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LE B. CHARLEMAGNE, EMPEREUR.

CHARLES, fils du roi Pepin, et surnommé Charlemagne à cause de la grandeur de ses actions, naquit en 742, et fut couronné roi en 768. La mort de son frère Carloman, roi d'Austrasie, arrivée en 771, le rendit seul maître de toute la monarchie française. Il commença son règne par la défaite de Hunauld, duc d'Aquitaine. Le pape Adrien ayant imploré son secours contre les persécutions des Lombards, il vola en Italie, avec une puissante armée, remporta une victoire complète sur ces peuples, et prit le titre de roi de Lombardie, en 774. Il alla à Rome pendant le siége de Pavie, et fit au souverain pontife une donation beaucoup plus ample que celle de Pepin, puisqu'elle comprenait l'exarcat de Ravenne, avec les duchés de Spolette et de Bénévent, sans parler de plusieurs autres pays.

Les Saxons, toujours vaincus et toujours rebelles, donnèrent long-temps de l'exercice à la valeur de Charles. Effrayés enfin par la grandeur de leurs pertes, ils demandèrent la paix. Le monarque français profita de cette circonstance pour les arracher aux impiétés du paganisme. Comme ils avaient souvent violé les traités, il leur dit qu'il n'en ferait aucun avec eux, à moins qu'ils n'embrassassent le christianisme. Witikind, le principal auteur de la dernière révolte, reçut le baptême en 785, avec plusieurs personnes qui lui étaient attachées, et il fut créé duc d'une partie de la Saxe a. Ce n'était pas là le premier coup que Charles portait à l'idolâtrie chez les Saxons. Dès l'an 772, il avait fait abattre le temple et la fameuse idole que ces peuples appelaient Irminsul, ou Dieu de la guerre. Nous n'entreprendrons point de suivre ce prince dans le cours rapide de ses victoires. On en peut voir le détail dans un grand nombre d'histoires écrites par d'excellentes plumės.

Léon III trouva, comme Adrien, un défenseur et un appui dans Charlemagne. Obligé de sortir de Rome pour se soustraire à la fureur de ses ennemis, il se réfugia auprès de ce prince, qui sut le rétablir et lui faire justice en punissant les coupables. Ce fut le même pape qui couronna Charles empereur des Romains, le jour de Noël de l'an 800. On ne peut dire que le monarque français eût brigué ce titre ; et il protesta lui-même qu'il n'aurait point été

a C'est de ce Witikind, selon les généalogistes d'Allemagne, que descendent en ligne droite ou collatérale plusieurs ducs de Bavière, et les maisons de Saxe, de Brandebourg, etc.

à l'église ce jour-là, s'il eût prévu ce qui devait arriver. Ainsi fut rétabli l'empire d'Occident, qui avait fini dans la personne d'Augustule, en 476. Nicéphore, empereur de Constantinople, reconnut par la suite Charlemagne pour empereur d'Occident".

Charlemagne ne s'occupait pas tellement de la guerre, qu'il négligeât l'administration intérieure de ses vastes Etats. Il pensait, jusqu'au milieu de ses marches, aux moyens de rendre ses peuples heureux. De là ces réglemens admirables qui rendront sa mémoire immortelle. Il s'appliqua aussi à bannir l'ignorance et la barbarie; il y réussit, en attirant par ses libéralités des hommes célèbres par leur science, comme un Alcuin, un Pierre de Pise, un Paul Diacre. Il établit des écoles dans les cathédrales et les monastères de son empire; il en fonda de publiques dans Paris, à Tours et dans plusieurs autres villes, et institua une espèce d'académie, dont les séances se tenaient dans son palais. On l'y voyait assister aussi régulièrement que ses affaires pouvaient le lui permettre; et comme la trempe de son esprit était excellente, il fit de rapides progrès dans les lettres. Tous ses momens de loisir étaient consacrés à la lecture, surtout à celle du livre de la Cité de Dieu, par S. Augustin. Il voulait que ce bel ouvrage fût sous son chevet pendant la nuit, afin que s'il venait à s'éveiller, il en pût lire quelque chose.

Jamais prince ne montra plus de zèle contre toutes les nouvelles doctrines qui corrompent la pureté de la foi. Les erreurs de Félix d'Urgel et d'Elipand de Tolède, sur la filiation de JésusChrist, ne lui furent pas plus tôt connues, qu'il fit assembler plusieurs conciles pour les proscrire. Il assista lui-même à celui de

a L'empire de Charlemagne comprenait toute la France, la plus grande partie de la Catalogne, la Navarre, et une partie de l'Aragon, la Flandre, la Hollande et la Frise; les vastes provinces de la Westphalie et de la Saxe jusqu'à l'Elbe, la Franconie, la Souabe, la Thuringe et la Suisse, avec d'autres provinces de la Germanie; les deux Pannonies, c'est-à-dire l'Autriche et la Hongrie, la Dace, la Bohème, l'Istrie, la Liburnie, la Dalmatie, et différens cantons de l'Esclavonic, enfin toute l'Italie, jusqu'à la Calabre inférieure, où se terminait le duché de Bénévent. Car ce prince ne s'était point dépouillé de ses droits de souveraineté sur la ville et sur le duché de Rome, sur l'exarcat de Ravenne, et sur la Pentapole; sur le duché de Spolette, et autres contrées d'Italie. Voyez l'Histoire universelle de M. Hardoin, tom. 2.

Charlemagne faisait sa résidence ordinaire à Francfort, ou à Aix-la-Chapelle, villes qui étaient alors fort peu de chose. La dernière avait été bâtie par Serenus-Granus, en 124, sous le règne d'Adrien. L'église que Charlemagne y fit construire l'a rendue plus célèbre que le nom de son fondateur. Les rois de ce temps-là ne demeuraient point dans les grandes villes. Ils passaient l'été en voyage, ou en parties de plaisir, et l'hiver, dans quelque château à la campagne.

Quelques auteurs ont dit, d'après Eginhard, que Charlemagne ne put jamais apprendre à écrire, parce qu'il s'y était pris trop tard. Mais le texte de cet auteur a besoin de modification. Il signifie seulement, selon D. Ceillier, que Charlemagne, ayant essayé, sur la fin de sa vie, d'imiter les beaux carac tères des Mss. de sa bibliothèque, il ne put y réussir, parce qu'il s'y était exercé trop tard. Voyez M. l'abbé Grandidier, Histoire de l'Eglise de Strasbourg › tom. 1, p. 285.

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Francfort, qui anathématisa, en 794, les blasphèmes de ces deux hérétiques. Le rétablissement et la manutention de la discipline ecclésiastique lui parurent aussi un objet digne de ses soins : et comme il savait que la conduite des personnes consacrées à Dieu par état influe beaucoup sur les peuples, il travailla à la réforme du clergé et des monastères. De là ce grand nombre de synodes où l'on fit ces beaux réglemens que l'on trouve dans les Capitulaires de ce prince a.

On ne peut disconvenir que Charles n'ait souillé ses premières années par l'amour des femmes; mais il expia les désordres de sa jeunesse par une sincère pénitence. Il racheta ses péchés, selon l'expression de l'Ecriture, par d'abondantes aumônes, qu'il répandit dans tous les lieux où il y avait de pauvres Chrétiens. Convaincu que le précepte de la mortification regardait les princes comme les autres hommes, il observait à table la plus exacte sobriété, et se faisait lire quelque bon livre pendant ses repas. Il assistait régulièrement à l'office de l'Eglise, et même à matines, autant que sa santé pouvait le lui permettre. Il avait grand soin que le service divin se fît avec cette décence et avec cette majesté qui annoncent la grandeur du Dieu que nous adorons. Ce fut ce qui l'engagea à faire venir de Rome des personnes versées dans la science du chant ecclésiastique, et à ouvrir des écoles où ses sujets pussent l'apprendre. Il décora les temples avec magnificence, et les pourvut de vases et d'ornemens précieux pour la célébration des saints mystères. Zélé défenseur de l'Eglise et de ses priviléges, il s'opposa toujours à l'injuste usurpation de ses biens, qu'il regardait comme les vœux des fidèles, le prix des péchés et le patrimoine des pauvres.

Ce grand prince mourut le 28 janvier 814, dans la soixantedouzième année de son âge, la quarante-septième de son règne, et la quatorzième de son empire. Il fut enterré à Aix-la-Chapelle. L'empereur Frédéric Ier, surnommé Barberousse, fit faire la levée de son corps en i165. Il est vrai que ce fut en vertu d'un décret de canonisation donné par l'antipape Paschal III; mais ce décret a acquis force de loi, n'y ayant point eu de réclamation de la part des papes légitimes. La fête du B. Charlemagne se fait à Aix-laChapelle, avec le rit double de première classe. Il est encore honoré dans plusieurs églises de France et d'Allemagne. L'université

a Les capitulaires étaient des ordonnances divisées en plusieurs chapitres. La meilleure édition que nous en ayons est celle de Baluze, Paris, 1780, 2 vol. in-fol. Elle est enrichie de savantes dissertations.

Ceci nous a été attesté dans une lettre que nous avons reçue d'Aix-la-Chapelle en 1759, lettre qui portait la signature et le cachet des dignitaires du chapitre de cette ville.

de Paris le choisit pour son patron en 1661. La nation d'Allemagne, l'une des quatre de cette célèbre université, l'honorait sous ce titre dès l'an 1480 a.

Voyez sa Vie par Eginhard, son secrétaire, qui fut ensuite abbé de Selingestadt en Allemagne ; et les Annales de France, du même auteur. Voyez encore la Vie de Charlemagne, en deux livres, par le moine anonyme de Saint-Gall, avec les lettres et les capitulaires du même prince, ainsi que plusieurs autres monumens authentiques concernant son histoire. Ils ont été publiés par D. Bouquet,' dans le cinquième tome de son Recueil des Historiens de France. On doit consulter ici M. l'abbé Grandidier, Hist. de l'Eglise de Strasbourg, tom. 1, p. 284-299, 318-320.

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LA B. MARGUERITE DE HONGRIE, VIERGE.

La naissance de Marguerite fut des plus illustres, puisqu'elle avait pour père Bela IV, roi de Hongrie. Ses parens, qui l'avaient consacrée au Seigneur par un vou, dès avant sa naissance, l'envoyèrent, à l'âge de trois ans et demi, dans le couvent des Dominicaines de Vesprin. Le roi ayant ensuite fondé un monastère du même ordre dans une île du Danube, Marguerite y fut transférée; elle y fit profession deux ans après, c'est-à-dire à l'âge de douze ans1. La ferveur suppléa en elle au nombre des années, et lui mé

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a Outre les Capitulaires de Charlemagne, nous avons encore plusieurs lettres de ce prince. Les principales sont : 1° celle qu'il écrivit à Elipand et aux autres évêques d'Espagne. Après avoir rendu compte de tout ce qui s'était fait touchant la nouvelle doctrine sur la filiation de Jésus-Christ, il conjure Elipand de s'en tenir à la foi de l'Eglise catholique, et de ne pas se croire plus savant qu'elle. Il l'avertit ensuite que si lui et ses partisans ne renoncent à leurs erreurs après la monition du pape et du concile, on les regardera comme des hérétiques. Il finit sa lettre par une profession de foi sur la filiation de Jésus-Christ, et sur la procession du Saint-Esprit.

2o La Lettre à Albin, qui est le même qu'Alcuin. Cette lettre montre que Charlemagne était parfaitement instruit des rites ecclésiastiques.

3o La Lettre touchant les sept dons du Saint-Esprit. Elle est adressée à quelques évêques qui avaient résolu diverses questions que Charlemagne leur avait proposées sur les sept dons du Saint-Esprit. Elle n'est plus entière,

4° La Lettre à Manassé, abbé de Flavigny. Charlemagne y donne à cet abbé la permission de bâtir un monastère à Corbigny, et lui marque qu'il lui envoie une châsse d'argent remplie de reliques. Il lui demande ensuite le secours de ses prières, tant pour lui que pour sa famille.

5o Nous avons aussi quelques poésies latines sous le nom de Charlemagne ; savoir l'épitaphe du pape Adrien, celle de Rolland, etc. Ce Rolland est le même que celui qui fut tué dans la vallée de Roncevaux, en 778, et que nos vieux romanciers ont rendu si célèbre.

6o Les Livres Carolins. Charlemagne n'en était point l'auteur; mais il consentit qu'on les publiât sous son nom. Ils furent composés contre le second+ concile de Nicée qui décida la question des images. Les Occidentaux taxèrent sa décision d'erreur, parce que la copie des actes du concile qui leur fut re-1 mise n'était point conforme à l'original, Elle avait été falsifiée par quelques iconoclastes de Constantinople. Voyez l'Histoire de France, par le P. Daniel, et D. Ceillier, tom. 18.

b On l'appelle aujourd'hui l'île de Sainte-Marguerite.

Touron, Vies des Hommes illust. de l'ordre de Saint-Dominique.

rita ces communications intimes de l'Esprit saint, qui ne sont que pour les âmes parfaites. Elle faisait ses délices de la pratique de l'abjection la plus entière. On l'eût sensiblement mortifiée en l'entretenant de sa naissance; elle eût mieux aimé devoir le jour à des pauvres qu'à des rois. Il est étonnant jusqu'à quel point elle portait l'amour de la pénitence. Elle couchait sur le plancher de sa chambre, qu'elle ne couvrait que d'une peau fort rude, et elle n'avait qu'une pierre pour chevet. Quand elle voyait punir ses sœurs pour quelque transgression de la règle, elle portait une sainte envie au bonheur qu'elles avaient de pouvoir pratiquer la mortification. Si Dieu l'affligeait de maladie, elle cachait son état avec le plus grand soin, pour n'être pas obligée d'user des adoucissemens permis aux malades. Sa douceur était admirable; et pour peu qu'une de ses sœurs parût avoir contre elle le moindre sujet de mécontentement, elle allait se jeter à ses pieds pour lui demander pardon.

Marguerite eut, dès son enfance, une tendre dévotion envers Jésus crucifié. Elle portait continuellement sur elle une petite croix faite du bois de celle du Sauveur, et l'appliquait souvent sur sa bouche, la nuit comme le jour. On remarquait qu'à l'église elle priait par préférence devant l'autel de la croix. On lui entendait prononcer très-fréquemment le nom sacré de Jésus, de la manière la plus affectueuse. Les larmes abondantes qui coulaient de ses yeux pendant la célébration des divins mystères, et à l'approche de la sainte communion, annonçaient assez ce qui se passait dans son cœur. La veille du jour qu'elle devait s'unir à JésusChrist par la réception de sa chair adorable, elle ne prenait pour toute nourriture que du pain et de l'eau; elle passait aussi la nuit en prières. Le jour de la communion, elle priait à jeûn jusqu'au soir, et elle ne mangeait qu'autant qu'il était absolument nécessaire pour soutenir son corps. Son amour pour Jésus-Christ la portait encore à honorer spécialement celle de qui il a voulu naître dans le temps. De là cette joie qui éclatait sur son visage lorsqu'on annonçait les fêtes de la Mère de Dieu. Elle les célébrait avec une piété et une ferveur dont il y a eu peu d'exemples.

Une âme aussi sainte que celle de Marguerite ne pouvait avoir d'attachement aux choses terrestres. Morte au monde et à ellemême, elle ne soupirait qu'après le moment qui la réunirait à son divin époux. Ses désirs furent enfin accomplis; elle tomba malade, et mourut à l'âge de vingt-huit ans, le 18 janvier 1271. Son corps est dans la ville de Presbourg. Quoiqu'elle n'ait jamais été canonisée, on ne laisse pas d'en faire l'office en Hongrie, surtout chez les Dominicains de ce royaume. Son culte a été autorisé par un décret du pape Pie II a.

a Voyez Touron, Hommes illustres. Plusieurs agiographes rejettent la Vie de

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