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subsistait encore a, travailla, de concert avec S. Ouen, S. Eloi et plusieurs autres saints évêques, à bannir la simonie de l'Eglise de France, remplit le royaume d'hôpitaux, releva plusieurs monastères, entre autres ceux de Saint-Martin, de Saint-Denis et de Saint-Médard; fonda deux célèbres abbayes, l'une d'hommes, à Corbie, et l'autre de femmes, à Chelles 3.

Clotaire, son fils, étant en état de gouverner par lui-même, elle résolut de suivre l'attrait intérieur qu'elle se sentait depuis longtemps pour la retraite. Illui fallut d'abord lutter contre les princes, qui s'opposaient à l'exécution de son dessein; mais, sa fermeté ayant enfin obtenu leur consentement, elle alla s'enfermer, en 665, dans l'abbaye de Chelles, où elle prit le voile. Sa sortie du monde lui fit oublier le haut rang qu'elle y avait occupé. On ne la distinguait des autres religieuses que par son humilité, son recueillement et sa ferveur dans la prière. Elle leur rendait à toutes les services les plus humilians, et obéissait à Ste Bertille, son abbesse, avec autant de ponctualité que la dernière des sœurs. Son plus grand plaisir était de visiter, de servir les malades, et de les consoler par des exhortations pleines de charité. Dieu l'éprouva sur la fin de ses jours par une colique très-violente, et par d'autres

a Lorsque les Francs s'établirent dans les Gaules, ils permirent aux Romains qu'ils y trouvèrent de vivre conformément à leurs lois, et par conséquent d'avoir des esclaves. Mais à la longue, l'état de ces malheureux devint beaucoup moins dur. La reine Bathilde en affanchit un grand nombre, et déclara que désormais ils seraient habiles à posséder en propre. Quant aux serfs que les Francs introduisirent, leur condition était moins rigoureuse que celle des esclaves; leurs maitres les attachaient à des manoirs ou fermes, et les obligeaient, outre la redevance, à une espèce de servitude. Les rois de la seconde race en affranchirent beaucoup, en quoi ils furent imités par les seigneurs particuliers. La reine Blanche et S. Louis renfermèrent le droit de vassalité dans des bornes encore plus étroites, Louis le Hutin abolit entièrement la servitude en France, en déclarant tous ses sujets libres, conformément à l'esprit de l'Evangile, parce qu'il nous est ordonné de traiter tous les hommes com ne nos frères. Voyez la Vie de Sie Bathilde, et un discours sur la servitude et sur son abolition en France, lequel se trouve dans les OEuvres posthumes de M. de Glatigny, imprimées en 1757.

Chelles, en latin Cala, est à quatre lieues de Paris. Nos rois de la première race y avaient un palais. Ste Clotilde fonda auprès une petite église sous l'invocation de S. Georges avec quelques cellules pour loger des religieuses. Se Bathilde agrandit tellement ce monastère, qu'elle en est regardée comme la principale fondatrice. L'église de Saint-Georges tombait en ruines; elle en fit bâtir une autre plus vaste et plus magnifique, sous l'invocation de la sainte croix, où elle fut depuis enterrée. Il y avait trois églises à Chelles: celle de Sainte-Croix, à l'usage des moines chargés de la direction du monastère; celle de Saint-Georges, qui était la paroisse ; et la grande église des religieuses, qu'on appelait Notre-Dame. C'était, dit-on, la même que celle qui fut rebâtie par Gisèle, sœur de Charlemagne, agrandie et embellie par l'abbesse Hégilviche, mère de Judith, qui épousa l'empereur Louis le Débonnaire. Ce prince y fit transférer, en 833, le corps de Ste Bathilde; et depuis ce temps-là elle était plus connue sous le nom de SainteBauteur, que sous celui de Notre-Dame. Au-dessus de la grille du cheur, étaient deux châsses d'argent, qui contenaient, l'une, ie corps de Sie Bathilde, et l'autre, celui de Ste Bertille, première abbesse de Chelles. Auprès de ces châsses, on voyait celles de S. Genès de Lyon, de S. Eloi, et de Ste Radegonde de Chelles, surnommée la petite Ste Bathilde, et morte trois jours avant notre sainte, qui l'avait tenue sur les fonts baptismaux. Voyez Piganiol, Descript. de Paris, tom. 1 et 8; Chastelain, p. 484; Lebœni, dișt, du Dioc. de Paris. tom. 6, p. 32,

maux qu'elle souffrit, non-seulement avec résignation, mais même avec joie. Enfin son dernier moment arriva. Dans son agonie, elle donnait à ses sœurs les instructions les plus touchantes. Elle recommandait surtout l'amour des pauvres et la persévérance dans le service de Dieu. Elle mourut en 680, probablement le 30 de janvier, jour auquel elle est honorée en France. On lit son nom dans le Martyrologe romain, le 26 du même mois.

Citoyens du siècle à venir, nous ne devons regarder cette vie que comme un pélerinage. Notre principale, notre seule affaire doit être de vivre pour Dieu, d'accomplir sa volonté, de travailler sans cesse à la sanctification de nos âmes, puisque c'est l'unique moyen d'arriver à la céleste patrie. Tous les Chrétiens sont indistinctement obligés d'entrer dans la voie étroite de l'Evangile; les prétextes qu'ils pourraient tirer des circonstances de leur état se dissiperont à la vue des exemples de Ste Bathilde, qui sut allier tous les devoirs de la religion avec les soins qu'entraînait le gouvernement d'un vaste royaume. Elevons donc nos cœurs vers le ciel au milieu des occupations extérieures. Animons-les de cet esprit de christianisme qui peut seul les rendre méritoires pour l'éternité. Regardons le monde comme notre ennemi; craignons les piéges qu'il tend à notre innocence. Veillons sans relâche, de peur que le poison contagieux des vices dont il est l'esclave ne vienne infecter nos cœurs. Allons de temps en temps respirer aux pieds de Jésus-Christ, afin de ranimer notre ferveur, et d'effacer par nos soupirs ces taches secrètes dont il est si difficile de se préserver dans le commerce du monde. Sans cela, notre vertu ne pourra se soutenir, et nous serons bientôt entraînés par le torrent de la corruption générale.

S. JEAN L'AUMONIER, PATRIARCHE D'ALEXANDRIE. Tiré de sa vie, que Léonce, évêque de Naplouse en Chypre, écrivit d'après la relation du clergé d'Alexandrie. Le septième concile général en a fait l'éloge. Elle a été publiée par Rosweide et par Bollandus. La Vie du même saint, donnée par Métaphraste, s'accorde avec celle dont nous venons de parler. Voyez Le Quien, Oriens Christ. tom. 2, p. 446.

VERS L'AN 619.

JEAN, surnommé l'Aumônier, à cause de ses aumônes extraordinaires, naquit à Amathonte, ville de Chypre. Il s'engagea de bonne heure dans l'état du mariage, parce qu'il était l'unique héritier d'une famille noble et riche. La mort lui ayant enlevé sá

femme et ses enfans, il résolut de rompre tout commerce avec le monde, où nul engagement ne pouvait plus le retenir. Il distribua ses biens aux pauvres, et ne s'occupa plus que des exercices de la piété chrétienne. Ses progrès dans la perfection furent extrêmement rapides; on ne parlait de toutes parts que de son éminente sainteté; et sa réputation était si bien établie dans l'Orient, que l'Eglise d'Alexandrie le choisit pour pasteur en 608. Il était alors âgé de plus de cinquante ans.

Son premier soin, en arrivant à Alexandrie, fut de se procurer une liste exacte des pauvres, qu'il avait coutume d'appeler ses maîtres et ses seigneurs, parce que Jésus-Christ leur a donné le pouvoir d'ouvrir les portes du ciel1. Il s'en trouva sept mille cinq cents, qu'il prit sous så protection, et aux besoins desquels il se chargea de pourvoir. Ce fut ainsi qu'il se prépara à recevoir l'imposition des mains. Le jour de son sacre il publia une ordonnance sévère, mais conçue toutefois en termes pleins d'humilité, contre l'inégalité des poids et des mesures, qui donnait lieu à l'oppression des pauvres. Il défendit en même temps à ses officiers d'accepter aucune sorte de présens, de peur qu'il ne se commît des injustices. Tous les mercredis et vendredis de chaque semaine il donnait une audience publique, afin de faciliter les moyens de l'aborder. Là, il terminait les différends, consolait les affligés, et soulageait les malheureux. Un jour qu'il allait à l'église, une femme vint se jeter à ses pieds, pour lui demander justice contre son gendre. Quelques-uns des assistans lui dirent de se retirer, et d'attendre le retour du patriarche. « Non, répondit le saint; » comment Dieu écoutera-t-il ma prière, si je remets à écouter » cette femme? » Effectivement, il ne sortit de ce lieu que quand il l'eut entendue.

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Mais comme la charité envers les pauvres faisait le caractère distinctif de notre saint, nous allons nous arrêter quelque temps sur cette vertu. Dès qu'il eut été sacré évêque, il distribua aux monastères et aux hôpitaux huit mille pièces d'or qui se trouvèrent dans le trésor de son église. Ses revenus, proportionnés à la dignité de son siége, qui était le premier de l'Orient, coulaient sans interruption dans le sein des pauvres. Les sommes considérables que lui remettaient des personnes riches étaient employées au même usage. Ses officiers avaient beau lui représenter qu'il devait ménager les intérêts de son église, il ne leur répondait jamais autre chose, sinon que Dieu y pourvoirait; puis il leur racontait la vision suivante, qu'il avait eue dans sa jeunesse. « Un jour, disait-il, la charité m'apparut sous la forme d'une femme, cou

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1 Luc. XVI. 9.

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› ronnée de laurier, et plus brillante que le soleil. Elle s'approcha » de moi, et me parla de la sorte : Je suis la fille aînée du grand Roi; si vous méritez mes faveurs, je vous introduirai devant lui; >> car personne n'en approche avec plus de confiance que moi. Je >> l'ai fait descendre du ciel sur la terre, afin que, devenu chair, » il pût racheter tous les hommes. » Un malheureux qu'il avait assisté, lui marquant sa reconnaissance dans les termes les plus énergiques, il l'interrompit en lui disant : « Mon frère, je n'ai pas » encore répandu mon sang pour vous, ainsi que Jésus-Christ mon Seigneur et mon Dieu me l'ordonne. » Un marchand qui avait fait naufrage eut recours à la bonté de notre saint, qui lui donna par deux fois de quoi rétablir ses affaires. Le même malheur lui étant arrivé une troisième fois, il ne balança point de s'adresser encore à son pasteur. Son espérance ne fut point trompée. Le saint lui fit donner un des vaisseaux de l'église, qu'on chargea de vingt mille mesures de blé, qui se vendit fort cher aux îles Britanniques, alors désolées par une cruelle famine.

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La charité du saint patriarche franchit les bornes du diocèse d'Alexandrie; elle fournit aux divers besoins d'une infinité de malheureux sujets de l'Empire, en Orient, lesquels s'étaient sauvés en Egypte pour se soustraire à la fureur des Perses. Elle fit aussi passer à Jérusalem, que ces infidèles avaient saccagée, des sommes considérables d'argent, avec une grande quantité de vin, de blé et d'autres provisions. Le saint joignit à cet envoi des ouvriers égyptiens pour aider à rebâtir les églises renversées. Il chargea en même temps deux évêques et un abbé d'aller racheter les prisonniers faits par les Perses. Tant de bonnes œuvres exigeaient sans doute des dépenses extraordinaires et capables de le jeter dans le découragement, s'il n'eût compté que sur ses propres forces. Mais il se confiait en la Providence, qui ne lui manqua jamais, et qui lui procura toujours des ressources, lors même que tout paraissait désespéré aux yeux de la prudence hu

maine.

Autant notre saint était charitable envers les autres, autant il 'était dur à lui-même. Sa table, ses meubles, ses vêtemens, tout respirait la plus grande pauvreté. Un homme riche d'Alexandrie, qui sut que le saint n'avait qu'une mauvaise couverture à son lit, lui en envoya une précieuse, en le priant de vouloir s'en servir pour l'amour de lui. La nuit suivante le saint s'en couvrit par complaisance; mais la comparaison qu'il fit de son état avec celui de tant de pauvres qui manquaient du nécessaire, l'empêcha de dormir. La couverture fut vendue le lendemain pour faire des aumônes. Celui qui l'avait donnée la racheta pour la rendre au

saint pasteur, qui la vendit une seconde, puis une troisième fois, en disant agréablement : « Nous verrons lequel des deux se lassera » le premier.

Il ne faut pas s'imaginer que notre saint bornât tous ses devoirs à la pratique de la charité fraternelle. Il remplissait encore avec la dernière exactitude les autres fonctions de son ministère. Il avait aussi des heures marquées pour la prière, pour l'étude de l'Ecriture sainte et pour les pieuses lectures. L'inutilité était bannie de tous ses entretiens; et si quelquefois il était obligé de parler d'affaires temporelles, il le faisait toujours en peu de mots. Quand il entendait médire du prochain, il détournait adroitement le discours; il refusait l'entrée de sa maison aux médisans, afin d'inspirer de l'horreur pour un vice si incompatible avec l'esprit du christianisme. Ses paroles et ses actions portaient l'empreinte de l'humilité la plus profonde. A l'en croire, il n'était qu'un composé de misères, de faiblesse, de corruption et d'orgueil. Il ne pouvait se lasser d'admirer tant de saints, que la pensée de leurs imperfections avait portés à se regarder comme des vers de terre, indignes d'être comptés parmi les hommes. La crainte des jugemens de Dieu lui inspirait un parfait détachement du monde; et lorsqu'il était sur cette matière, il disait les choses les plus touchantes. Persuadé que la pensée continuelle de la mort est un des plus puissans motifs de la vigilance chrétienne, il faisait creuser chaque jour son tombeau, et quelqu'un était chargé de venir lui dire, au milieu même des plus belles cérémonies : « Monsei gneur, votre tombeau n'est point encore achevé; donnez vos » ordres pour qu'on le finisse, car vous ignorez l'heure de votre

>> mort. >>

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Le saint patriarche était venu à bout d'étouffer entièrement en lui cette malheureuse sensibilité pour les injures, qui a des suites si funestes. Il s'estimait heureux de pouvoir, en souf frant quelque chose, multiplier ses mérites. Ses ennemis ne pouvaient résister à la force réunie de sa patience et de sa douceur. Il y en eut même qui vinrent se jeter à ses pieds pour lui demander pardon. Nous en citerons un exemple. Nicétas, gouver neur d'Alexandrie, voulut établir de nouveaux droits fort préju diciables aux pauvres. Le patriarche prit modestement la défense de ceux-ci. Le gouverneur, qui ne s'attendait pas à cette résistance, en fut vivement piqué, et quitta brusquement l'avocat des pauvres. Le saint lui envoya dire vers le soir, que le soleil était près de se coucher, faisant allusion à ces paroles de l'Apôtre : Que le soleil ne se couche point sur votre colère. Cet avis fut comme un trait qui perça le cœur de Nicétas, Il vint trouver le saint, les yeux baignés

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