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S. ANDRÉ CORSINI, ÉVÊQUE DE FIÉSOLI

EN TOSCANE.

Tiré de ses deux différentes Vies, dont la première est l'ouvrage d'un de ses disciples. La seconde fut écrite cent ans après la mort du saint, par un Carme, nommé Pierre-André Castagna. Voyez aussi la Vie de S. André Corsini, composée en latin par François Venturius, évêque de San-Severo, et imprimée à Rome en 1620, in-4°. Le P. Maffei, jésuite, en à donné un bon abrégé.

L'AN 1373.

Ce saint, issu d'une des plus illustres familles de Florence, naquit en 1302, le 30 novembre, jour de S. André, dont il reçut le nom à son baptême. Ses parens, qui le regardaient comme le fruit de leurs prières, l'avaient consacré au Seigneur par un vœu, dès avant sa naissance. Ils prirent donc un soin particulier de l'élever dans les vraies maximes de la piété chrétienne. Mais ils eurent la douleur de voir que leur fils ne répondait point à leurs vues. Il passa effectivement ses premières années dans le désordre, avec quelques libertins, dont les mauvais exemples donnèrent une nouvelle activité au feu de ses passions. Pérégrina, sa mère, ne cessait, comme une autre Monique, de pleurer sur les égaremens de son fils, et de demander à Dieu sa conversion. Elle lui dit, un jour qu'elle était accablée de douleur : « Je ne doute plus présentement » que vous ne soyez ce loup que j'ai vu en songe. » Puis, s'expliquant plus clairement, elle continua ainsi : « Lorsque j'étais enceinte de je m'imaginai une nuit que je portais un loup dans mon sein; je crus ensuite le voir entrer dans une église où il se transforma en agneau. Votre père et moi, ajouta-t-elle, fîmes vœu, » même avant votre naissance, de vous consacrer à Dieu sous la protection de la sainte Vierge. Il suit de là que vous n'êtes ni » pour nous, ni pour le monde, mais pour le service du Seigneur. >> Pensez-vous, mon fils, que votre conduite s'accorde avec votre >> destination? » Ces paroles, entremêlées de soupirs, eurent tant d'efficace, que le jeune Corsini se rendit aussitôt à l'église des Carmes. Là, après avoir prié quelque temps devant l'autel de la sainte Vierge, il se sentit si puissamment touché de la grâce, qu'il forma le dessein de ne plus retourner chez ses parens, et de rester dans le couvent de ces Pères. Il leur demanda l'habit religieux en 1318, subit les épreuves ordinaires du noviciat, triompha de tous les assauts que lui livrèrent ses compagnons de débauche et un de ses oncles qui voulait le rengager dans le siècle, et fit sa pro

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fession solennelle un peu plus d'un an après son entrée dans le monastère.

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Le jeune profès ne perdit jamais rien de sa première ferveur. Il vint à bout de dompter entièrement ses passions par la pratique des vertus qui y étaient contraires. Il aimait la prière, le silence, les humiliations, et portait l'obéissance jusqu'au plus haut degré. Ses supérieurs ayant exigé qu'il étudiât la théologie et l'Ecriture sainte, il y fit les plus grands progrès, et fut ordonné prêtre en 1328. Ses parens avaient déjà tout arrangé pour la cérémonie de sa première messe, qu'ils avaient dessein de rendre très-auguste; mais l'humble religieux déconcerta tous leurs projets: il se retira dans un petit couvent qui était à sept milles de Florence, où, sans être connu de personne, il offrit à Dieu les prémices de son sacer doce avec un recueillement et une dévotion extraordinaires. Après avoir prêché quelque temps à Florence, il fut envoyé à Paris, où il étudia trois ans, et prit quelques degrés. Il alla ensuite continuer ses études à Avignon avec le cardinal Corsini, son oncle. De retour dans sa patrie, il fut élu prieur du couvent de Florence par un chapitre provincial. Ses exemples et ses sermons produisaient de si merveilleux fruits, qu'il était regardé comme le second apôtre du pays. Il guérit miraculeusement un ulcère que Jean Corsini, son cousin, avait au cou, et le retira des désordres dans lesquels il vivait depuis long-temps. Outre le don des miracles, il avait encore celui de prophétie.

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Pendant que notre saint édifiait ses frères et les peuples de la province par le spectacle de toutes les vertus, la ville de Fiésoli, qui est à trois milles de Florence, perdit son évêque. Le chapitre de la cathédrale choisit, d'une voix unanime, André Corsini pour lui succéder. Mais celui-ci n'eût pas plus tôt appris ce qui se passait, qu'il se cacha pour éviter un fardeau aussi redoutable. On fit longtemps d'inutiles recherches pour le découvrir; et les chanoines allaient procéder à une nouvelle élection, quand Dieu permit qu'un enfant indiquat la retraite de son serviteur. André donna son consentement, dans la crainte de résister à la volonté du ciel, et reçut l'onction épiscopale en 1360. Son changement d'état n'en apporta point dans sa manière de vivre; il redoubla même ses premières austérités. Ce ne fut plus assez pour lui qu'un cilice, il y ajouta encore une ceinture de fer. Chaque jour il disait les sept Psaumes de la pénitence, et récitait les Litanies des saints, en se donnant une rude discipline. Des sarmens de vigne étendus sur la terre lui servaient de lit. Tout son temps était partagé entre la prière et les fonctions de l'épiscopat. Il ne se délassait de ses travaux qu'en méditant et en lisant l'Ecriture sainte. Il ne parlait que rarement aux femmes

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et ne pouvait souffrir ni les flatteurs, ni les médisans. Sa charité pour les pauvres, et surtout pour les pauvres honteux, était incroyable. П recherchait ces derniers avec un grand soin, et les assistait le plus secrètement qu'il lui était possible. Tous les jeudis, il avait coutume de laver les pieds des pauvres, afin de pratiquer plus. parfaitement cette charité et cette humilité si recommandées par Jésus-Christ. Un d'entre eux ne voulant point présenter les siens, parce qu'ils étaient tout couverts d'ulcères, le saint surmonta sa résistance; mais à peine les pieds de ce malheureux eurent-ils été lavés, qu'ils se trouvèrent entièrement guéris. L'évêque de Fiésoli, digne imitateur de S. Grégoire le Grand, avait sur une liste les noms de tous les pauvres qu'il connaissait, afin d'être plus en état de pourvoir à leurs besoins. Il n'en renvoyait aucun sans lui avoir fait l'aumône, et il arriva une fois qu'il multiplia le pain pour avoir de quoi distribuer aux indigens. Il avait un talent singulier pour réunir les esprits divisés : aussi apaisa-t-il toutes les séditions qui s'élevèrent de son temps, soit à Fiésoli, soit à Florence. Le pape Urbain V, qui en fut informé, l'envoya, en qualité de légat, à Bologne, pour mettre fin aux factions qui animaient la noblesse et le peuple l'un contre l'autre. Le saint rétablit la paix dans cette ville, et elle n'y fut plus troublée tant qu'il vécut.

Le saint évêque de Fiésoli se trouva mal en 1372, pendant qu'il chantait la messe de la nuit de Noël. La fièvre le prit ensuite, et alla toujours en augmentant. On n'eut bientôt plus aucune espérance de sa guérison. Le malade seul ne fut point alarmé; il attendait son dernier moment avec tranquillité et même avec une joie surprenante. Il mourut le 6 janvier 1373, dans la soixantedouzième année de son âge, et la treizième de son épiscopat. Dieu l'ayant honoré de plusieurs miracles, la voix du peuple le canonisa immédiatement après sa mort. Le pape Eugène IV, informé que l'Etat de Florence avait souvent éprouvé les effets de son intercession, permit d'exposer ses reliques à la vénération des fidèles, et le pape Urbain VIII le mit au nombre des saints en 1629. Sa fête a été transférée au 4 de février. Clément XII, qui était de la même famille, et le marquis de Corsini, son neveu, ont orné magnifiquement la chapelle où l'on garde le corps de notre saint. Cette chapelle est dans l'église des Carmes de Florence. Le même pape fit aussi bâtir dans l'église de Saint-Jean-de-Latran une chapelle magnifique et digne de la première église du monde, qu'il dédia sous l'invocation de S. André Corsini, et où il voulut être enterré.

Il faut, pour parvenir à la vraie sainteté, dompter ses passions

et mourir entièrement à soi-même. Cette maxime, avouée de tous les saints, est la base et le fondement de la doctrine évangélique. Aussi le grand serviteur de Dieu dont nous venons de donner la vie en fit la règle de sa conduite. De là cette ardeur à mortifier ses sens, à conserver son âme dans le recueillement, à déraciner le vice de son cœur, et à épurer de plus en plus toutes ses affections. C'est faute de mettre la même maxime en pratique, qu'on voit si peu de vrais saints dans le monde, et même dans le cloître. Combien perdent le fruit de leurs travaux, parce qu'ils négligent la science qui apprend à mourir à soi-même ? Cette négligence favorise l'amour-propre, qui, n'étant point réprimé, infecte leurs bonnes œuvres, et souille leurs vertus de mille imperfections; et voilà pourquoi il n'est pas rare de trouver des religieux même, qui, après avoir passé plusieurs années dans l'étroite observance de leur règle, sont encore arrêtés par la plus légère contradiction et le plus petit obstacle. Ils ne sortiront jamais de cet état d'imperfection, à moins qu'ils n'attaquent le mal dans sa source, c'est-à-dire, à moins qu'ils ne travaillent à acquérir ce renoncement parfait qui immole à Dieu tout l'homme terrestre. Les combats qu'il faudra livrer n'auront rien qui les effraie, s'ils pensent à cette précieuse liberté des enfans de Dieu, qui sera la récompense de leurs victoires. C'était l'espérance de se procurer cet inestimable trésor qui soutenait les anciens solitaires. Soumis leurs supérieurs, qu'ils regardaient comme leur tenant la place de Dieu, ils ne se laissaient point décourager par les épreuves auxquelles on mettait leur fidélité; ils s'armaient de patience, et prenaient avec joie les remèdes qu'on leur prescrivait pour la guérison de leurs âmes, sans s'arrêter à l'amertume qui rebutait la délicatesse de la nature.

S. PHILÉAS, ÉVÊQUE DE THMUIS,

ET S. PHILOROME, MARTYRS EN ÉGYPTE.

Voyez Eusèbe, Hist. 1. 8, c. 9; S. Jérôme, Cat. in Phileâ; et les Actes de nos saints martyrs, publiés par le P. Combefis, le P. Henschénius et D. Ruinard.

ENTRE LES Années 306 ET 312.

PHILÉAS naquit à Thmuis, en Egypte ", d'une famille qui alliait a Thmuis était capitale du nome ou district de Mendès. Strabon lui donne le nom de Mendès, qui, en égyptien, signifie un bouc, parce que Pan y était adoré sous la figure de cet animal. Nous apprenons d'Ammien Marcellin, l. 22,' que cette ville était autrefois une des plus riches et des plus grandes d'Egypte. Ce n'est plus aujourd'hui qu'un petit village qu'on appelle Themoi, ou plutôt Themowia. Voyez le P. Le Quien, Or. Chr. tom. 2, p. 538,

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la noblesse à de grands biens. Il reçut une excellente éducation, et se rendit ensuite fort recommandable par son savoir et par son éloquence. S'étant converti à la religion chrétienne, il fut élu évêque de Thmuis même. On l'arrêta pour le conduire dans les prisons d'Alexandrie, sous les successeurs de l'empereur Dioclétien. Ce bon pasteur, tout occupé du soin de son troupeau, lui adressa de sa prison une lettre pour le consoler et l'exhorter à la persévérance. Il y décrivait les tourmens qu'on avait fait souffrir aux confesseurs qui étaient avec lui. « Chacun, disait-il, pouvait les insulter et les maltraiter impunément. C'était à qui les frapperait » avec des verges, des cordes, des courroies, ou même avec de » gros bâtons noueux...... Tantôt on en voyait un lié à un poteau, » ayant aux pieds et aux mains des cordes qui, étant tirées avec » violence par le moyen de quatre roues qu'on tournait avec rapidité, l'écartelaient misérablement. Tantôt on déchirait à un au» tre le ventre, les côtés, les bras, les jambes et les joues avec des peignes de fer. On pendait celui-ci par un bras..... On attachait » ceux-là à un pilier, en sorte néanmoins que leurs pieds ne tou» chaient point à terre, afin que les cordes, serrées par la pesan»teur du corps, entrassent bien avant dans la chair. Ces tour» mens duraient quelquefois tout un jour. On en mettait plusieurs dans des ceps, les pieds écartés jusqu'au quatrième trou; mais la plupart étant ramenés en prison, y demeuraient couchés sur le »dos, parce qu'ils étaient incapables de toute autre situation, à » cause de la multitude de leurs contusions et de leurs plaies. Il y » en avait qui expiraient entre les mains des bourreaux, etc. »

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Le gouverneur Culcien, dans un long interrogatoire qu'il fit subir à notre saint, lui demanda, entre autres choses, si JésusChrist était Dieu. Philéas répondit affirmativement, et prouva la divinité de Jésus-Christ par les miracles qu'il avait opérés. Culcien lui ayant témoigné beaucoup d'estime, tant pour son mérite que pour sa qualité, ajouta: « Si vous étiez réduit à la dernière misère, » et que, pour en être délivré, vous me demandassiez à mourir, je >> ne balancerais pas à vous l'accorder; mais vous êtes riche; vous » avez des revenus suffisans pour votre subsistance, pour celle de » votre famille ; vous pourriez même faire subsister presque toute » une province. J'ai donc pitié de vous, et je mets tout en usage pour » vous sauver.» Ceux qui étaient avec le gouverneur, voulant absolument conserver la vie à Philéas, dirent : « Il a déjà immolé dans le » Phrontistère c. » Le saint répondit : « Non, je n'ai point immolé; a On trouve une partie de la lettre de S. Philéas dans l'Histoire Ecclésiastiqué d'Eusèbe, l. 8, c. 10, p. 502.

De gouverneur de la Thébaïde, il était devenu gouverneur de toute l'E gypte, sous le tyran Maximin. Licinius le condamna perdre la tête en 313, C'était une académie destinée aux exercices de l'esprit.

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