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notre religion. L'Eglise les honore en ce jour sous le titre de Martyrs des livres saints:

Voyez Baronius, Annal. et Annot. in Martyrol. rom.; Eusèbe, 1. 8, c. 2; Vales. not. ibid. p. 163; Lactance, de Mort. Persec: c. 15 et 18, cum notis Baluz. ctc. Ruinart, in act. SS. Satur. etc., et S. Felicis; Fleury, Mœurs des Chrét.; Tillemont, Pers. de Diocl. art. 10, tom. 5.

S. ADÉLARD, ABBE DE CORBIE EN PICARDIE.

a

ADÉLARD " était issu du sang le plus illustre, puisqu'il avait pour père le comte Bernard, fils de Charles Martel, et frère du roi Pepin. Charlemagne, dont il était cousin-germain, le fit venir à la cour, et le créa comte du palais. Quoiqu'il fût jeune encore, il ne laissa pas de craindre l'air empesté qu'on respire dans le monde. De là cette attention à conserver la grâce que Dieu avait libéralement versée dans son âme. Les abus dont il était témoin alarmaient de plus en plus sa conscience; et, comme il ne pouvait y remédier, il résolut de s'en dérober au moins la vue. Il s'éloigna donc de la cour et du commerce des hommes, pour aller vivre dans la retraite: son sacrifice fut d'autant plus édifiant et plus méritoire, qu'il possédait les plus brillantes qualités de l'esprit et du corps, et qu'il était à la fleur de son âge; car il n'avait que vingt ans lorsqu'il prit l'habit monastique à Corbie en Picardie. Il fit ses vœux après une année de noviciat, passée dans la plus grande

ferveur.

On le chargea d'abord de la culture du jardin, emploi dont il s'acquitta avec autant de zèle que d'humilité. Cette dernière vertu, jointe à l'amour de la solitude, lui fit demander la permission de se retirer au mont Cassin. Il avait choisi ce monastère dans l'espérance d'y être totalement inconnu aux hommes. La permission lui ayant été accordée, il passa en Italie; mais il n'y trouva pas ce qu'il y était allé chercher. Son rare mérite et ses éminentes vertus le firent bientôt connaître. On l'obligea même de retourner au monastère de Corbie, dont il fut élu abbé quelques années après.

Charlemagne faisait un cas singulier de notre saint; aussi le a On l'appelait encore Adalard, que l'on prononçait Alard. Il était ordinaire aux anciens Français d'ajouter à certains mots des lettres ou des syllabes qu'on ne faisait point sonner dans la prononciation. De là, Chrodrobert ou Rigobert, pour Robert; Clovis, pour Louis; Clothaire, pour Lothaire.

b Ce monastère avait été fondé en 662 par la reine Bathilde. S. Adélard lui donna de grands biens en fonds de terre; ils étaient distingués dans les titres ou archives de Corbie, et faisaient partie de la mense abbatiale.

contraignit-il de quitter la solitude pour venir à la cour. Nous apprenons de Hincmar ', qui l'y avait vu, que de tous ceux qui composaient le conseil, personne ne pouvait lui être comparé. En 796, le même prince le mit, en qualité de premier ministre, auprès de Pepin, son fils aîné, roi de Lombardie. Dans une place aussi importante, Adélard se proposa uniquement la gloire de Dieu et le bonheur des peuples. Un ministre qui a des intentions aussipures ne peut négliger son propre salut; et voilà pourquoi le saintétait si attentif à conserver le recueillement intérieur de l'âme au milieu de la dissipation inséparable des cours. Il allait de temps en temps se renfermer dans sa chambre, ou dans la chapelle du palais, afin de vaquer à la prière, et de ranimer continuellement sa ferveur par des méditations profondes sur l'abîme de ses misères, et sur les grandeurs infinies de la Majesté divine. Les larmes qui coulaient alors de ses yeux annoncaient la vivacité de sa ferveur. Charlemagne, l'ayant rappelé de Milan, l'envoya vers le pape Léon III, pour assister à la discussion de certaines difficultés qui s'étaient élevées au sujet d'une addition faite au Symbole, afin d'exprimer plus clairement que le Saint-Esprit procède du Fils comme du Père. Il s'agissait du Filioque, que toutes les églises n'avaient point encore reçu. L'année suivante, c'est-à-dire en 810, mourut Pepin, roi de Lombardie. Il laissait un fils nommé Bernard, âgé de douze ans, qu'il mit sous la conduite du saint.

Quelques années après, Bernard, qui, en qualité de fils de Pepin, l'aîné des enfans de Charlemagne, avait des prétentions à la couronne impériale, prit les arines pour faire valoir ses droits; mais il fut malheureux dans cette guerre, qui lui coûta son royaume et la vie. Louis le Débonnaire, prévenu par les discours empoisonnés de quelques flatteurs, soupçonna le saint d'avoir favorisé sourdement les prétentions de Bernard son élève, et l'exila dans l'île d'Hère en Aquitaine ". Sa famille fut enveloppée dans la même disgrâce. On bannit Wala son frère o, et Gundrade sa sœur ©, qui tous deux profitèrent de cette épreuve pour leur sanctification. Quant à notre saint, il adora avec soumission les décrets de Dieu, qui se servait des hommes pour perfectionner sa vertu. Avec de tels sentimens il ne pouvait manquer de goûter dans sa nouvelle demeure une joie et une tranquillité d'âme inaltérables. Cepen

L. Instit. Regis, c. 12:

a Au monastère de Saint-Philebert, appelé autrefois Hermoutier, et depuis Noirmoutier.

Wala était un des plus grands hommes de son siècle, comme nous l'apprenons de sa vie, publiée par le P. Mabillon. Il se fit moine à Lérins, et y vécut saintement.

Gundrade fut reléguée à Poitiers, dans le monastère de Sainte-Croix, où elle mena une vie très-édifiante. Adélard avait une autre sœur, nommée Théodrade, qu'on laissa dans le monastère de Soissons, où elle s'était faite religieus

dant l'empereur revint de ses préjugés; il reconnut l'innocence d'Adélard, et le rappela à la cour vers la fin de l'année 821. Il lui fit même une espèce de réparation de l'injustice qu'il avait commise à son égard, en accumulant sur sa tête de nouvelles grâces et de nouveaux honneurs. Le serviteur de Dieu ne fut point ébloui du vain éclat des grandeurs humaines; il en connaissait trop le vide. Aussi fut-il toujours le même homme à la cour et dans le cloître, dans l'adversité et dans la prospérité. Le mépris des biens terrestres, l'amour de la prière, une tendre charité envers tous les hommes, un zèle ardent à servir les malheureux, furent les traits qui le caractériserent dans les diverses positions où il se trouva.

Adélard, qui se croyait déplacé à la cour, et qui n'y restait que malgré lui, demanda avec instance la permission de retourner à Corbie. Elle lui fut enfin accordée en 823. Il ne fut pas plutôt rentré dans son monastère, qu'il en reprit les exercices avec une nouvelle ferveur. Souvent on le voyait, malgré sa dignité d'abbé, s'assujettir aux plus humiliantes fonctions de la communauté. Quoique avancé en âge, il écoutait avec docilité les avis du dernier de ses moines. Lorsque quelqu'un d'entre eux l'exhortait à modérer ses austérités, « J'aurai soin de votre serviteur, répondait»il en parlant de lui-même, afin qu'il puisse vous servir plus long» temps. » Il ne négligeait rien pour porter ses frères à la perfection: chaque jour il leur faisait des discours tendres et pathétiques, et il ne se passait aucune semaine qu'il ne leur parlât à chacun en particulier. Mais comme l'instruction sert peu si elle n'est soutehue par l'exemple, il pratiquait le premier ce qu'il enseignait aux autres. Sa sollicitude s'étendait encore à tous ceux qui habitaient dans le voisinage du monastère. Les pauvres étaient sûrs de trouver en lui un père compatissant; il leur distribuait des aumônes si abondantes, que les revenus de l'abbaye ne pouvaient y suffire. Aussi quelques personnes qui ne comptaient pas autant que lui sur les bontés de la Providence, l'accusèrent-elles de prodigalité. Sa charité lui inspira encore le dessein de bâtir plusieurs hôpitaux. Il avait conçu le projet de fonder en Saxe un monastère où l'on formerait des ouvriers évangéliques pour travailler à la conversion et à l'instruction des peuples du Nord. Il communiqua son plan à un de ses disciples, nommé aussi Adélard, qu'il avait choisi pour le remplacer durant son absence. Celui-ci jeta les fondemens du nouveau monastère ", qui ne fut entièrement achevé qu'en 823.

a La nouvelle Corbie, connue sous le nom de Corvey. Elle est située sur le Weser, au cercle de Westphalie, et dans le diocèse de Paderborn. Le territoire de cette abbaye avait environ trois milles en longueur et deux en largeur. L'abbé de Corvey, qui dépendait immédiatement du saint Siége, était prince de l'Empire. Il avait à la diète la dernière voix parmi les abbés princiers. Ses revenus

Notre saint y alla deux fois, et y demeura assez long-temps pour donner une consistance solide à un ouvrage que l'amour de la re ligion avait fait entreprendre.

Rien n'était plus exemplaire que la ferveur avec laquelle on vivait dans les deux monastères. Tous les points de la règle s'y observaient avec autant d'exactitude que.de piété. Adelard, qui craignait que le relâchement ne s'introduisît après sa mort, tâcha de le prévenir; il composa dans cette vue son livre des Statuts a pour l'usage de ses frères.

Enfin arriva le moment que Dieu avait marqué pour le retirer de cette vallée de larmes. Il tomba malade à l'ancienne Corbie, trois jours avant Noël. Hildeman, son disciple, alors évêque de Beauvais, lui administra l'extrême-onction, et il mourut le 2 janvier, 827, quelques heures après avoir reçu le saint viatique. Il était âgé de soixante-treize ans. On le surnomma l'Augustin, l'Antoine 1, le Jérémie de son siècle, pour exprimer les divers traits de ressemblance qu'il avait avec ces grands hommes. Comme il avait une vaste étendue de connaissances, il était plus en état que personne de ranimer l'amour des bonnes études dans ses monastères. Il s'intéressa vivement aux progrès des saintes lettres; et l'on compte parmi ses disciples S. Paschase Radbert, S. Anschaire, sans parler de beaucoup d'autres.

Dieu ayant fait connaître la sainteté de son serviteur par pluannuels étaient de 30 à 40,000 florins. L'abbaye de Corvey, outre S. Anschaire, si connu par sa science et par son zèle, a produit un grand nombre de personnages illustres qui ont porté le flambeau de la foi dans plusieurs contrées barbares.

a Il nous en reste encore des fragmens considérables dans le Spicilége de dom Luc d'Achéri, tom. 4, depuis la page 1 jusqu'à la page 20. S. Adélard avait encore composé un ouvrage intitulé: de l'Ordre du Palais, dont le but était d'apprendre aux ministres de la cour comment ils devaient se comporter. Nous n'en avons plus qu'un extrait inséré dans l'Instruction du roi Carloman, par Hincmar; et ce prélat doit au saint ce qu'il y a de plus estimable dans tout son livre. Le traité de la Lune pascale, et les autres ouvrages de S. Adélard sont perdus.

Alcuin lui a adressé une lettre sous ce titre, ep. 107. Il l'y appelle son fils: ce qui a donné lieu à plusieurs de croire que S. Âdélard avait été disciple de ce maître célèbre.

c Il nous représente Adélard comme un homme fort habile. Il dit qu'il savait également instruire en latin, en tuḍesque, et en français vulgaire. D'où l'on doit conclure que la langue française faisait dès-lors une langue à part. La même chose se prouve par l'autorité de Nithard, qui servait dans les armées de Louis le Débonnaire, et qui a écrit l'histoire des divisions qui s'élevèrent entre les enfans de ce prince. Dans cette histoire on trouve en langue romance le serment original de l'accord que les deux frères Charles le Chauve, roi de France, et Louis, roi de Germanie, firent entre eux à Strasbourg, le 14 février 842, pour s'opposer aux entreprises de l'empereur Lothaire. M. l'abbé Grandidier, Hist. de l'Egl. de Strasbourg, tom. 2, pièc. justific. n. 116, p. 216 et suiv. en a donné une édition correcte, avec la traduction du même s'rinent en français, en allemand, en latin, en dialecte languedocien, en gascon, en patois artésien, en patois alsacien et en patois lorrain. Voyez le recueil des Historiens de France, par Duchesne, t. 2, p. 351, et l'Hist. Littér, de la Fr.. tom. 5, p. 206.

sieurs miracles, le pape Jean XIX, ou Jean XX, selon d'autres, permit qu'on levât de terre le corps de S. Adélard, pour le mettre dans une châsse. On en fit la translation avec une grande solennité en 1040. S. Gérard de Sauve-Majeure" nous a laissé l'histoire de cette translation . Il composa encore un office particulier en l'honneur du saint, à l'intercession duquel il se croyait redevable de la guérison d'un violent mal de tête. Les reliques de S. Adélard, à l'exception d'une petite partie, se conservaient dans l'abbaye de Corbie, en Picardie. Son nom n'a jamais été inséré dans le Martyrologe romain, quoiqu'il soit le principal patron d'un grand nombre d'églises paroissiales, et qu'il soit honoré dans la France, les Pays-Bas, et plusieurs villes bâties sur le bord du Rhin.

Voyez la vie de S. Adélard, par S. Paschase Radbert, son disciple, laquelle est écrite avec beaucoup de fidélité, quoique le style en soit fleuri et orné de figures qui lui prêtent un air de panégyrique. Il faut préférer l'édition publiée par le P. Mabillon, Acta SS. Bened. tom. 5, p. 30, à celle que Bollandus a donnée. La vie de S. Adélard, écrite par S. Gérard de Sauve-Majeure, n'est qu'un abrégé de la première; mais le style en est plus historique.

MARTYROLOGE

L'OCTAVE de S. Etienne, premier martyr.

A Rome, la mémoire de plusieurs saints Martyrs, qui, méprisant un édit de l'empereur Dioclétien, par lequel ce prince ordonnait de livrer à ses officiers les livres sacrés, aimèrent mieux livrer leurs. corps aux bourreaux, que d'abandonner aux chiens les choses saintes. A Antioche, le martyre de S. Isidore, évêque.

A Tomes, dans la province du Pont, les trois saints frères Argée, Narcisse, et Marcellin le plus jeune de tous: celui-ci ayant été, sous l'empereur Licinius, enrôlé parmi les nouveaux soldats, et refusant de marcher, fut battu cruellement, puis tenu long-temps dans une rude prison, enfin jeté dans la mer, où il acheva son martyre. On fit mourir ses deux frères par le glaive.

A Milan, S. Martinien, évêque.

A Nitrie en Egypte, S. Isidore, évêque et confesseur.
Le même jour, S. Siridion, évêque.

Dans la Thébaïde, S. Macaire d'Alexandrie, abbé.

a S. Gérard, moine de Corbie, fut le premier abbé du monastère de SauveMajeure, en latin Salva-Major, situé en Guienne, au diocèse de Bordeaux, à six lieues de cette ville, et fondé en 1080 par Guillaume VIII, duc d'Aquitaine et comte de Poitiers. Il mourut le 5 avril 1095, et fut canonisé par le pape Célestin III, en 1197. Voyez sa vie et l'histoire de la fondation du monastère de Sauve-Majeure dans le P. Mabillon, Acta Sanctorum Ord. S. Ben. t. 9, p. 841. On la trouve dans Bollandus, avec la relation de huit miracles opérés par l'intercession du saint.

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