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ni tous les tourmens que la rage du démon peut inventer. >> Tous les plaisirs du monde et tous les royaumes de la terre ne » me serviraient de rien. Je soupire après celui qui est mort et >> ressuscité pour nous. Encore une fois, ne m'empêchez pas d'aller à la vie, puisque Jésus-Christ est la vie des fidèles. Ne me rendez pas au monde, quand je veux être à Dieu. Laissez-moi parvenir à la pure lumière. Lorsque j'en jouirai, je serai vérita»blement un homme de Dieu. Permettez-moi d'être l'imitateur des >> souffrances de Jésus-Christ, mon Dieu. Si quelqu'un le possède en » lui-même, il comprendra ce que je désire; et connaissant ce que j'éprouve intérieurement, il aura pitié de moi.

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» Le prince de ce monde veut m'enlever et corrompre ma vo» lonté attachée à Dieu : que personne d'entre vous ne prenne son parti; prenez plutôt le mien, c'est-à-dire celui de Dieu. Gardez» vous de parler de Jésus-Christ, si vous aimez le monde. Ban» nissez l'envie de vos cœurs. Si je vous priais d'autre chose, étant présent, ne m'écoutez pas, croyez plutôt ce que je vous écris. » Je vous écris vivant, mais je désire de mourir. Mon amour est » crucifié. Je n'ai point en moi un feu matériel et grossier, mais » une eau vive qui me dit intérieurement: Allons au Père. Je ne » suis sensible ni à la nourriture corruptible, ni aux plaisirs de » cette vie. Je désire le pain de Dieu, qui est la chair de JésusChrist; je désire pour breuvage le sang du même Jésus-Christ, qui est la charité incorruptible. Je ne veux plus vivre parmi les hommes, et mes vœux seront exaucés si vous le permettez..... Joignez vos prières aux miennes, afin que j'arrive heureusement » au terme de la carrière..... Si je souffre, je me croirai aimé de » vous; mais si je suis rejeté, je me regarderai comme l'objet de » votre haine. Souvenez-vous, dans vos prières, de l'église de Syrie, qui a Dieu pour pasteur à ma place. Pour moi, j'ai honte » d'être compté parmi ses membres: je n'en suis pas digne, étant » le dernier de tous et un avorton; mais, par la miséricorde de Dieu, je suis quelque chose, si je puis arriver à lui. »

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Le saint martyr se glorifiait de ses souffrances, comme du plus grand honneur qui eût pu lui arriver, et il regardait ses chaînes comme des perles précieuses. Elevé par la grâce au-dessus de toutes les choses terrestres, il ne lui en coûtait pas plus de quitter la vie, dit S. Chrysostôme, qu'il n'en coûterait à un autre homme de quitter ses vêtemens. Il ne désirait que le moment où il serait livré à la fureur des bêtes; et cet horrible genre de supplice, si capable de déconcerter les âmes les plus intrépides, ne faisait pas sur lui la moindre impression. Il avait su mourir à lui-même de la manière la plus parfaite, afin de ne plus vivre que pour Dieu. Mon

amour est crucifié, disait-il : paroles infiniment énergiques, dont e sens est qu'il était parvenu à cet heureux état où l'on n'a lus que de l'indifférence et du mépris pour le monde, pour ses iens et ses plaisirs.

Cependant notre saint partit de Smyrne, et s'embarqua pour Troade. Il apprit dans cette ville que Dieu avait rendu la paix à l'église d'Antioche. Cette nouvelle calma ses inquiétudes, occasionées par la crainte qu'il ne se trouvât quelques personnes faibles dans son troupeau. De Troade, il écrivit aux églises de Philadelphie et de Smyrne, et à S. Polycarpe ". On trouve dans ces trois lettres le même esprit que dans les précédentes. L'auteur, sans s'astreindre aux règles grammaticales, suit l'impétuosité de l'amour divin dont la flamme le consume. Sa plume ne saurait trouver d'expressions assez énergiques pour rendre toute la sublimité de ses pensées. Chaque mot est un trait de feu qui éclaire l'esprit et qui échauffe le cœur. Partout le saint martyr fait éclater une humilité profonde et un souverain mépris de lui-même; partout il se montre brûlant de zèle pour l'Eglise, et plein d'horreur pour le schisme et l'hérésie partout il donne les preuves les plus touchantes de son amour pour Dieu et le prochain, et de sa tendresse pour son troupeau. Il sollicite les prières de tous ceux auxquels il écrit, en faveur de l'église d'Antioche, et les conjure d'y envoyer des députés pour la consoler et l'affermir dans la foi.

Il eût bien voulu écrire aussi aux autres églises d'Asie; mais ses gardes ne lui en donnèrent pas le temps : il pria S. Polycarpe de le faire pour lui. De Troade, il passa à Napoli en Macédoine, et de là à Philippes. On l'obligea de traverser à pied la Macédoine et l'Epire. Il se rembarqua à Epidamne en Dalmatie, passa auprès de Reggio et de Pouzzoles, et arriva enfin au port de Rome . Il aurait pris terre à Pouzzoles, afin d'imiter S. Paul qui, de cette ville, alla à pied jusqu'à Rome; mais un gros vent qui survint

a Nous avons analysé les lettres à l'église de Smyrne et à son saint évêque, dans a Vie de S. Polycarpe. Toutes les épîtres de S. Ignace, à l'exception de celle qui est adressée aux Romains, portent le même titre : à l'Eglise bienheureuse qui est à Ephèse, tỷ cuon év Epέow, à Magnésie, à Tralles, etc. Mail il change de style, quand il écrit aux Romains, et commence ainsi : A l'Eglise bienaimée, qui est éclairée ( par celui qui ordonne toutes choses conformément à la charité de Jésus-Christ notre Dieu), qui préside dans le pays des Romains, ÁTIS πроxάONTαι Év TÓTTO Pwμaíov, digne de Dieu, digne d'honneur, qui mérite d'être heureuse, d'être louée, qui est conduite et gouvernée avec sagesse, qui est chaste, qui préside avec charite, etc. Le P. Orsi a observé que cette diffé rence de style était fondée en raison, et il en tire une preuve de la suprématie universelle de l'Eglise romaine. Les sept épitres de S. Ignace, telles que nous les avous, sont citées par S. Irénée, Eusèbe, S. Athanase, S. Chysostôme, Théodoret, etc. Nous en avons plusieurs éditions, dont les meilleures sont celles d'Ussérius, de Vossius et de Cotelier. Wake, archevêque de Cantorbéry, en donna une traduction anglaise en 1710. Elles ont aussi été traduites en français par différentes plumes.

Situé près d'Ostie, à l'embouchure du Tibre, et à seize milles de Rome,

l'en empêcha. « Nous étions pénétrés de douleur, disent les au»teurs de ses Actes qui l'accompagnaient, en considérant que » nous allions être séparés de notre cher maître. Lui au contraire » se réjouissait de toucher à la fin de sa course. » Cependant les soldats le pressaient de se hâter, parce que les jeux étaient près de finir. Le bruit s'étant répandu qu'Ignace était sur le point d'arriver, les Chrétiens de Rome allèrent au-devant de lui. D'un côté ils étaient charmés d'avoir le bonheur de s'entretenir avec Théophore, et de l'autre, ils ne pouvaient penser sans une extrême douleur que la mort allait le leur enlever. Ils souhaitaient que le peuple pût obtenir sa grâce. Le martyr, qui, par une lumière surnaturelle, vit ce qui se passait dans leurs cœurs, les conjura avec encore plus de force qu'il n'avait fait dans sa lettre, de ne pas s'opposer à sa félicité. Il se mit ensuite à genoux avec les frères, pour prier le Fils de Dieu d'avoir pitié de l'Eglise, de mettre fin à la persécution, et de conserver la charité entre les fidèles. Il arriva à Rome le 20 de décembre; qui était le dernier jour des jeux publics, et fut conduit à l'amphithéâtre dès que le préfet eut lu la lettre que les soldats lui remirent de la part de l'empereur. Il n'eut pas plus tôt entendu les rugissemens des lions, qu'il s'écria : « Je suis le fro» ment du Seigneur, il faut que je sois moulu par les dents de ces animaux, pour que je devienne le pain pur de Jésus-Christ. » A peine eut-il achevé ces paroles, que deux lions se jetèrent sur lui, et le dévorèrent en un moment, sans rien laisser de son corps que les plus gros et les plus durs de ses os. Ainsi fut exaucée la prière qu'il avait faite à Dieu. « A ce triste spectacle, disent les » auteurs de ses Actes, nous fondions tous en larmes. Nous pas» sâmes la nuit suivante dans la prière et les veilles, conjurant le Seigneur de nous consoler de cette mort, en nous donnant quelque gage assuré de la gloire qui l'avait suivie. Le Seigneur >> nous exauça; car quelques-uns d'entre nous, s'étant endormis, virent Ignace dans une gloire ineffable. Nous avons marqué » le jour de sa mort, afin que tous les ans nous puissions nous >> assembler pour honorer son martyre ". » Nous lisons, dans les

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a Il est marqué au 17 de décembre dans le Martyrologe de Bède; mais il est mis au 20 du même mois dans les Mss. d'une homélie composée dans le sixième siècle, laquelle se trouve parmi les oeuvres de S. Chrysostome. Il arriva, selon l'opinion commune, l'an 107 de Jésus-Christ. Le P. Antoine Pagi le recule jusque vers la fin de l'an 116, et cela d'après une lettre de Loyde, évêque de Saint-Asaph, lequel se fonde sur l'autorité de Jean Malalas d'Antioche. Selon cet auteur, le grand tremblement de terre que la ville d'Antioche éprouva, et qui pensa coûter la vie à Trajan, comme nous l'apprenons de Dion Cassius, arriva lorsque ce prince condamna S. Ignace à mort. Reste à savoir si on placera ce tremblement de terre dans le premier ou dans le second voyage de Trajan à Antioche; car il passa deux' fois par cette ville, 1° au commencement de l'année 107; 2° en 116. Or, selon le même écrivain, on doit placer le tremblement de terre dans le second voyage de Trajan à Antioche. Ce fut donc en 116 que l'empereur condamna S. Ignace,

même Actes, qu'on recueillit avec respect les os du saint, lesquels furent portés à Antioche, et gardés comme un trésor ines

timable.

On lit dans S. Chysostôme que les reliques de S. Ignace furent rapportées comme en triomphe de Rome à Antioche, sur les épaules des Chrétiens de toutes les villes qui se rencontrèrent sur le passage. On les déposa d'abord dans le cimetière qui était hors la porte de Daphné; mais sous le règne de Théodose le Jeune, on les porta solennellement dans une église de la ville, qui avait été autrefois un temple de la Fortune, et à qui cette translation fit depuis donner le nom de S. Ignace1. S. Chrysostome exhortait fortement les Chrétiens d'Antioche à visiter les ossemens du saint martyr, et il donnait une nouvelle force à ses exhortations, en montrant les merveilleux avantages que les fidèles retiraient de cette visite, tant pour le corps que pour l'âme 2. Les reliques de notre saint sont maintenant à Rome, dans l'église de S. Clément, pape et martyr. Elles y furent apportées sous le règne d'Héraclius, vers le temps où la ville d'Antioche tomba entre les mains des Sarrasins 3. Il y avait quelques parcelles des ossemens de S. Ignace chez les Chanoines réguliers d'Arouaise, près Bapaume en Artois; chez les Bénédictins de Liessies en Hainaut, et dans quelques autres églises 4. La fête de notre saint est d'obligation chez les Grecs, qui la célèbrent le 20 de décembre, jour auquel il fut martyrisé.

Pour peu qu'on lise attentivement les épîtres de S. Ignace, on se sentira comme transporté hors de soi-même, en voyant jusqu'à quel degré de perfection il porta la douceur, l'humilité, la patience, le détachement du monde, l'amour de Dieu et du prochain, le désir du martyre. Cette lecture deviendra encore pour nous une source d'instructions salutaires. Pourrons-nous en effet ne pas être pénétrés de confusion, lorsque notre lâcheté sera mise en contraste avec la ferveur des saints de la primitive Eglise ? Mais écoutons S. Ignace lui-même, et finissons sa Vie par l'analyse de son épître aux Philadelphiens. Il la commence par recommander fortement l'union avec l'évêque, les prêtres et les diacres. « Votre qui, ayant été conduit à Rome, y souffrit le martyre vers la fin de la même année. Le P. Lequien, Or. Christ. tom. 2, p. 700, préfère ce sentiment, comme s'accordant mieux avec la chronologie des successeurs dé S. Ignace jusqu'à Théophilas. Mais ces raisons ne suffisent pas pour faire rejeter une date que les Actes de S. Ignace confirment de la manière la plus expresse. On y lit en effet qu'il consomma son martyre, præsidentibus apud Romanos Sura et Senecione secundo c'est-à-dire sous les consuls Sura et Senecion, qui sont ceux de l'an 107.

Evagr. Hist. Ecc. 7. 1, c. 16, ed. Vales. . Or, in S. gnat. tom. 2, p. 600.

3

Baron. Annal. ad. an. 637, et not. ad Mart. Rom. ad 17 décemb

4 Henschenius, Febr. tom. 1, p. 35,

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»'évêque, dit-il, est solidement établi dans l'humilité et dans » l'amour de Jésus-Christ. La gravité de ses mœurs est telle, que » son silence seul a plus de force pour persuader, que les vains >> discours des autres. Son âme est ornée de toutes sortes de ver» tus, et possède la douceur du Dieu vivant, qui la rend supérieure » aux mouvemens de la passion et de la colère. » Il exhorte ensuite les Philadelphiens à fuir le schisme et l'hérésie. « Ce sont, continue-t-il, des plantes pernicieuses que Jésus-Christ ne cul>> tive point, parce qu'elles n'ont pas été plantées de la main du » Père.... Quiconque.appartient véritablement à Dieu et à JésusChrist, demeure attaché à l'évêque.... Si quelqu'un se rend par» tisan du schisme et de l'erreur, il n'aura point de part à l'héri>> tage de Dieu.... Usez d'une seule eucharistie; car il n'y a qu'une >> seule chair de notre Seigneur Jésus-Christ et un seul calice qui » nous unit tous en son sang. Il n'y a qu'un autel, comme il n'y a qu'un évêque avec le college des prêtres et des diacres, qui par>> tagent le ministère avec nous. En agissant ainsi, vous ferez tout >> conformément à la volonté de Dieu. Ce que je dis, mes frères, »> ne part que de l'ardent amour que je vous porte; je cherche à » vous précautionner contre les piéges qu'on pourrait tendre à » votre foi. Ce n'est point moi qui vous parle, mais Jésus-Christ » même, dont je redoute les jugemens plus que jamais, quoique » je sois chargé de fers pour son nom, parce que je me trouve en» core très-imparfait. Mais j'espère obtenir, par le secours de vos prières, tout ce qui manque à ma faible vertu, afin que j'entre » en possession de l'héritage que la miséricorde divine me pré

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S. Ignace, après s'être élevé contre ceux qui adoptaient les cérémonies judaïques, et qui semaient des divisions, continue ainsi : Lorsque j'étais parmi vous, je criais à haute voix, et par le mou>> vement de l'Esprit de Dieu : Attachez-vous à l'évêque, aux prêtres » et aux diacres. Vous vous imaginiez alors que je ne parlais ainsi qu'en vue de quelque division qu'il m'était aisé de prévoir. Mais » je prends à témoin celui pour qui je suis chargé de chaînes, qu'à cet égard mes connaissances n'ont eu rien d'humain. C'est l'Esprit qui vous a dit par ma bouche: Ne faites rien sans l'évê» que; gardez vos corps comme le temple de Dieu; aimez l'unité, » fuyez les divisions, et soyez les imitateurs de Jésus-Christ, comme » il l'a été lui-même de son Père. J'ai fait tout ce que j'ai pu, » comme un homme amateur de l'union et de la paix; car Dieu » n'habite point là où règnent la division et la colère : il pardonne » pourtant à tous ceux qu'un repentir sincère ramène à leur devoir ». Il finit en conjurant les Philadelphiens d'envoyer quel

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