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S. LUCIEN, PRÊTRE ET MARTYR.

Tiré de S. Chrysostôme, tom. 2, p. 524, qui prononça son panégyrique à Antioche le jour de sa féte; de S. Jérôme, de Script. c. 77; d'Eusèbe, l. 8, c. 13; 1. 9, c. 6, et de Rufin. Voyez Tillemont tom. 5, p. 474, et le P. Pagi, ad an. 311.

L'AN 312.

S. LUCIEN, dit d'Antioche, était de Samosate en Syrie. La mort lui ayant enlevé son père et sa mère, il distribua tous ses biens aux pauvres, afin de servir Dieu dans un plus parfait détachement des choses visibles. Il substitua l'étude de l'Ecriture sainte à celle de la rhétorique et de la philosophie, dans laquelle il avait fait les progrès les plus rapides, et choisit pour maître un nommé Macaire, qui enseignait alors avec réputation à Edesse. Devenu prêtre, il ne s'occupa plus qu'à porter les autres à la vertu par ses discours et par ses exemples. Il ne s'en tint pas là; persuadé qu'un prêtre est redevable à l'Église de l'emploi de ses talens, il entreprit de donner une nouvelle édition des livres saints, en corrigeant toutes les fautes qui s'étaient glissées dans le texte de l'Ancien et du Nouveau Testament, soit par l'inexactitude des copistes, soit par la malice des hérétiques a. Cette nouvelle édition mérita une estime universelle, et fut d'un grand usage à S. Jérôme b

a Son travail sur l'Ancien Testament se borna, selon quelques-uns, à revoir le texte sur différentes copies des Septante, comparées ensemble. D'autres disent qu'il le corrigea sur l'hébreu, dont il avait une grande connaissance. b Nous apprenons de S. Jérôme qu'il y avait anciennement trois célèbres éditions de la Bible grecque : celle de S. Lucien, reçue dans les églises d'Orient, depuis Constantinople jusqu'à Antioche; celle d'Hésychius, adoptée par les églises d'Alexandrie et d'Egypte; enfin, celle que S. Pamphile et Eusèbe avaient donnée d'après les Hexaples d'Origène, et dont on se servait en Palestine. Le même Père ajoute que l'édition de S. Lucien était la plus exacte, la mieux purgée des falsifications reprochées à Aquila, etc. et qu'en conséquence on l'appelait souvent, dans un sens absolu, la Bible des Septante, ou la version commune. Voy. S. Jérôme, præfat. in. Paralip. et præfat. in explic. Daniel. et Ep. ad. Suniam et Fretelam. Euthymius dit encore que l'édition corrigée par S. Lucien était conforme au texte des Septante, et qu'on n'y lisait aucun passage interpolé. Tout le monde convient aujourd'hui, comme l'observe le savant M. Kennicott, en parlant de l'édition de S. Lucien, diss. 2, p. 397, qu'elle a plus de conformité qu'aucune autre avec le vrai texte des Septante ou la version commune. Aussi les critiques mesurent-ils l'estime qu'on doit faire d'un Ms. des Septante, sur le plus ou le moins de conformité qu'il a avec l'édition de S. Lucien. C'est ici le lieu de dire un mot des deux célèbres Mss. grecs du Vatican et d'Alexandrie, dont le dernier se garde dans le Museum britannique. Ce sont les plus anciens que l'on connaisse, puisqu'on les croit du 5° siècle. Le premier fut imprimé en 1587, par l'ordre de Sixte V, mais avec des corrections faites d'après d'autres Mss. Cette édition est connue sous le nom de sixtine. Lorsque Grabe publia le Ms. d'Alexandrie, il y fit aussi plusieurs corrections. It est certain que les Mss. du Vatican et d'Alexandrie suivent en beaucoup d'endroits des versions différentes. Le second, comme l'a remarqué le P. Montfaucon, prælim. diss. in Hexapla, p. 43, s'accorde souvent avec les Hexaples, au lieu que le premier les suit rarement. La même remarque a été faite par Grabe, Proleg. 3 vol., et par

TOME I.

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On a soupçonné la foi de notre saint, à cause du témoignage désavantageux que rend de lui S. Alexandre, évêque d'Alexandrie1. Il dit, en effet, que Lucien vécut séparé de la communion de l'Église a sous trois évêques d'Antioche consécutifs; savoir: Domnus, Timée et Cyrille. Le motif de cette séparation était l'attachement que le saint avait montré pour le parti de Paul de Samosate. Mais il y a toute apparence qu'il avait été trompé, faute de pénétrer assez les dogmes impies d'un hérésiarque aussi artificieux. Du moins est-il certain qu'il mourut dans le sein de l'Église ca tholique c.

Lucien, quoique prêtre d'Antioche, était à Nicomédie en 303, lorsque l'empereur Dioclétien y publia ses premiers édits contre la religion chétienne. Il fut du nombre de ceux qu'on arrêta pour Blanchini dans ses Vindiciæ, vet. cod. p. 256. Ce dernier a cité quarante-six exemples pour prouver que le Ms. du Vatican est le plus conforme à l'édition de S. Lucien. Aussi plusieurs savans lui ont-ils donné la préférence sur celui d'Alexandrie. Voy. Walton, Proleg. Masius, præf. in Jos. Morin, Simon, l. 2, c. 3; Westein, Proleg. in. Nov. Testam. Græc.

Nous avons trois autres célèbres éditions de la Bible des Septante: l'une dite d'Angleterre, parce qu'elle a été insérée dans la Polyglotte de Walton, imprimée en Angleterre; l'autre dite de Complute, parce qu'elle a été imprimée à Alcala dat. Complutum) dans la Polyglotte du cardinal Ximenez (elle à reparu depuis dans la Polyglotte de Le Jay); la troisième dite de Venise, parce qu'elle a ete imprimée dans la ville de ce nom par le fameux Alde (elle était autrefois beau coup suivie en Allemagne). Tous les critiques conviennent qu'il y a dans les deux dernières bien des choses empruntées de la version de Théodotion. La première mérite la préférence, selon Walton, Masius, Morin, Simon, etc. Vid. loc. cit. Théodoret, Hist. l. 1, c. 4.

a

AπоGUVάywрos quεve. Dom Ceillier, tom. 4, p. 51, pense, avec quelques autres critiques, que Lucien dont parle S. Alexandre, et qui avait été disciple de Paul de Samosate, était différent de notre saint, puisque S. Alexandre ne lui donne les titres ni de prêtre ni de martyr. Il faut ajouter à cela qu'Eusèbe, S. Chrysostôme et S. Jérôme ne disent point qu'il ait jamais été séparé de la communion de l'Eglise, ni qu'il soit tombé dans les erreurs de Paul de Samosate. b Son hérésie avait été condamnée dans un concile tenu à Antioche en 269. Nous en avons la preuve dans un fragment d'une lettre qu'il écrivit à l'église d'Antioche. Ce fragment est dans la Chronique d'Alexandrie, sous l'an 303. Les Ariens se vantaient d'avoir S. Lucien pour père, prétendant qu'Arius avait reçu de lui sa doctrine impie. Mais on prouve que leur prétention était une pure calomnie, 1o par le silence de S. Athanase; 2° par l'éloge que S. Jérôme fait de S. Lucien, et par le beau panégyrique que S. Chrysostôme a composé en son honneur ; 3° par le témoignage exprès d'un ancien livre sur la Trinité, qui se trouve parmi les ouvrages de S. Athanase, dial. 3, tom. 2, p. 179; 4° par la confession de foi de S. Lucien lui-même, qui fut approuvée par quarante évêques assemblés à Antioche en 341, lesquels dirent qu'ils l'avaient trouvée écrite de la propre main de S. Lucien d'Antioche, martyr. L'hérésie de Paul de Samosate y est condamnée, et la divinité du Verbe établie. On la trouve dans S. Athanase, de Synod. p. 735; dans S. Hilaire, de Synodis, p. 1168; dans Socrate, l. 2, c. 10, et dans Sozomène, Hist. l. 2, c. 5. Il n'est pas possible de s'inscrire en faux contre l'existence de cette confession de foi, que le concile d'Antioche produisit comme écrite de la propre main de S. Lucien. Autrement il faudrait accuser d'imposture un concile très-nombreux, que S. Hilaire appelle une assemblée de saints. Mais supposons, par impossible, que le concile d'Antioche ne fût composé que de fourbes, la fraude aurait-elle pu réussir? Non, sans doute; elle aurait été découverte par autant de personnes qu'il y en avait qui connaissaient les écrits et la doctrine du saint. 5° Enfin on prouve la pureté de la foi de S. Lucien, au moins sur la fin de sa vie, par l'autorité de l'Eglise, qui l'a toujours compté parmi ses martyrs.

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la foi. Du fond de sa prison il écrivit aux fidèles d'Antioche une lettre qui finissait ainsi : « Tous les martyrs vous saluent. Je vous apprends que le pape Anthime a a terminé sa course par le martyre ; » c'était dans l'année 303 que le saint parlait ainsi. Il faut qu'il soit resté neuf ans en prison, puisque, au rapport d'Eusèbe, il ne reçut la couronne du martyre qu'après la mort de S. Pierre d'Alexandrie, arrivée en 311. Quoi qu'il en soit, on le conduisit enfin devant le tribunal du gouverneur, ou même de ́l'empereur ; il saisit cette occasion pour présenter au juge une savante apologie de la religion chrétienne.

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Le juge, ayant entendu le saint confesser généreusement JésusChrist, le renvoya en prison, avec défense de lui donner aucune sorte, de nourriture. Lorsqu'on l'eut fait jeûner long-temps, on lui servit des mets délicats qui avaient été offerts aux idoles; mais il les refusa constamment, fondé sur cette maxime, qu'on ne peut manger ce qui a été offert aux idoles, s'il doit en résulter du scandale pour les faibles, et si les païens l'exigent comme un acte d'idolâtrie. Le saint, ayant été conduit une seconde fois devant le juge, persista toujours dans la confession de Jésus-Christ. Ce fut en vain qu'on employa les tourmens pour ébranler sa fermeté; on ne put jamais tirer de lui que ces paroles : Je suis chrétien. C'étaient là les seules armes dont il se servait pour vaincre, persuadé, dit S. Chrysostôme, que, dans un pareil combat, ce n'est pas l'éloquence qui remporte la victoire, et que le moyen le plus sûr de triompher n'est pas de savoir bien parler, mais de savoir bien aimer. Quelques-uns disent qu'il fut remis en prison, et qu'il y mourut. S. Chrysostôme, qui devait être mieux informé que personne, nous assure qu'on le décapita '. Rufin dit qu'il fut égorgé secrètement dans la prison, par l'ordre de Maximin, qui, à cause du peuple, n'osa le faire mourir publiquement. Nous lisons dans ses actes qu'il fit plusieurs miracles, et qu'étant lié et couché sur le dos dans sa prison, il consacra les divins mystères sur sa poitrine, et donna la communion aux fidèles qui étaient présens d

Il est constant, par le témoignage de S. Chrysostôme et de quelques autres anciens auteurs, que le martyre de S. Lucien arriva le 7 de janvier. Ce dut être en 312, car il souffrit durant la persécution de Maximin, laquelle finit par la publication de l'édit que Constantin et Licinius donnèrent en faveur des Chrétiens, a C'était l'évêque de Nicomédie : le nom de pape était alors commun à tous les évêques.

Ces paroles se lisent dans la Chronique d'Alexandrie.

Le mot grec Apxovros, dont Eusèbe se sert, peut aussi bien s'entendre de l'empereur que du gouverneur.

Le même fait est rapporté par Philostorge, historien arien, l. 2, c. 12, 13.

1

L. 9, c 6, p. 149.

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vers le mois de novembre de la même année. Son corps, comme nous l'apprenons de S. Chrysostôme, fut enterré au bourg de Drépane, en Bithynie. Peu de temps après, l'empereur Constantin le Grand fit bâtir en ce lieu une belle ville, qu'il appela Hélénople, du nom de sa mère, et qu'il exempta de toutes taxes, pour marquer combien il honorait la mémoire du saint martyr. L'église d'Arles, fondée sur une ancienne tradition, prétend avoir les reliques de S. Lucien. Elle croit que Charlemagne, auquel on les apporta de l'Orient, en fit faire la translation dans l'église qu'il bâtit en l'honneur du saint dans la ville d'Arles a.

Lorsque S. Lucien s'appliqua à la lecture et à la méditation de l'Écriture sainte, son principal objet était de connaître la volonté de Dieu, de découvrir toute l'étendue de ses devoirs, d'acquérir cette délicatesse de conscience qui pèse les motifs de toutes les actions, qui éloigne non-seulement du péché, mais de l'apparence même du péché, et qui rend un homme inébranlable dans la pratique de la vertu. Aussi la parole de Dieu, consignée dans les livres saints, est-elle appelée lumière, un autre nom ne pouvant mieux désigner les effets salutaires qu'elle produit dans les âmes bien disposées. Car n'est-ce pas elle qui dissipe ces ténèbres dont l'épaisseur nous cachait les vraies limites du bien et du mal, et nous dérobait la vue du chemin qui conduit au salut? N'est-ce pas elle qui nous donne une véritable idée de cette corruption et de cette fragilité qui sont la source malheureuse des taches journalières qui ternissent la beauté de nos âmes? N'est-ce pas elle qui nous montre que notre cœur doit être sans cessebrisé de douleur et de componction, parce que nous avons sans cesse des fautes à expier? N'est-ce pas elle qui nous enseigne la nécessité de recourir continuellement à Dieu, afin que, fortifiés par sa grâce, nous marchions avec joie dans le sentier pénible de la vertu? N'est-ce pas elle, enfin, qui nous apprend que nous devons, même après avoir accompli toute la loi, nous regarder comme des serviteurs inutiles, nous croire encore fort éloignés de la sainteté requise dans les élus, et par conséquent obligés de tendre de plus en plus à la perfection? Toutes les fois que nous lirons l'Écriture, entrons dans les mêmes dispositions que S. Lucien. Concevons pour elle tout le respect et tout l'amour qui sont dus à la parole de Dieu Alors nous la lirons avec fruit, et nous mériterons qu'elle devienne à notre égard un principe de lumière et de vie.

• Du Saussay, Mart. Gallic. tom. 1, p. 17; Chastelain, p. 114.

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S. THÉAU, MOINE DE SOLIGNAC.

S. THÉAU naquit en Saxe, de parens idolâtres. A peine était-il sorti de l'enfance, que des brigands l'enlevèrent de la maison paternelle. Ils le conduisirent dans les Pays-Bas, où ils le vendirent comme esclave. Il eut le bonheur d'être racheté par S. Eloi, qui, non content de lui avoir procuré la grâce du baptême, l'envoya encore dans son abbaye de Solignac en Limousin, pour y être élevé dans les exercices de la piété chrétienne et dans l'étude des saintes lettres. Quelque temps après, S. Eloi le fit venir à Paris, afin de lui apprendre l'orfévrerie. Lorsque le même saint eut été élu évêque de Noyon, il éleva son disciple au sacerdoce, et le chargea de prêcher l'Evangile à Tournai et dans d'autres lieux des Pays-Bas. Théau revint à Solignac après la mort de S. Eloi, et alia se renfermer dans une solitude voisine de l'abbaye, cù il retraça la vie des Antoine et des Macaire, par sa simplicité, sa ferveur et ses austérités. Il y mourut vers l'an 702, à l'âge de quatre-vingt-quatorze ans. Il s'est fait plusieurs miracles par la vertu de ses reliques. Son nom est fort célèbre dans les calendriers français et flamands, quoiqu'il ne se trouve point dans le romain. Les habitans du comté d'Ysenghien, près de Courtrai, l'honorent comme leur apôtre. Il y a dans la Flandre, l'Auvergne, le Limousin, etc., plusieurs églises consacrées à Dieu sous l'invocation de S. Théau.

On trouve dans Bollandus une vie de S. Théau, mais qui n'est pas authentique en tout. Celle que le P. Mabillon a donnée d'après le Bréviaire de Solignac, mérite plus de créance. Voyez Mabillon, sec. 2; Bened. p. 996; Bulteau, Hist. de S. Benoit, tom. 1. l. c. 16; Molan, in. Natal. sanctor. Belgü, etc.

S. CEDDE, ÉVÊQUE DE LONDRES.

Ce saint était frère de S. Chad, évêque de Litchfield, du saint prêtre Célin et de Cimbert, qui tous travaillèrent avez zèle à la conversion des Anglo-Saxons, leurs compatriotes. Il se retira dans le monastère de Lindisfarne, où il vécut long-temps inconnu au monde dans la pratique de toutes les vertus. Son éminente sainteté l'ayant fait juger digne du sacerdoce, il fut ordonné prêtre.

a En latin, Thillo, Tillonius, Tilmannus. Il est honoré en Flandre sous le nom de Tilloine, Thielman ou Tilman.

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