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cancer qui exhalait une puanteur insupportable, lui rongea encore les gencives et la bouche, et lui ôta l'usage de la parole. On peut imaginer quelles douleurs toutes ces différentes maladies causèrent à la sainte. Elle les souffrit avec une patience héroïque, et avec les sentimens d'une entière résignation à la volonté de Dieu. Elle allait même jusqu'à désirer l'augmentation de ses douleurs, et jusqu'à craindre que les médecins n'en diminuassent la vivacité. Elle leur permettait à peine de couper ou d'embaumer les parties de son corps qui étaient déjà mortes. Il ne lui fut pas possible, durant les trois derniers mois de sa vie, de goûter un seul instant les douceurs du repos. Le cancer, comme nous l'avons dit, lui avait ôté l'usage de la parole: mais sa patience admirable instruisait bien plus efficacement que n'auraient pu faire tous ses discours. Trois jours avant sa mort, elle prédit le moment où son âme serait délivree de la prison de son corps. L'heure étant venue, elle parut environnée d'une lumière éblouissante, et remit son esprit entre les mains de son créateur. Elle était âgée de quatrevingt-quatre ans. Les Grecs font sa fête le 4 de janvier. Le Martyrologe romain n'en fait mémoire que le lendemain".

L'ancienne vie de Ste Synclétique est citée dans les Vies des Pères publiées par Rosweide, l. 6, et dans les anciennes notes sur celle de S. Jean Climaque. On ne peut douter qu'elle ne soit l'ouvrage d'un homme qui avait connu particulièrement la sainte. L'opinion de ceux qui attribuent cette Vie à S. Athanase n'est point appuyée sur des preuves solides. M. d'Andilly en a donné une traduction dans ses Vies des saints Pères des Déserts, tom. 3, p. 91, sans toutefois s'astreindre à une exactitude scrupuleuse. Le P. Montfaucon se déclare aussi pour l'antiquité de la même Vie, Catal. Biblioth. Coisliniance, p. 417.

MARTYROLOGE.

La Vigile de l'Épiphanie de Notre Seigneur.

A Rome, S. Télesphore, pape, qui, après avoir beaucoup souffert pour la défense du nom de Jésus-Christ, parvint à la gloire du martyre sous Antonin le Pieux.

En Egypte, la commémoraison de plusieurs saints martyrs, qu'on a Ste Synclétique doit avoir fleuri dans le quatrième siècle, puisque sa vie est citée dans le cinquième et dans le sixième; et comme on lui donne quatrevingt-quatre ans, il s'ensuit de là qu'elle ne peut avoir été beaucoup plus jeune que S. Athanase, mort er. 373. Elle fut là mère des religieuses, comme S. Antoine avait été le père des moines. Voyez sur ce sujet l'Histoire monastique du P. Helyot, et le Monasticum Anglicanum de Stephens, c. 1, p. 16. II faut pourtant convenir que la sœur de S. Antoine, étant encore très-jeune, fonda un monastère de filles avant le règne de Constantin le Grand,

fit mourir dans la Thébaïde par divers genres de tortures durant la persécution de Dioclétien.

A Antioche, S. Siméon, solitaire, qui demeura plusieurs années debout sur une haute colonne; ce qui lui fit donner le nom de Stylite : toute sa vie ne fut qu'une longue suite de merveilles.

En Angleterre, S. Edouard, roi, illustre par sa chasteté et par le don des miracles. Sa fête est fixée au 13 octobre, jour de la translation de son corps.

A Alexandrie, Ste Synclétique, dont les belles actions ont été racontées par S. Athanase.

A Rome, Ste Emilienne, vierge, tante de S. Grégoire, pape, laquelle, invitée par sa sœur Tharsille, morte depuis peu de temps, passa en ce jour de la terre au ciel.

Le même jour, Ste Apollinaire, vierge.

Saints de France.

A Saint-Messens de Plélan en Bretagne, S. Couvoyon, premier abbé de Saint-Sauveur de Redon-sur-Vilaine au diocèse de Vannes, qui, étant allé à Rome avec Susan, évêque de Vannes, et Félix, évêque de Quimpercorentin, obtint de Léon IV la convocation d'un concile à l'occasion de quelques prélats de Bretagne accusés de simonie, et apporta le corps de S. Marcellin, pape, que Léon IV lui avait donné : la ville de Paris fut choisie pour ce concile.

A Fauquemont, au comté de Limbourg, S. Gerlac, soldat, puis solitaire, dont le corps est en une église de son nom tenue par des religieuses de l'ordre de Prémontré au diocèse de Ruremonde.

Autres.

En Samarie, le saint prophète Michée, fils de Jemla, dont il est fait mention au troisième livre des Rois.

Chez les Grecs, S. Theoïde, martyr.

En Orient, S. Saïs, qui fut jeté dans la mer pour la foi de JésusChrist.

A Carthage, le décès de S. Déogratias, évêque de cette ville, qui, comme raconte Victor de Vite, racheta les captifs que Genseric avait amenés de Rome, et donna deux basiliques pour les mettre.

A Antinoé dans la Thébaïde, Ste Talide, supérieure d'un des douze monastères de filles qui étaient de son temps en cette ville. Le même jour, S. Phostère, abbé.

A Bresse, S. Rusticain, qu'on y honore comme évêque.

En Bithynie, 3. Grégoire d'Acride, qui, pour se mortifier et chasser les distractions, récitait tous les jours le Psautier dans un muid plein 'd'eau.

L'ÉPIPHANIE".

Le principal objet de cette fête est d'honorer la manifestation de Jésus-Christ aux Mages, qui, conduits par une inspiration surnaturelle, vinrent en Judée après sa naissance pour l'adorer et lui offrir des présens. L'Eglise, dans son office, célèbre la mémoire de deux autres manifestations du Sauveur. La première se fit à son baptême, lorsque le Saint-Esprit descendit visiblement sur lui sous la forme d'une colombe, et que l'on entendit une voix du ciel qui disait : Celui-ci est mon fils bien-aimé en qui j'ai mis mes complaisances'. La seconde se fit aux noces de Cana2, où JésusChrist opéra son premier miracle en changeant l'eau en vin : miracle par lequel il manifesta sa gloire, et en conséquence duquel ses disciples crurent en lui .

Toutes ces raisons assurent à cette fête des droits particuliers sur la vénération publique. Mais qui dut jamais la célébrer avec plus de ferveur que nous, puisqu'elle nous rappelle l'époque de notre vocation à la foi et à la connaissance du vrai Dieu dans la personne des Mages, les prémices des Gentils? Il nous suffira, pour sentir toute l'étendue de la miséricorde divine, de considérer l'effroyable corruption où les Gentils étaient alors plongés. Dans ces temps d'ignorance3, on rendait les honneurs divins aux plus viles créatures, et l'on ne rougissait pas de consacrer par la religion les crimes les plus affreux. On trouvera dans l'Epître aux Romains un long détail des excès horribles auxquels se portèrent les païens livrés à leur propre corruption. Ils étaient, dit le grand apôtre, remplis de toute sorte d'injustice, de fornication, d'avarice, de malignité; ils étaient envieux, meurtriers, querelleurs, trompeurs, semeurs de faux rapports, calomniateurs, superbes, altiers, désobéissans, sans affection, sans foi, sans miséricorde, etc. *.

a Epiphanie est un mot grec qui signifie apparition ou manifestation. L'usage où est l'Eglise d'Occident d'honorer par deux différentes fêtes la naissance de Jésus-Christ et sa manifestation aux Mages, remonte, selon le P. Papebroch, au quatrième siècle, et a pour auteur le pape Jules 1er. Les Grecs ont toujours honoré ces deux mystères le même jour (le 25 décembre), et ils appellent cette fête Théophanie ou manifestation de Dieu. C'est sous cet ancien nom que l'Epiphanie est désignée par S. Isidore de Péluse, par S. Grégoire de Nazianze, par Eusèbe, etc. Voyez le Traité des fêtes, par le P. Thomassin, l. 1, c. 4, et l. 2, c. 7, et le P. Martenne, Anecd. tom. 5, p. 106, B. et in not. ibid. et de ant. Eccles. Discip. c. 14; Gretser, p. 4, c. de Festis, l. 1, c. 30; Bened. XIV, de Festis Dom. c. 2, p. 17, 59.

Bollandus, Præf. gener. c. 4, § 3, et Ruinart, in Calend. ad calcem Act. Mart. citent un fragment de Polemeus Sylvius, qui écrivait en 448, où il est dit que ces trois manifestations de J.-C. arrivèrent à pareil jour. Ceci n'a point paru certain à S. Maxime de Turin, Hom. 1 de Epiph.

Matth. III, 17.
Joan. 11, !1,

5 Act. XVII, 30.

4 Rom. 1, 29, 30, 31.

Tels furent nos pères; tels nous serions nous-mêmes, si Dieu, par une bonté toute gratuite, ne nous eût appelés à la vraie foi.

David, Isaïe et les autres prophètes avaient prédit clairement la vocation des Gentils plusieurs siècles avant l'événement. Mais ces prédictions ne pouvaient avoir leur accomplissement qu'après la venue du Messie. Il lui était réservé d'être le Sauveur de tous les hommes1, et d'assujettir à l'empire de sa grâce toutes les nations que son père lui avait données en héritage 2. Et voilà pourquoi il se manifesta en paraissant sur la terre, et à ceux qui étaient proches, et à ceux qui étaient éloignés 3, c'est-à-dire aux Juifs et aux Gentils. Car, en même temps que des anges annoncèrent sa naissance aux premiers, une étoile a miraculeuse en avertit les seconds en Orient.

Parmi les Gentils appelés à Bethleem pour y adorer le Rédempteur du monde, il ne s'en trouva qu'un petit nombre de fidèles. L'Ecriture les désigne sous le titre de Mages, sans en dé3 Eph. II, 17.

1 I Tim. II, 4. 2 Ps. II, 8.

4 Luc. II, 10, 11.

a Cette étoile était vraiment miraculeuse; il n'y a pas d'apparence que c'ait été une des étoiles fixes; car la plus voisine de nous est trop éloignée et d'un trop gros volume, pour indiquer une maison ou même la ville de Bethleem. S. Chrysostome, de qui est cette remarque, pense que c'était un ange revêtu de la forme d'une étoile. Dans la supposition d'un corps réel, nous dirons que c'était un météore semblable à une étoile, et miraculeusement enflammé dans la moyenne région de l'atmosphère en effet, son mouvement était contraire au cours naturel des astres : il conduisait les Mages avec une sorte d'intelligence, s'accommodant à leurs besoins, paraissant et disparaissant selon qu'il leur était plus utile. Voyez S. Thomas, 3 p. q. 36, a. 7; Federicus Miegius, Dissert. de stella à Magis conspectâ, in Thesauro dissertationum in Novum Testamentum, Amstelodami, an. 1702, tom. 1; Benoit XIV de Canonis. 1. 4, part. 1, c. 25.

Qu'entend-on ici par l'Orient? où était situé ce pays? Voilà un point sur lequel les interprètes sont fort partagés. Les uns tiennent pour la Perse, les autres pour la Chaldée; ceux-ci pour la Mésopotamie, ceux-là pour l'Arabie heureuse. On ne peut nier que ces différentes contrées ne soient plus ou moins à l'orient de la Palestine; et l'on ne peut douter qu'il ne s'y fût précédemment répandu quelque connaissance du Messie. Les Juifs avaient été emmenés captifs, puis dispersés dans la Perse et la Chaldée, où Daniel avait prophétisé : le voisinage avait nécessairement établi des relations de commerce entre l'Arabie et la Judée. Il en était de même de la Mésopotamie, où l'on avait de plus conservé long-temps le souvenir de la prophétie de Balaam, né dans ce payslà. L'opinion de ceux qui prennent ici l'Arabie pour l'Orient, opinion fondée sur l'autorité de S. Justin, Dial., et de Tertullien, l. adv. Judæos, c. 9, et l. 3 contra Marcion. c. 13, ainsi que sur la nature des présens que les Mages firent à Jésus-Christ, paraît la plus probable à Grotius, Critici sacri, tom. 6, p. 71; à M. de Marca, opusc. de advent. Magor. au P. Lami, Harm. l. 1, c. 11; et à Benoît XIV, de Epiph. p. 52.

c Les Orientaux, et particulièrement les Perses, donnaient le titre de Mages. aux sages et aux philosophes, Ils avaient pour eux tant de vénération, qu'ils leur confiaient les plus importantes affaires de la religion et de l'Etat. Partout on les regardait comme des oracles. Ceux qui vinrent adorer Jésus-Christ à Bethleem sont communément appelés rois. S'ils ne l'étaient point selon toute l'étendue de ce mot, il est au moins vraisemblable qu'ils occupaient une place distinguée dans leur pays. Tertullien les nomme princes, l. contra Judæos, c. 9, 1.5 contra Marcion. Voyez Gretser, l. 1 de Festis, c. 30, tom. 5, Oper. nup. edit. Ratisp. Baronius, ad. ann. 1, n. 30; et le savant auteur des notes sur l'Histoire de la vie de Jésus-Christ, imprimée à Urbin en 173, c. 7. Ils s'accor

terminer précisément le nombre. L'opinion commune est qu'il n'y en eut que trois". Quoi qu'il en soit, le nombre en fut très-petit, relativement à tous ceux qui avaient vu l'étoile, et qui, contens d'une admiration stérile, refusèrent, ou de reconnaître la vocation du ciel, ou d'ouvrir leurs cœurs aux impulsions salutaires de la grâce. Que ceux-ci ont encore aujourd'hui d'imitateurs parmi nous! Est-il bien rare de voir des Chrétiens qui n'écoutent point. la voix de Dieu, et qui ne répondent à ses miséricordes que par une affreuse insensibilité? Soyons de bonne foi, et nous conviendrons que c'est là le grand nombre. Ne soyons donc plus étonnés que Jésus-Christ ait dit qu'il y en a beaucoup d'appelés, mais peu d'élus. Cet effrayant oracle se vérifie tous les jours dans le sein même du christianisme, par la conduite que tiennent la plupart de ceux qui le professent. Faut-il qu'il en soit de nous comme des Juifs, dont le plus grand nombre n'a point été agréable à Dieu !!

Revenons aux Mages, et instruisons-nous à leur exemple. La promptitude de leur obéissance et l'activité de leur zèle sont bien capables de confondre notre lâcheté. A peine le messager céleste s'est-il montré à eux, qu'ils partent sans délai pour aller chercher le Sauveur de leurs âmes. Convaincus que Dieu les appelle, et par cet astre qui brille à leurs yeux, et par cette motion secrète qui touche leurs cœurs, ils ne consultent ni la chair, ni la prudence du siècle; ils ont le courage de s'élever au-dessus du respect humain, et de mépriser les jugemens des prétendus sages de leur pays. Rien ne peut les retenir; l'accomplissement de la volonté divine est l'unique objet qui les occupe. Ils partent dans la plus rigoureuse saison de l'année, sans s'embarrasser de la longueur, des fatigues et des dangers du voyage qu'ils entreprennent. Heureux d'avoir compris que de ne pas correspondre à la grâce qui les pressait alors, c'était s'exposer à la perdre pour toujours!

Lorsqu'ils furent arrivés à Jérusalem, ou du moins auprès de cette ville, l'étoile qui avait dirigé leurs pas disparut. Ils en conclurent qu'ils touchaient à la fin de leur course, et que bientôt ils dent tous à regarder les Mages comme des gouverneurs ou petits princes auxquels l'antiquité donnait souvent le nom de rois. Voyez encore l'Histoire détaillée des Mages dans Prideaux, part. 1, l. 4.

a Cette opinion est appuyée sur l'autorité de S. Léon, serm. 30, etc.; de S. Césaire, serm. 139, etc.; de Bède, etc. On trouvera les preuves qui l'établissent dans le commentaire de Maldonat sur le deuxième chapitre de S. Matthieu. Voyez le P. Honoré de Sainte-Marie, Règles de la Critique, l. 3, dissert. 4, a. 2; le Pictor Christianus, P. Ayala, l. 3, c. 3, etc.; Benoît XIV, de Fest. Christi, 1. 1, c. 2, de Epiph. 7. Ie dernier cite un tableau antérieur à S. Léon, lequel représente trois Mages. Ce tableau a été trouvé dans un ancien cimetière de Rome, et on en voit la copie dans un recueil de tableaux antiques publié à Rome en 1737, tom. 1, tabl. 22.

J Cor. x, 5.

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