Images de page
PDF
ePub

S. NICEPHORE, MARTYR A ANTIOCHE.

Tiré de ses Actes sincères. Voyez D. Ruinart, p. 244, et Tillemont, tom. 4, p. 17.

L'AN 260.

IL y avait à Antioche en Syrie un prêtre nommé Saprice, et un laïque nommé Nicéphore, qui, depuis plusieurs années, étaient unis par les liens de l'amitié la plus tendre. Mais l'ennemi des hommes ayant mis la discorde entre eux, la haine succéda à l'amitié, au point qu'ils évitaient l'un et l'autre de se rencontrer dans les rues. Ceci dura un temps considérable. A la fin cependant Nicéphore rentra en lui-même; il sentit toute l'énormité de son péché, et résolut de prendre les moyens de se réconcilier avec Saprice. Pour cet effet, il pria quelques personnes de confiance d'aller le trouver de sa part, pour l'assurer de la sincérité de son repentir, et du dessein où il était de lui faire toutes sortes de satisfactions. Mais ces démarches furent inutiles. Saprice ne youlut point entendre parler de réconciliation. Nicéphore ne se rebuta point; il fit une seconde, puis une troisième tentative, mais toujours sans succès. Saprice ferma opiniâtrément l'oreille, non-seulement aux sollicitations des hommes, mais à la voix même du Sauveur, qui lui criait: Pardonnez et on vous pardonnera. Enfin Nicéphore, voyant qu'il n'avait rien pu obtenir par l'entremise d'autrui, alla lui-même trouver Saprice. Il se jeta à ses pieds, lui avoua sa faute avec humilité, et le pria au nom de Jésus-Christ de lui pardonner. Cette dernière démarche ne réussit pas plus que les précédentes.

Cependant la persécution s'alluma en 260, par les ordres de Valérien et de Gallien. Saprice fut arrêté et conduit devant le gouverneur, qui d'abord lui demanda son nom. « Je m'appelle Saprice, > répondit-il.- LE GOUVERNEUR. De quelle profession êtes-vous ? SAPRICE. Je suis chrétien. - LE GOUVERNEUR. Êtes-vous ecclésiastique? SAPRICE. J'ai l'honneur d'être prêtre. Nous autres Chrétiens, ajouta-t-il, nous reconnaissons pour Seigneur et pour » maître Jésus-Christ, qui est Dieu, et le seul véritable Dieu, quia › créé le ciel et la terre. A l'égard des dieux des nations, ce ne sont » que des démons. » Le gouverneur, irrité de cette réponse, ordonna qu'on le mît dans une machine faite en forme de vis de pressoir, que les tyrans avaient inventée pour tourmenter les fidèles. Saprice souffrit cette question horrible avec beaucoup de constance

D

[ocr errors]

Il disait au juge : « Mon corps est en votre puissance, mais vous » n'en avez aucune sur mon âme. Il n'y a que Jésus-Christ mon Seigneur qui en soit le maître. » Le gouverneur, voyant qu'il ne gagnait rien, prononça cette sentence : « Saprice, prêtre des Chrétiens, et ridiculement entêté de l'espérance de ressusciter, » sera livré à l'exécuteur de la justice, pour avoir la tête tranchée, >> en punition du mépris qu'il a fait paraître pour l'édit des ein>> pereurs. »

Saprice entendit prononcer sa sentence avec joie, et se hâta de se rendre au lieu où elle devait s'exécuter, dans l'espérance de recevoir la couronne du martyre. Nicéphore, l'ayant su, courut au-devant de lui, et vint se jeter à ses pieds, en lui disant : « Mar>> tyr de Jésus-Christ, pardonnez-moi la faute que j'ai commise >> contre vous: mais Saprice ne lui répondit rien. Nicéphore s'étant relevé, ella l'attendre dans une autre rue par où il devait passer. Lorsqu'il le vit approcher, il fendit la presse, et, se jetant une seconde fois à ses pieds, il le pria encore de lui pardonner la faute qu'il avait commise, plutôt par fragilité, que par un dessein formé de l'offenser. « Je vous en conjure, disait-il, par cette glo>> rieuse confession que vous venez de faire de la divinité de Jésus>> Christ. » Saprice, dont le cœur s'endurcissait de plus en plus, ne voulut pas seulement le regarder. Les soldats, lassés d'entendre toujours Nicéphore répéter la même chose, lui dirent: « Nous » n'avons jamais vu un homme plus insensé que toi; il va mourir, » et tu lui demandes pardon. » Quand on fut arrivé au lieu du supplice, Nicéphore revint à la charge, et redoubla ses prières avec une ardeur toute nouvelle. Mais Saprice n'écouta rien, et persista dans le refus qu'il avait fait jusqu'alors de pardonner. Il en fut bientôt puni de la manière la plus terrible; car Dieu le priva de la foi et de la gloire du martyre. En effet, les bourreaux lui ayant dit de se mettre à genoux pour recevoir le coup de la mort, il leur répondit : « Et pourquoi me couper la tête ? C'est, ré>> partirent les bourreaux, parce que tu ne veux pas sacrifier aux dieux, et que tu refuses d'obéir aux ordres des empereurs, pour » l'amour de cet homme que l'on appelle Christ. » L'infortuné Saprice leur dit : « Arrêtez, mes amis, ne me donnez pas la mort; » je ferai ce que vous voudrez, je suis prêt à sacrifier.»

[ocr errors]
[ocr errors]

Nicéphore, qui était présent, ressentit la plus vive douleur de son apostasie. « Mon frère, s'écria-t-il, que faites-vous? Ah! gar» dez-vous bien de renoncer Jésus-Christ notre bon maître. » Mais Saprice ne fit aucune attention à ce que lui disait son ancien ami. Alors le bienheureux Nicéphore, pleurant amèrement sa chute, dit aux bourreaux : « Je suis chrétien, et je crois en Jésus-Christ,

[ocr errors]

que ce malheureux vient de renoncer. Me voilà prêt à mourir à »sa place. Cette déclaration si peu attendue surprit tous les spectateurs. Un des officiers se détacha pour courir au palais du gouverneur. Seigneur, dit-il, Saprice promet de sacrifier aux » dieux; mais il y a un autre homme qui veut mourir pour le même » Christ. Il ne cesse de répéter qu'il est chrétien, qu'il ne sacrifiera »jamais à nos dieux, et qu'il n'obéira point aux édits des empe. » reurs. » Le gouverneur, ayant ou ïce rapport, rendit ce jugement: Si cet homme persiste à refuser de sacrifier aux dieux immortels, qu'il meure par le glaive.» Nicéphore, étant inébranlable dans sa première résolution, eut la tête tranchée. Ainsi il reçut, avec -la palme du martyre, trois couronnes immortelles: celle de la foi, celle de l'humilité et celle de la charités couronnes dont Saprice s'était rendu indigne par l'inflexible dureté de son cœur. Les Grecs ainsi que des Latins en font mémoire en ce jour.

S. THĚLIAU ou TÉLIOU, ÉVÊQUE DE LANDAFF.

THÉLIAU naquit près de Monmouth, dans le pays de Galles. Il était frère d'Anaumède, qui épousa, en 490, Budic, roi des Bretons Armoricains. Il fut élevé sous la conduite de S. Dubrice, évêque de Landaff. Quelque temps après l'année 500, il fit un pélerinage à Jérusalem, avec S. David et S. Patern, deux de ses condisciples. Il refusa l'évêché de Dol, que le clergé de cette ville et le roi Budic voulaient absolument lui donner. De retour en Angleterre, on l'éleva malgré lui sur le siége épiscopal de Landaff, après la translation de S. Dubrice à celui de Caërléon. Il fit fleurir son église par sa science, sa piété, son zèle et son attention à ne recevoir dans le clergé que des personnes éclairées et vertueuses. Son autorité seule suffisait pour décider sans appel tous les différends. Il donna des preuves de la charité la plus géné reuse, durant une maladie contagieuse qui désola le pays de Gal-les. Il mourut vers l'an 580, dans une solitude où il s'était retiré pour se préparer au passage de l'éternité. Les archives de Landaff comptent parmi ses plus célèbres disciples, S. Oudocée, son ineveu et son successeur, S. Ismaël, qu'il sacra évêque, S. Tyfhei, martyr, etc.

Voyez Gapgrave, Harpsfield, Warthon, Brown Willis; Bollandus, febr. tom.a, p. 303; et D. Morice, Hist. de Bret. tom. 1, p. 22, $85 et 819.

[ocr errors]

S. ANSBERT, ÉVÊQUE DE ROUEN.

Ce saint naquit à Chaussi, village du Vexin, situé sur la rivière d'Epte. Son père, nommé Siwin, qui était un homme de qualité, le fit élever avec soin dans la connaissance des lettres divines et humaines. Ses progrès furent rapides, parce qu'il était d'une grande vivacité d'esprit. Dieu, qui avait des vues sur lui, le dégoûta de bonne heure de toutes les choses de la terre. Son père, alarmé des suites que pourrait avoir sa piété, mit tout en œuvre pour lui faire aimer le monde, et pensa à l'y fixer irrévocablement par les liens du mariage. Mais l'alliance qu'il projetait ne put avoir lieu, par un de ces événemens où les yeux de la foi découvrent une disposition particulière de la Providence. Angadrême, fille de Robert, chancelier de Clotaire III, qu'il devait épouser, se trouva~ tout-à-coup frappée de la lèpre; elle se fit depuis religieuse à Rouen, et fut ensuite chargée de la conduite du monastère d'Oroir, près de Beauvais. Pour Ansbert, il fut conduit à la cour de Clotaire, où son mérite le fit bientôt universellement estimer, et substituer à Robert dans la dignité de chancelier. Il connaissait trop le néant des grandeurs humaines pour s'y attacher. Les maximes de l'Evangile étaient la seule règle de sa conduite. Il alliait aux devoirs de son état l'exercice d'une prière fervente, et la méditation des choses divines. Il trouvait des motifs de s'élever à Dieu dans les objets mêmes qui paraissent n'être propres qu'à dissiper l'esprit et à flatter les sens.

Cependant le désir qu'il avait pour la vie solitaire augmentait de jour en jour. Il craignait qu'à force de différer, Dieu lui retirât ses grâces. Il résolut donc de quitter secrètement la cour, pour aller s'enfermer dans l'abbaye de Fontenelle. Après les épreuves ordinaires, S. Vandrille le reçut au nombre de ses religieux. Il devint bientôt un modèle accompli de toutes les vertus. On remarquait surtout en lui une humilité profonde, une obéissance sans réserve et une patience admirable. Son abbé lui ayant ordonné de se préparer à la réception du sacerdoce, il se rendit à Rouen, où il fut ordonné prêtre par S. Ouen. Il s'appliqua ensuite avec ardeur à l'étude des livres sacrés, sans se dispenser toutefois du travail des mains. Un jour qu'il travaillait à une vigne plantée à quelque distance du monastère, le prince Thierri, qui prenait de ce côté-là le divertissement de la chasse, s'avança pour avoir la satisfaction de le voir. Le saint lui donna quelques avis, lui prédit

qu'il règnerait, mais après avoir eu beaucoup à souffrir de la part de ses ennemis.

Ayant été élu abbé de Fontenelle, il marcha sur les traces de S. Vandrille et de S. Lambert, ses prédécesseurs. Pour s'exciter à remplir ses devoirs, il en considérait sans cesse l'étendue et la difficulté. Ses exemples ajoutaient une nouvelle force aux instructions qu'il donnait à ses disciples. Il avait pour les pauvres une charité singulière : il bâtit trois hôpitaux, où il en nourrissait un grand nombre. Son exactitude à maintenir la règle n'avait rien d'austère ni de dur, et sa grande maxime était qu'un supérieur doit moins chercher à se faire craindre qu'à se faire aimer. Les fidèles des environs venaient en foule le consulter sur l'affaire de leur salut; il entendait la confession de leurs péchés, et leur prescrivait de sages réglemens pour la conduite de leur vie.

Après la mort de S. Ouen, arrivée en 683, il fut élevé sur le siége épiscopal de Rouen, et sacré par S. Lambert, à Clichi, où Thierri III avait convoqué les états de son royaume. Son élection fut fort agréable au roi, qui l'estimait singulièrement à cause de son éminente sainteté, et qui l'avait choisi pour son confesseur. Le nouvel évêque s'appliqua tout entier à la prédication de la parole de Dieu, au soulagement des pauvres et à la réparation des églises. Il faisait souvent la visite de son diocèse. Il transféra le corps de S. Ouen, qui avait été enterré dans l'église abbatiale de Saint-Pierre, et le plaça dans un lieu plus honorable. La cérémonie de cette translation se fit avec beaucoup de magnificence. Il permit aux religieux de Fontenelle d'élire un d'entre eux pour abbé, et ce privilége fut confirmé dans un concile de plusieurs évêques, qui se tint à Rouen en 689. S. Ansbert fut arraché de son église quelque temps après. Pepin, maire du palais, aux yeux duquel la calomnie l'avait noirci, le relégua dans le monastère de Haumont, en Hainaut. Le saint évêque édifia les religieux de cette maison par l'austérité de ses jeûnes, par sa ferveur et son assiduité à la prière. Sa mort, arrivée en 698, l'empêcha de profiter de la permission qu'on lui avait accordée de retourner dans son diocèse. Son corps fut transporté à l'abbaye de Fontenelle, où il avait choisi sa sépulture.

Voyez Henschénius, febr. tom. 2, p. 342; D. Mabillon, sæc. Ben. 2, et Annal. l. 18; D. Rivet, Hist. litt. tom. 3, p. 646, et tom. 4, p. 33,

a Les principaux évêques qui assistèrent à ce concile, étaient S. Radbert, archevêque de Tours; S. Rieul, archevêque de Reims; S. Salve, évêque d'Amiens ; S. Aquilin, évêque d'Evreux; Ansoald, évêque de Poitiers, etc.

« PrécédentContinuer »