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par terre, saisis de frayeur. Alors Saul entendit une voix qui lui disait distinctement, sans toutefois que les autres, qui l'entendaient aussi, pussent la comprendre a : Saul, Saul, pourquoi me persécutez-vous? Saul répondit : Qui êtes-vous, Seigneur? Et le Seigneur lui dit: Je suis Jésus de Nazareth que vous persécutez. Il vous est dur de regimber contre l'aiguillon, c'est-à-dire « de ré» sister à quelqu'un de plus puissant que vous. En persécutant » mon Eglise, vous la rendez plus florissante, et vous ne faites de » mal qu'à vous-même. » Ce doux reproche du Sauveur, accompagné de l'onction intérieure de sa grâce, amollit la dureté du cœur de Saul, éteignit sa fureur, guérit son orgueil, et le changea en un homme tout nouveau. Il s'écria tout tremblant : Seigneur, que voulez-vous que je fasse? C'est comme s'il eût dit: Seigneur, comment ferai-je pour réparer le passé? Quel est le moyen de procurer votre gloire? Je m'offre à vous avec joie pour exécuter votre sainte volonté, et pour souffrir, si vous l'exigez, les afflictions, les opprobres, les persécutions, les tourmens et toutes sortes de morts. Tel est le langage d'un pécheur véritablement converti: il ne s'en tient point aux paroles, ni à des désirs vagues et stériles; il triomphe généreusement du monde et de ses charmes, du démon et de ses artifices; il vide son cœur de toutes les affections terrestres, pour faire à Dieu le sacrifice entier de lui-même; mais n'oublions jamais qu'une véritable conversion est le plus grand œuvre de la grâce.

Jésus-Christ ordonna à Saul de se lever et d'aller dans la ville, où un de ses serviteurs lui apprendrait ce qu'il avait à faire. Ce ne fut pas sans raison que Jésus-Christ ne l'instruisit point immédiatement par lui-même. Il l'envoya, dit S. Augustin, aux ministres qu'il avait établis dans son Eglise, et qu'il avait chargés de montrer la voie du salut. Le Sauveur, en renvoyant à ses ministres l'instruction d'un apôtre appelé d'une manière si extraordinaire, nous apprend par là qu'il faut chercher sa volonté dans l'enseignement des pasteurs qu'il a revêtus de son autorité pour être nos guides spirituels. C'était là l'unique moyen de détruire cette présomption et cette orgueilleuse confiance en nos propres lumières, qui sont deux sources fatales d'erreurs et d'illusions.

Saul, s'étant levé, ne voyait rien, quoiqu'il eût les yeux ouverts. Cet aveuglement corporel, ménagé par la Providence, était une figure de l'aveuglement spirituel où il avait vécu; il lui apprenait encore que désormais il devait être mort au monde, et ne plus

a Le mot grec άxcúev se prend souvent en ce sens dans l'Ecriture, comme dans la première Epître aux Corinthiens, XIV, 2. Ainsi ce texte se concilie trèsbien avec le verset 9 du vingt-deuxième chapitre des Actes,

! Quæst, Ev, l. 2, c. 40, et Præf. I. de Loct, chr, p. 32,

occuper son esprit que de la contemplation des choses célestes. Il fallut lui donner la main pour le conduire à Damas, où il semblait que Jésus-Christ le menait en triomphe. Il logea dans la maison d'un Juif nommé Judas; il y demeura trois jours sans voir, sans boire, sans manger, et ignorant encore ce que Dieu exigeait de lui. On ne peut douter qu'il n'ait alors repassé dans l'amertume de son âme toutes les violences qu'un faux zèle lui avait inspirées contre l'Eglise, lorsque l'on pense qu'il ne prit aucune nourriture pendant ces trois jours, et qu'après plusieurs années d'apostolat, il gémissait encore, en se rappelant qu'il avait été un blasphémateur et un persécuteur. Il est certain que S. Paul ne fut pas converti par degrés, comme les pécheurs ordinaires, et qu'un miracle de la grâce changea son cœur en un moment; mais il fallait un temps d'épreuves pour crucifier le vieil homme, pour en détruire tous les sentimens, et pour préparer la voie à l'accomplissement des desseins miséricordieux que Jésus-Christ avait sur sa conquête.

Il y avait à Damas un disciple nommé Ananie a, à la sainteté et à la vertu duquel les Juifs rendaient le plus glorieux témoignage. Le Seigneur lui apparut dans une vision, et lui dit d'aller trouver Saul dans la maison de Judas, où il était en prières. Le nom de Saul fit trembler Ananie ; car il savait tout le mal qu'il avait fait aux fidèles de Jérusalem, et pourquoi il venait à Damas. Le Seigneur lui réitéra le même ordre, et lui dit, pour calmer ses frayeurs: Allez, parce que cet homme est un instrument que j'ai choisi pour porter mon nom devant les gentils, devant les rois et devant les enfans d'Israël; car je lui montrerai combien il faudra qu'il souffre pour mon nom. Nous voyons par là que les tribulations sont le partage des vrais serviteurs de Jésus-Christ. En même temps, Saul voyait en vision un homme qui entrait, et qui lui imposait les mains, afin qu'il recouvrât la vue. Ananie obéit, va trouver Saul, lui impose les mains, et lui dit : Saul, mon frère, le Seigneur Jésus, qui vous est apparu dans le chemin par où vous veniez, m'a envoyé, afin que vous recouvriez la vue, et que vous soyez rempli du SaintEsprit. Aussitôt il tomba de ses yeux comme des écailles, et il recouvra la vue. Ananie ajouta : Le Dieu de nos pères vous a prédestiné pour connaitre sa volonté, pour voir le juste et pour entendre les paroles de sa bouche; car vous lui rendrez témoignage, devant tous les hommes, de ce que vous avez vu et entendu. Qu'attendez-vous donc ! Levez-vous et recevez le baptême, et lavez vos péchés en invo

a S. Augustin pense qu'il était évêque, ou au moins prêtre. Il est nommé dans le calendrier des Grecs, au 1er octobre, avec le titre d'évêque de Damas et de martyr.

[25 janvier.] quant le nom du Seigneur. Saul se leva aussitôt pour recevoir le baptême, et ayant ensuite mangé, il reprit ses forces. Il resta quelques jours avec les disciples de Damas, et se mit aussitôt à prêcher Jésus dans les synagogues, assurant qu'il était le Fils de Dieu. Tous ceux qui l'écoutaient étaient dans l'étonnement, et disaient: N'estce pas celui qui persécutait dans Jérusalem ceux qui invoquaient le nom de Jésus, et qui est venu ici pour les emmener prisonniers ? Ce fut ainsi qu'un blasphémateur et un persécuteur fut changé en apôtre, et devint un des principaux instrumens dont Dieu se servit pour la conversion du monde.

S. Paul ne se rappelait jamais sa conversion, sans entrer dans les sentimens de la plus vive reconnaissance envers la divine miséricorde. L'Eglise, en instituant la fête de ce jour, a eu dessein de remercier Dieu d'avoir opéré un tel prodige, de donner un exemple de l'efficacité de la grâce de Jésus-Christ, et de proposer aux pénitens le modèle d'une vraie conversion. Il est parlé de cette fête dans plusieurs calendriers et dans plusieurs Missels du huitième et du neuvième siècle. Le pape Innocent III ordonna de la célébrer solennellement. Elle a été quelque temps d'obligation dans la plupart des églises d'Occident; et, comme nous l'appre nons d'un concile tenu à Oxford en 1222, sous le roi Henri III', elle était aussi autrefois en Angleterre du nombre des fêtes de précepte.

SS. JUVENTIN ET MAXIMIN, MARTYRS.

Tiré du beau panégyrique des deux saints, par S. Chrysostome, tom. 2, p. 578, ed. Ben. et de Théodoret, Hist. 1. 3, c. 15.

Ces deux martyrs etaient officiers dans la compagnie de l'empereur Julien l'Apostat ". Il leur arriva, étant un jour à table, de 1 Conc. Labb. tom. 11, p. 274.

a Julien l'Apostat, ainsi surnommé parce qu'il abjura la religion chrétienne pour embrasser le paganisme. Ce prince, nommé en latin Flavius Claudius Julianus, fils de Jules Constance, et neveu de Constantin le Grand, naquit à Constantinople, le 6 novembre 331. Il eut le bonheur d'échapper, avec son frère Gallus, au massacre qui fit périr toute sa famille, après la mort de Constantin. Le soin de son éducation fut confié au fameux Eusèbe de Nicomédie. Mardonius, son gouverneur, travailla également à lui former l'esprit et le cœur. Ses progrès dans les sciences furent très-rapides; il entra dans le clergé, et exerça dans l'Eglise la fonction de lecteur. Il fit un voyage à Athènes, où il s'appliqua à l'astrologie, à la magie et à toutes les vaines illusions du paganisme. Il s'attacha surtout au philosophe Maxime, qui fut la principale cause de sa perte. Il fut fait césar en 355, et chargé du commandement des troupes dans les Gaules. Les nombreuses victoires qu'il remporta sur les ennemis de l'Empire prouvèrent sa grande capacité pour le métier de la guerre. Après la mort de Constance, arrivée le 3 novembre 361, il alla en Orient, où il fut reconnu empereur, ainsi qu'il l'avait déjà été en Occident. Comme il avait toujours eu un penchant violent a l'idolâtrie, il ne dissimula plus. Il ordonna qu'on rouvrit les temples des

parler assez hautement des violences qu'on exerçait contre les Chrétiens. Leurs discours donnaient à entendre qu'ils préfèreraien1 idoles : il les adora publiquement; et par un trait de fanatisme qui fait horreur, il entreprit d'effacer en lui le caractère du baptème, en recevant sur toutes les parties de son corps le sang impur des victimes. Il donna dans les extravagances des auspices, et ajouta foi aux oracles : c'est ce que nous apprenons d'Ammien-Marcellin, historien païen. Le magicien Maxime et d'autres gens aussi inéprisables étaient ses principaux confidens. Cependant les miracles de JésusChrist l'incommodaient fort; et il n'était pas aisé d'enlever aux Chrétiens la preuve qu'ils en tiraient en faveur de leur religion. Au lieu donc d'en attaquer Îa vérité, il tâcha, par le moyen de la magie, d'en procurer de semblables au paganisme. Mais tous ses efforts tournèrent à sa confusion.

Dans le dessein qu'il avait d'anéantir la religion de Jésus-Christ, il choisit une voie différente de celle des anciens persécuteurs. Il ne voulut donc point répandre de sang; il se contenta de déclarer les Chrétiens inhabiles à posséder les charges de l'Etat; il leur défendit d'enseigner et d'étudier les belles-lettres, dont la connaissance leur fournissait des armes contre le paganisme. Les païens eux-mêmes, entre autres Ammien - Marcellin, ont désapprouvé cette défense, dont l'injustice se fait aisément remarquer. Julien ne s'en tint pas là; il ordonna, par un édit, que les disciples de Jésus-Christ ne porteraient plus le nom de Chretiens, mais celui de Guliléens. Il les accablait d'impôts, et les dépouillait de leurs biens, disant par dérision qu'il fallait leur faire pratiquer la pauvreté recommandée par l'Evangile. D'autres fois il avait recours aux piéges et aux caresses. Quoiqu'il fit profession de tolérance, il ne laissa pas de condamner plusieurs Chrétiens à mort, mais secrètement, et sous d'autres prétextes que celui de la religion. Son but en cela était de leur ravir la gloire du martyre. Cet artifice eût pu servir à son projet, s'il eût été question de ces philosophes orgueilleux qui ne cherchent qu'à satisfaire leur amour-propre. Mais les disciples de Jésus-Christ n'ont pas besoin de témoins. Ils chérissent surtout les souffrances dont la vue et les motifs sont cachés aux hommes. Cette remarque est de S. Grégoire de Nazianze, or. 3 in Julian. Il faut pourtant avouer que la conduite de Julien fut très-préjudiciable à un grand nombre de Chrétiens, qui se laissérent séduire par là crainte d'encourir la disgrâce de l'empereur, d'êt: e exclus des charges, et de perdre leur fortune. Enfin il s'imagina qu'il porterait un rude coup au christianisme, s'il pouvait convaincre de faux la prédiction de Jesus-Christ sur le temple de Jérusalem. Il entreprit donc de le faire rebâtir, environ trois cents ans après sa démolition par Titus. Mais les ouvriers n'en eurent pas plus tôt creusé les fondemens, qu'il en sortit des tourbillons de flamıines dont ils furent consuniés. Ce fait est attesté par tous les auteurs du temps, et même par Ammien-Marcellin, qui était païen, et qu'on sait avoir été entièrement dévoué à Julien. On peut voir l'excellente dissertation de M. Warburton, sur le projet formé par l'empereur Julien de rebâtir le temple de Jérusalem. On en a donné une bonne traduction française, qui a été imprimée à Paris en 1754. Julien étant à Antioche, n'y trouva pas tout le zèle qu'il eût desiré pour le rétablissement du paganisme. On y fit même des railleries sur sa petite taille, sur sa barbe et sur ses sacrifices. Il résolut de s'en venger après son retour de la guerre de Perse. Il se flattait de réussir dans cette entreprise, sur la foi des oracles de Délos, de Delphes, de Dodone, etc. comme nous l'apprenons de Théodoret, de S. Grégoire de Nazianze, de Philostorge et de Libanius, or. 12. Ce prince dit lui-même, dans sa seconde lettre, que les divinités de tous les lieux par lesquels il passa lui avaient promis un heureux succès. Mais il eut bientôt occasion de connaître le peu de pouvoir de ces dieux. En effet, son armée, composée de soixante-cinq mille hommes, qu'il avait eu l'imprudence d'engager dans des déserts, fut taillée en pièces au mois de juin de l'an 363. Il perdit luimême la vie sur le champ de bataille. Ammien-Marcellin dit qu'ayant été blessé dangereusement, on le porta dans sa tente, où il mourut le jour même avant midi. On lit dans Théodoret, dans Sozomène, et dans les Actes du saint martyr Théodoret, que Julien, se sentant blessé à mort, remplit ses mains de son sang, et qu'il le jeta contre le ciel en vomissant ce blaspheme: Tu as vaincu, Galiléen, tu as vaincu. Plusieurs saints solitaires apprirent par révélation que Dieu avait délivré le monde de cet apostat, afin de rendre la paix à son église. Telle fut la fin du malheureux Julien. Son caractère était un composé monstrueux d'artifice, de légèreté, d'inconstance, de petitesse, de fanatisme, d'hypocrisie, et de quelques bonnes qualités. S. Grégoire de Nazianze l'ayant vu à Athènes en 355, fut extrêmement frappé de sa démarche peu assurée, de l'inquiétude et de l'égarement de ses yeux, de ses questions hors de propos, et de ses

la mort à la douleur de voir la profanation des choses saintes. Julien, informé de ce qu'ils avaient dit, les envoya chercher. Quand chercher.Quand ils furent venus, il voulut les obliger à se rétracter et à sacrifier aux idoles. Les deux saints ayant refusé l'un et l'autre, il confisqua leurs biens, les condamna à être battus cruellement, puis les envoya en prison, où ils furent décapités quelques jours après. Geci arriva à Antioche, le 25 janvier 363.

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Les Chrétiens, sans être effrayés par le danger auquel ils exposaient leur vie, dérobèrent les corps des martyrs pour les enterrer. Ils leur élevèrent un tombeau magnifique après la mort de Julien, qui fut tué en Perse le 26 juin suivant. S. Chrysostôme parle ainsi de ces deux martyrs dans le panégyrique qu'il prononça le jour de leur fête : « Ils sont comme des colonnes qui soutiennent l'Eglise, » comme des tours qui la défendent, comme des rochers qui repoussent les vagues qui s'élèvent contre elle: allons les visiter » souvent, allons toucher leur châsse et baiser leurs reliques, per» suadés qu'il nous en reviendra quelque bénédiction. Comme des >> soldats qui montrent' au roi des blessures qu'ils ont reçues dans les combats, lui parlent avec confiance; de même ces saints, mon» trant humblement les souffrances qu'ils ont endurées pour Jésus-Christ, obtiennent du Roi des cieux tout ce qu'ils deman» dent 1. ».

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S.PUBLIUS, ABBÉ, PRÈS DE ZEUGMA, SUR L'EUPHRATE.

CE saint, honoré par les Grecs, était fils d'un sénateur de la ville de Zeugma. Il distribua tout son bien aux pauvres, et mena d'abord la vie anachorétique. Il se chargea ensuite du gouvernement d'un monastère nombreux. Ses moines ne mangeaient que des herbes et des légumes, avec du pain très-bis, et ne buvaient que de l'eau. Le lait, le fromage, le raisin, le vinaigre même leur étaient défendus. Quant à l'huile, ils n'en pouvaient user que depuis Pâque jusqu'à la Pentecôte. Publius, pour s'exciter à faire de nouveaux progrès dans la ferveur et la charité, ajoutait tous les jours quelque réponses sans justesse. Il présagea dès-lors que l'Empire nourrissait un monstre dans son sein. Voyez S. Grégoire de Nazianze, or. 4 in Julian. p. 122.

Il nous reste quelques écrits de Julien: le 1° Misopogon ou l'Ennemi de la barbe: c'est une satire contre les habitans d'Antioche qui l'avaient raillé; 2o des discours et des lettres ; 3° la satire des Césars: Julien composa cet ouvrage pour critiquer ses prédécesseurs dans l'Empire, et pour se faire regarder comme seul grand prince; 4o plusieurs autres pièces qui furent publiées en grec et en latin, par le P. Petau, en 1630, in-4°. Ezéchiel Spanheim donna une belle édition des œuvres de Julien en 1696, in-fol. M. l'abbé de La Bletterie en a traduit une partie. Il a donné aussi une excellente Vie de l'empereur Julien.

Hom, in SS. Juv. et Max. tom. 2, p. 583

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