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reçut cet objet avec une espèce d'affectation qui trahit les sentimens de jalousie qu'elle nourrissait dans le cœur.

Dix ans se passèrent ainsi dans une vie agitée, lorsque Dieu permit qu'une maladie grave vint fondre sur la malheureuse Hyacinthe, Elle demanda à parler au confesseur de la maison, qui refusa de la voir, en disant qu'il ne voulait point entendre la confession d'une personne vaine et superbe. La pauvre religieuse reçut cette réprimande comme un avertissement du ciel, et demanda ce qu'il fallait faire pour obtenir de Dieu le pardon de ses péchés. Le confesseur lui répondit qu'il s'agissait non-seulement de demander la rémission de ses fautes, mais de commencer une vie nouvelle, et de réparer, autant qu'il était en elle, ses désordres passés. La malade promit tout. Lorsqu'elle fut un peu rétablie, elle descendit au réfectoire pendant que les autres religieuses y étaient assemblées, se prosterna contre terre, et demanda en pleurant pardon à ses sœurs des scandales qu'elle leur avait donnés. Elle fit ensuite une confession générale de ses péchés, remit à la supérieure du couvent tous les objets qui avaient jusqu'alors captivé son cœur, et se condamna aux plus grandes rigueurs de la pénitence. Elle coucha sur la dure ou sur un fagot de sarmens, prit pour oreiller une pierre, se revêtit d'une vieille tunique, marcha pieds nus et pratiqua toutes sortes de mortifications, cherchant à expier de cette manière ses fautes. Dans une maladie contagieuse qui ravageait la ville de Viterbe, elle contribua à l'établissement de deux pieuses congrégations pour le soulagement du prochain, étant aussi l'âme d'une foule de bonnes œuvres qui s'opéraient dans cette cité.

Sa vie ne fut, depuis le moment de sa conversion, qu'un enchaînement continuel de vertus et d'actions méritoires qui lui valurent des grâces particulières de Dieu, telles que la connaissance de l'avenir et du secret des cœurs. Elle passa à une meilleure vie pour recevoir la récompense de ses travaux et de sa fidélité, le 30 janvier 1640, après avoir reçu les sacremens de l'Eglise. Béatifiée en 1726 par Benoît XIII, qui était de la même famille qu'elle, cette sainte fille fut canonisée le 24 mai 1807 par Pie VII. Voyez les leçons de son office, et un Précis de sa vie, imprimé à Rome lors de sa canonisation,

MARTYROLOGE.

A ROME, Ste Martine, vierge, martyrisée le 1er jour de ce mois. A Antioche, le martyre 'de S. Hippolyte, prêtre, qui fut d'abord engagé dans le schisme de Novat; mais, touché par la grâce de JésusChrist, il reconnut sa faute, et revint à l'unité de l'Eglise, pour laquelle et dans laquelle il endura un glorieux martyre: avant que de mourir, ses amis l'ayant prié de lui dire quelle secte était la véritable, il répondit, en détestant le dogme de Novat, qu'il fallait suivre la foi que tient la chaire de S. Pierre, après quoi il tendit le cou au bourreau.

En Afrique, les SS. Félicien, Philappien, et cent vingt-quatre autres martyrs.

A Edesse en Syrie, S. Barsimée, évêque, qui, ayant converti à la foi plusieurs païens qu'il envoya devant lui au triomphe, les suivit de près sous Trajan, et remporta la palme du martyre.

En la même ville, S. Barsès, évêque, renommé par le don de guérir les maladies, lequel, ayant été pour la foi catholique relégué aux frontières de ce pays par Valens, empereur arien, y finit sa vie.

De plus, S. Alexandre, vénérable par son grand âge, et pour avoir souvent confessé la foi ayant été arrêté durant la persécution de Dèce, il rendit l'âme au milieu des tortures.

A Jérusalem, S. Mathias, évêque, duquel on raconte des choses merveilleuses, et qui sont autant de preuves de la grandeur de sa foi. Ce saint, après avoir beaucoup souffert sous l'empereur Adrien, mourut en paix.

A Rome, S. Félix, pape, qui travailla beaucoup pour la foi catholique.

A Pavie, S. Armentaire, évêque et confesseur.

A Maubeuge en Hainault, Ste Aldegonde, vierge, du temps du roi Dagobert.

A Milan, Ste Savine, femme très-pieuse, qui s'endormit au Seigneur, comme elle priait sur le tombeau des SS. Nabor et Félix.

Saints de France, outre Ste Aldegonde.

Ce même jour, Ste Serène, honorée comme martyre par les chanoinesses de Sainte-Marie de Metz, qui possédaient ses reliques, apportées autrefois de Spolette à Saint-Vincent de Metz par l'évêque Dierry.

A Chelles, la solennité de Ste Bathilde, reine de France, veuve du roi Clovis II.

En Castille, S. Aleaume, natif de Loudun en Poitou, religieux de la Chaise-Dieu, dont le corps est honoré à Burgos en une église de son nom, qui s'y prononce S. Elesmes.

Autres.

A Cività-Vecchia, le martyre de S. Flavien.

A Mezrau près de Brégents sur le lac de Constance, la bienheureuse Habrille, vierge.

En Westphalie, Ste Thieteld, vierge.

A Fulde, le bienheureux Anincat, moine reclus.

S. PIERRE NOLASQUE,

FONDATEUR DE L'ORDRE DE LA MERCI, POUR LA RÉDEMPTION DES CAPTIFS.

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Tiré de la Vie du saint, écrite en italien par François Olihano, et imprimée en 1668, in-4°; de la Chronique de l'ordre religieux et militaire de Notre-Dame de la Merci, par Bernard de Vargas, publiée à Palerme en 1622, 2 vol. in-fol. et surtout de l'Histoire de la Merci, composée en espagnol, par Alfonse Romain; Madrid, 1618, 2 vol. in-fol. Voyez encore Baillet; Hélyot, Hist. des ordres religieux, tom. 3, p. 266; et l'Histoire de l'ordre de Notre-Dame de la Merci, par les RR. PP. de la Merci de la congrégation de France; Amiens, 1685, in-fol.

L'AN 1256.

PIERRE NOLASQUE sortait d'une des premières familles du Languedoc. Il naquit, vers l'an 1189, dans un bourg du Lauraguais, nommé le Mas des Saintes Puelles, qui était du diocèse de Toulouse, et qui est actuellement de celui de Carcassonne. Ses parens, qui avaient de la piété, eurent soin de lui procurer une excellente éducation, et de cultiver les heureuses inclinations que la grâce avait mises dans son âme. Ils ressentaient une grande joie en le voyant répondre parfaitement à leurs vues, et réunir aux grâces de l'extérieur une grande innocence de mœurs et un goût décidé pour la vertu. Le jeune Pierre avait une sensibilité extraordinaire pour les malheureux, et distribuait en aumônes les petites sommes qu'on lui donnait pour fournir aux amusemens de son âge. Il contracta la sainte habitude de donner quelque chose tous les matins au premier pauvre qu'il rencontrait, sans lui laisser même le temps de demander. Il se fit un devoir d'assister régulièrement à l'office divin; les matines n'en étaient point excep-tées, quoiqu'elles se dissent à minuit. Cette pratique, à laquelle plusieurs laïques étaient alors fort exacts, ne subsiste plus parmi nous, par une suite du refroidissement des derniers siècles.

Notre saint n'était âgé que de quinze ans lorsqu'il perdit son père. Heureusement il avait une mère pieuse, qui, par ses exemples autant que par ses exhortations, l'entretint et l'affermit dans tous les sentimens de la religion où il avait été jusqu'alors. Ce fut en vain qu'on essaya de le déterminer à s'engager dans le mariage. Cet état, quoique saint, eût traversé le désir qu'il avait d'être entièrement dégagé du siècle; désir qui se fortifiait de jour en jour par de sérieuses réflexions sur la vanité des choses terrestres. Une nuit, qu'il s'était levé l'esprit tout occupé de ces pensées, il se prosterna pour faire sa prière, qui dura jusqu'au matin. Dans la ferveur de son oraison, il s'obligea par vœu à garder unę

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continence perpétuelle, et à consacrer ses biens à des œuvres dont la gloire de Dieu serait l'unique fin. Mais en attendant que le ciel s'expliquât ouvertement sur la route qu'il devait tenir, il se mit à la suite de Simon, comte de Montfort, général de la croisade des Catholiques contre les Albigeois, dont les cruautés inouïes avaient causé une désolation affreuse dans le Languedoc. Le comte vainquit ces hérétiques, et donna, quelque temps après, des preuves non équivoques de son estime pour notre saint. Pierre, roi d'Aragon, ayant perdu la bataille et la vie dans la fameuse journée de Muret, Jacques, son fils, fut fait prisonnier par Simon de Montfort. Celui-ci, touché du malheur du jeune prince, qui n'avait que six ans, en eut un soin tout particulier; et comme une excellente éducation est le plus précieux de tous les biens, il le mit sous la conduite de Pierre Nolasque, et les envoya l'un et l'autre en Espagne. Le saint, qui avait alors vingt-cinq ans, parut un modèle de toutes les vertus à la cour de Barcelone ; il y pratiquait tous les exercices et toutes les austérités des cloîtres. Détaché des plaisirs et des vanités du monde, il ne les envisageait que comme des piéges tendus à son innocence, dont la fuite seule pouvait le sauver. La prière, la méditation, et la lecture de bons livres, partageaient tous les momens libres que lui laissaient les fonctions de sa charge.

Un grand nombre de Chrétiens gémissaient alors dans l'esclavage, sous la domination des Maures d'Espagne et d'Afrique. La dureté de leur état, et les dangers que couraient leur vertu et leur foi, firent la plus vive impression sur le cœur de notre saint. Il forma aussitôt le beau projet d'employer tous ses biens à leur rachat. « Voilà, disait-il toutes les fois qu'il voyait des Chrétiens >> esclaves de Mahométans, voilà de quoi amasser des trésors qui » ne périront jamais. » Il ne tarissait point quand il était sur cette matière, et ses discours avaient quelque chose de si touchant et de si persuasif, que plusieurs personnes donnèrent des sommes considérables pour coopérer à la bonne œuvre dont le ciel lui avait inspiré la pensée; mais il fallait perpétuer cet esprit de charité, et le faire passer aux siècles suivans. Ce fut ce qui engagea le saint à proposer l'établissement d'un ordre religieux qui se dévouerait par état à la rédemption des captifs. Quoique la charité fût l'unique objet de cet établissement, il ne laissa pas d'éprouver des contradictions. Mais les difficultés furent enfin levées par une vision qu'eurent dans la même nuit S. Pierre Nolasque, S. Raimond de Pennafort et le roi d'Aragon. La sainte Vierge leur ayant

a La couronne d'Aragon était passée, par les femmes, dans la maison des comtes de Barcelone, un siècle auparavant; et les rois d'Aragon faisaient leur principale résidence à Barcelone, dans le temps dont nous parlons,

apparu à tous les trois, et les ayant exhortés à presser l'exécution d'un projet qui serait si glorieux à la religion, S. Raimond crut qu'il n'était plus permis de différer, et son sentiment prévalut. Le roi promit de loger le nouvel ordre dans son palais, et déclara qu'il en serait le protecteur. Enfin, le jour de Saint-Laurent de l'année 1223, Pierre Nolasque fut conduit à l'église cathédrale par le roi et par S. Raimond. Il y fit les trois vœux de religion entre les mains de Bérenger, évêque de Barcelone, et y en ajouta un quatrième, par lequel il s'obligeait d'engager ses biens et sa liberté même, s'il était nécessaire, pour la rédemption des captifs. S. Raimond monta en chaire, et prononça un discours très-édifiant sur la cérémonie. Il y parla de la manière dont Dieu avait révélé à trois personnes différentes que sa volonté était que l'on fondât un ordre pour la rédemption des Chrétiens captifs chez les infidèles a. Le peuple applaudit à l'établissement du nouvel institut, et ne douta point qu'il n'eût les plus grands succès. S. Raimond donna ensuite l'habit religieux à Pierre Nolasque, et le déclara premier général de son ordre, dont il avait lui-même dressé les constitutions. Deux gentilshommes firent profession le même jour que notre saint. Ils choisirent l'habit blanc, comme plus propre à leur rappeler l'innocence dans laquelle ils devaient vivre, et y ajoutèrent un scapulaire de la même couleur. Le roi voulut qu'ils portassent encore les armes d'Aragon sur le devant de leur habit, afin qu'elles fussent un monument durable de la protection qu'il accordait aux nouveaux religieux.

Cependant la congrégation de notre saint acquérait tous les jours des sujets excellens, et le nombre en devint si considérable, qu'il ne savait plus où les loger. Le roi leur fit donc bâtir un magnifique couvent à Barcelone, en 1232. Trois ans après, S. Raimond, étant à Rome, obtint du pape Grégoire IX la confirmation du nouvel ordre, connu sous le nom de la Merci, et l'approbation de ses constitutions c. Le roi d'Aragon, qui connaissait de plus en

a Le P. Touron cite, p. 20 de la Vie de S. Raimond, une lettre originale de ce saint, où il est parlé de cette révélation. On ne peut douter de l'authenticité de cette lettre elle a été prouvée par le P. Brémond, Bullar. Ord. Prædic. tom. 1, not. in Constit. 36 Greg. X. La même révélation est rapportée dans la bulle de la canonisation de S. Pierre Nolasque, dans les histoires de Zumel, de Vargas, de Penia, etc. Benoît XIV en fait aussi mention, de Canoniz. Sanct. l. 1, c. 41, et prouve que l'on ne peut raisonnablement en contester la vérité.

6 Nous apprenons ceci de Mariana, et de la bulle du pape Clément VIII. Cet ordre, dans ses commencemens, était composé de deux sortes de personnes de chevaliers, dont l'habillement ne différait de celui des séculiers qu'en ce qu'ils portaient une écharpe ou scapulaire; et de frères, engagés dans les saints ordres, qui faisaient l'office divin. Les chevaliers gardaient les côtes pour empêcher les incursions des Sarrasins; mais ils étaient obligés d'assister au chœur, quand ils n'étaient point de service. S. Pierre Nolasque lui-même n'a jamais été prêtre. On prit parmi les chevaliers, quoiqu'en plus petit nombre que les frères, les sept premiers généraux ou commandeurs. Le premier prêtre qui ait possédé cette dignité est Raimond Albert, élu en 1317. Les papes Clément V

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