retour d'un voyage qu'il avait fait à Rome. Il lui donna un canonicat dans sa cathédrale, et l'éleva successivement aux dignités d'archidiacre, de grand-vicaire et d'official. Raimond édifiait tout le clergé de Barcelone par ses exemples et par la pratique exacte des vertus propres à son état. Il se distinguait surtout par sa ferveur, sa modestie, son zèle et sa charité pour les pauvres, qu'il avait coutume d'appeler ses creanciers.

Notre saint, ayant fait connaissance avec les frères Prêcheurs, établis à Barcelone, en prit l'habit en 1222, huit mois après la mort de S. Dominique, fondateur de cet ordre. Il avait alors quarante-sept ans. Jamais novice ne montra plus d'humilité, d'obéissance et de ferveur. Persuadé qu'il est toujours dangereux de faire sa volonté, il voulut dépendre en tout de celle de son directeur. Il savait que Jésus-Christ ne s'était soumis aux hommes que pour nous enseigner cette doctrine, et pour nous servir de modèle. La prière

a La maison de Pennafort descendait de celle des comtes de Barcelone, et était alliée de fort près à la famille royale d'Aragon. Le château de Pennafort fut changé en un couvent de Dominicains dans le quinzième siècle.

« PrécédentContinuer »