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Notre saint entra dans cette affreuse solitude au mois de sep tembre de l'an 1155. Il n'eut d'abord d'autre demeure qu'une caverne souterraine; mais le seigneur de Buriano l'ayant découvert au bout de quelque temps, lui fit construire une cellule. Il fut quatre mois sans autre compagnie que celle des bêtes, vivant des herbes qu'il leur voyait manger. Le jour de l'Epiphanie de l'année `suivante, il lui vint un disciple nommé Albert, qui vécut treize mois avec lui, c'est-à-dire jusqu'à sa mort, et qui écrivit ensuite les dernières circonstances de la vie de son maître, dont il avait été le témoin oculaire. Guillaume ne parlait jamais de lui-même que comme du plus misérable de tous les hommes, que comme d'un infâme pécheur qui méritait la plus cruelle de toutes les morts. De là ce zèle qui le portait à exercer sur son corps les plus grandes rigueurs de la pénitence. Il couchait sur la terre nue, et ne prenait pour toute nourriture qu'un peu d'eau et de mauvais pain. Encore se renfermait-il dans les bornes les plus étroites du besoin par rapport au boire et au manger, disant que la sensualité pouvait se glisser jusque dans la nourriture la plus commune. La prière, la contemplation et le travail des mains absorbaient tout son temps. C'était en travaillant qu'il instruisait son disciple dans les plus sublimes maximes de la perfection; mais il l'instruisait bien plus efficacement encore par ses exemples. Il fut honoré du don des miracles et de celui de prophétie. Sentant approcher sa fin, il demanda les sacremens, qui lui furent apportés par un prêtre de la ville de Châtillon-de-Pescaire, et mourut entre les bras de son cher disciple le 10 février 1157. Il est nommé en ce jour dans le Martyrologe romain et dans les autres.

Un médecin, nommé Renaud, s'était joint à Albert un peu avant la mort du saint. Ils enterrèrent ensemble le corps de leur bienheureux maître dans son petit jardin, et s'appliquèrent à conformer leur conduite aux maximes et aux exemples qu'il leur avait laissés. Ils eurent la consolation de voir plusieurs personnes -pieuses venir embrasser le même genre de vie. Ces solitaires, dont le nombre augmentait de jour en jour, bâtirent un ermitage avec une chapelle sur le tombeau de notre saint. Telle fut l'origine de l'ordre des Guillelmites, ou ermites de Saint-Guillaume, lequel se répandit bientôt en Italie, en France, en Allemagne et dans les Pays-Bas. Ces ermites allaient nu-pieds, et jeûnaient presque continuellement; mais le pape Grégoire IX mitigea l'austérité de leur règle, et les mit sous celle de S. Benoît, qu'ils suivent encore. Cette congrégation a été unie à celle des ermites de S. Augustin, à l'exception de douze maisons dans les Pays-Bas, qui suivent encore l'ancienne règle des Guillelmites, c'est-à-dire celle

de S. Benoît. Ces religieux portent un habit blanc comme les Cisterciens a. On faisait la fête de S. Guillaume à Paris, dans l'église des Blancs-Manteaux.

Ste AUSTREBERTE, VIERGE,

ÉT PREMIÈRE ABBESSE DE PAVILLY, AU DIOCÈSE DE ROUEN.

AUSTREBERTE naquit vers l'an 630, dans le territoire de la ville de Térouenne, qui était anciennement capitale d'une partie de l'Artois. Elle était fille de Badefroi, comte palatin, c'est-à-dire seigneur de la cour, et un des premiers officiers de la maison du roi Dagobert Ier. Sa mère nommée Framechilde ou Frameuse, était

a Villefore confond mal à propos S. Guillaume de Maleval avec S. Guillaume, fondateur des ermites de Monte-Vergine, dans le royaume de Naples; ce dernier jouissait d'une grande considération auprès du roi Roger, et est nommé le 25 juin dans le Martyrologe romain. D'autres ont confondu le même saint avec S. Guillaume, duc d'Aquitaine et moine de Gellone. Ce Guillaume était un habile général qui vainquit plusieurs fois les Sarrasins dans le Languedoc, dont ils s'étaient emparés. Ses services ayant été récompensés par Charlemagne du duché ou gouvernement d'Aquitaine, il fit sa résidence à Toulouse. Mais, Dieu l'ayant éclairé sur le néant des choses de ce monde, il se fit religieux en 806, du consentement de sa femme et de Charlemagne. Il choisit pour sa retraite le monastère qu'il avait fondé dans la vallée de Gellone, au diocèse de Lodève, et à une lieue d'Aniane. Il reçut l'habit des mains de S. Benoît d'Aniane, qui lui servait de guide dans l'état qu'il venait d'embrasser. Le reste de sa vie ne fut plus qu'un tissu de bonnes œuvres. Il n'y avait point de moine, dans la communauté, qui fût plus humble, plus obéissant, plus intérieur et plus mortifié. Il mourut le 28 mai 812, jour auquel il est honoré à Gellone et dans les églises voisines. Ce monastère était connu sous le nom de Saint-Guillem du désert. Voyeż Mabillon, sæc. Ben. 4, p. 88; Henschénius, Diss. p. 448; Bulteau, p. 367; et l'Histoire générale du Languedoc, par les Bénédictins, l. 9. Quelques auteurs ont pris aussi notre saint pour Guillaume, dernier duc de Guyenne, qui, après avoir passé sa jeunesse dans le désordre, et avoir favorisé le schisme de l'anti-pape Anaclet, fut merveilleusement converti par S. Bernard, le pape Innocent II lui envoya en 1135. L'année suivante, ce prince, touché repentir de ses fautes, fit, en habit de pénitent, un pélerinage à Compostelle. Il avait abdiqué ses Etats avant de partir, et sa fille aînée les apporta de puis en mariage à Louis le Jeune, roi de France. II mourut en allant à Compostelle en 1137. Voyez Odericus Vitalis, Hist. Norm. Arnoul de Bonneval, in Fit. S. Bernardi, avec les Dissertations histor. du P. Henschénius, sous le 10 de février; et l'Abrégé chronologique des grands fiefs, p. 223.

b Ce couvent a été ainsi appelé des religieux pour lesquels il fut primitivement fondé. Ils étaient habillés de blanc, et avaient été tirés d'un ordre inendiant, dit des serviteurs de la Vierge Marie, institué à Marseille, et approuvé par Alexandre IV en 1257. Cet ordre fut éteint en vertu du décret porté en 1274 par le second concile de Iyon: décret qui ordonnait la suppression de tous les religieux mendians, à l'exception des Dominicains, des Franciscains, des Carmes et des Augustins. La maison des Blancs-Manteaux fut donnée aux Guillelmites, qui, en 1297, s'y transportèrent de Mont-Rouge, près de Paris, où ils s'étaient d'abord établis. Ils l'ont occupée jusqu'à l'an 1618, qu'elle fut donnée aux Bénédictins de la congrégation de Saint-Vanne de Verdun. Elle passa ensuite à la congrégation de Saint-Maur, dont elle était la cinquième maison. Elle embrassa la réforme avant les abbayes de Saint-Denis et de Saint-Germain-desPrés.

de la famille des rois allemands. L'Eglise a rendu témoignage à sa sainteté, en l'honorant d'un culte public".

Notre sainte n'eut de goût dès sa jeunesse que pour les pratiques de piété. Elle montrait surtout une ferveur incroyable dans la prière et l'exercice de la méditation. Son amour pour la virginité la porta à refuser un établissement conforme à son illustre naissance. Elle n'eut pas plus tôt su que son père pensait efficacement à la marier, qu'elle alla trouver S. Omer, évêque de Térouenne, pour lui communiquer son dessein. Le saint prélat, après s'être assuré de la vocation de la jeune Austreberte, lui donna le voile, et reçut le vœu de virginité perpétuelle qu'elle fit entre ses mains. Il la remit ensuite à ses parens, qui lui laissèrent la liberté de mener chez eux le genre de vie qu'exigeait l'état des vierges consacrées au Seigneur.

Quelque temps après, Austreberte voulut rendre son sacrifice complet, en se retirant dans un monastère, et en joignant les vœux de pauvreté et d'obéissance à celui de chasteté. C'est ce qu'elle fit, du consentement de ses parens, dans l'abbaye de Port, bâtie sur la Somme, un peu au-dessous d'Abbeville. Là, elle donna l'exemple de toutes les vertus monastiques. Il n'y avait point de sœur qui portât plus loin qu'elle l'amour de la mortification. Son humilité surtout était extraordinaire; elle s'abaissait non-seulement devant la supérieure, mais même devant la dernière personne de la communauté. Cette humilité ne souffrit aucune atteinte, lorsqu'elle eut été élue prieure.

Vers ce temps-là, S. Philebert, abbé de Jumiéges, fonda un monastère de filles à Pavilly, dans le pays de Caux. L'emplacement et les fonds nécessaires lui avaient été donnés par Amalbert, seigneur du lieu. Ce seigneur offrit au saint fondateur sa fille Aurée, qui reçut le voile dans le nouveau monastère. Les religieuses de Pavilly, qui étaient au nombre de vingt-cinq, avaient besoin d'une abbesse qui réunît une prudence consommée à une vertu éminente. S. Philebert jeta les yeux sur Austreberte, prieure de Port. Les deux moines qu'il avait envoyés n'ayant pu la déterminer à sortir de sa communauté, il l'alla trouver lui-même, et vint à bout de vaincre sa résistance. Il l'emmena donc à Pavilly avec deux autres religieuses de Port. Ce fut S. Ouen qui la bénit, et qui l'établit première abbesse du monastère nouvellement fondé.

Austreberte s'appliqua entièrement à sa sanctification, ainsi qu'à celle de ses sœurs. Quelques contradictions qu'elle eut à es

Ste Framechilde mourut le 17 mai, peu après l'an 680. Elle fut enterrée dans l'église de Marconne qu'elle avait bâtie. (C'est aujourd'hui Sainte-Austreberte, village près d'Hesdin.) Son corps fut levé de terre en 1030 par Baudouin, vingtcinquième évêque de Térouenne. Ses reliques étaient dans l'abbaye de Montreuilsur-Mer, à l'exception d'une partie que l'on gardait dans l'église collégiale et pas roissiale d'Hesdin. Cette sainte est honorée le 17 de mai,

suyer ne servirent qu'à mettre sa vertu dans un plus grand jour. Elle alliait dans le gouvernement la douceur à la fermeté. Dure à elle-même, elle était pleine de bonté pour ses religieuses. Ses discours avaient un charme secret qui portait dans les cœurs la paix, la componction et la ferveur. Elle n'exigeait rien qu'elle ne le fït la première; elle allait même beaucoup au-delà de ce qu'elle de prescrivait aux autres. La qualité d'abbesse ne l'empêchait pas saisir toutes les occasions de pratiquer l'obéissance. Le trait suivant montrera combien elle chérissait cette vertu. Une nuit que les religieuses s'étaient recouchées après matines, Austreberte visita le dortoir, pour examiner si tout était dans l'ordre. Le bruit qu'elle fit éveilla la prieure. Gelle-ci, qui crut que c'était une simple religieuse, la reprit de manquer à la règle, et lui ordonna d'aller par pénitence prier devant la croix plantée dans le cloître. Austreberte obéit sans répliquer, et demeura le reste de la nuit au pied de la croix ; mais la prieure reconnut sa méprise en se rendant le matin à l'église avec les autres sœurs. Elle s'approcha de son abbesse, et lui demanda un pardon qui lui fut aisément accordé.

Cependant le monastère de Pavilly répandait de toutes parts la bonne odeur de Jésus-Christ. On s'empressait d'y accourir de tous côtés; on voyait des pères et des mères offrir à l'envi leurs enfans à la sainte abbesse. D'autres personnes, touchées de ses exemples, embrassaient la pratique des conseils évangéliques. Enfin la sainte fut attaquée d'une fièvre qui lui annonçait une mort prochaine; elle se fit porter aussitôt dans le lieu où s'assemblait la communauté, et y parla avec beaucoup d'onction des principales vérités du salut. Les jours suivans elle ne s'entretint qu'avec Dieu, excepté que de temps en temps elle donnait encore à ses sœurs les instructions qu'elle leur croyait nécessaires. Sentant à la fin que sa dernière heure approchait, elle reçut le saint viatique; puis, après s'être munie du signe de la croix, elle rendit tranquillement l'esprit. Sa bienheureuse mort arriva le 10 de février 703, selon la tradition du monastère de Montreuil-sur-Mer, en Picardie ".

a Nous ne connaissons que six abbesses de Pavilly: 1° Ste Austreberte; 2° Philothée, religieuse de Port; 3° Dilotée, religieuse du même monastère: elles avaient toutes deux suivi Ste Austreberte à Pavilly; 4° Aurée, Aure ou Avoye, fille du comte Amalbert, fondateur du monastère de Pavilly. Quelques auteurs anciens lui donnent le titre de sainte, mais on ne voit pas qu'elle ait jamais été honorée d'un culte public. Il pourrait arriver qu'on l'eût confondue avec Ste Aure, que S. Eloi fit abbesse du monastère de Saint-Martial, à Paris; 5o Béné dicte, dont il est parlé dans la Vie de Ste Julienne; 6° Ste Julienne. Il est vrai que sa légende ne dit point qu'elle ait été abbesse de Pavilly; mais on lit dans la Vie de Ste Austreberte, que sa crosse est conservée dans la châsse où sont ses saintes reliques. On célèbre sa fête le 11 d'octobre à Montreuil-sur-Mer. C'est aussi dans cette abbaye que l'on gardait les reliques de Ste Julienne. Cette note a été principalement tirée des Mémoires dressés à Montreuil, que feu M. l'évêque d'Amiens a eu la bonté de nous communiquer par le moyen d'un magisirat respectable.

Son corps fut enterré dans l'église du monastère de Pavilly, où l'on voit encore son tombeau, et fut honoré de plusieurs miracles. Trente ans après, on le leva de terre pour l'exposer à la vénération publique. La plus grande partie des reliques de Ste Austreberte étaient à l'abbaye de Montreuil. Il y en avait aussi quelques parcelles à Pavilly, et dans d'autres paroisses voisines. Le nom de notre sainte se trouve en ce jour dans le Martyrologe romain".

Voyez dans Surius la Vie de Ste Austreberte, écrite par un auteur ancien et presque contemporain. Bollandus en a donné une édition plus correcte, à laquelle il a joint de savantes notes. Le P. Mabillon a publié aussi la même Vie, sæc. 3 Ben. Voyez encore la Vie de S. Ouen; Usuard, Ménard, Molan et Bulteau, Histoire de S. Benoit, tom. 1, p. 502.

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S. ERLULPH, DIXIEME ÉVÈQUE DE VERDEN. MARTYR.

PLUSIEURS missionnaires écossais étant allés prêcher l'Evangile à l'ouest de l'Allemagne, après la conquête de la Saxe par Charlemagne, S. Erlulph, brûlant du désir de les imiter, quitta sa patrie pour aller cultiver le champ où ils avaient planté la foi. Les succès de la mission furent proportionnés au zèle de celui qui l'avait entreprise. Ayant été ensuite élevé sur le siége de Verden, il remplit tous les devoirs de l'épiscopat en digne successeur de ces hommes apostoliques que Dieu avait suscités pour la conversion des infidèles. Ceux d'entre les barbares qui ne voulaient point ouvrir les yeux à la lumière, furent outrés de rage à la vue de l'accroissement merveilleux du règne de Jésus-Christ. Ils résolurent donc de défaire leur pays d'un homme qui décréditait de jour en jour leurs anciennes superstitions, et qui menaçait les temples de leurs faux dieux d'une désertion générale. Ils le massacrèrent en 830, dans un lieu nommé Eppokstorp.

Voyez Krantz, l. 1, Metrop. c. 31; Democh. Catal. episcop. Verdens. Pantaleon, etc.

a Depuis long-temps il n'y a plus de monastère à Pavilly, qui est un gros bourg du pays de Caux, à quatre lieues et dans le diocèse de Rouen. Il n'en restait plus que l'église, qui était à côté de celle de la paroisse. Elle portait le nom de Sainte-Austreberte, et avait le titre de prieuré. Les religieuses de Montreuil, dites de Sainte-Austreberte, étaient des Bénédictines réformées. Leurs constitutions ressemblaient assez à celles qu'on suivait au Val-de-Grâce, à Paris.

Notre saint ne doit point être confondu avec un autre S. Erluph, apôtre d'Islande, lequel florissait en 890. Voyez sur ce dernier, Jonas, Hist. Íslandiæ.

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