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Nous adorons tous les vérités dont S. Apollinaire prit la défense. Nous professons la même foi que lui : peut-être même aimons-nous à nous persuader que nous aurions le courage de la confesser aux dépens de ce que nous avons de plus cher. Mais comment allier notre créance avec si peu de zèle à pratiquer la vertu, avec une ardeur si vive pour les choses de la terre, avec toutes ces réserves dans le sacrifice de nos passions? D'où vient que la pensée de Dieu et du ciel, de l'enfer et de l'éternité, fait sur nous de si faibles impressions? Ah! c'est que nous ne méditons point assez ces grandes vérités; comme nous n'y arrêtons notre esprit qu'en passant, devons-nous être surpris qu'elles ne fassent qu'effleurer nos âmes, sans y laisser de traces profondes? Ayons soin de les méditer sérieusement, et nous verrons naître dans nos cœurs de vifs sentimens d'amour et de crainte. Est-ce que l'expérience ne nous a point encore appris que les objets, et surtout les objets qui ne tombent pas sous les sens, nous affectent médiocrement, à moins que nous n'y revenions souvent par la réflexion? Il faut que nous soyons bien ennemis de nous-mêmes, pour ne pas apercevoir le tort que nous nous faisons, en ne donnant qu'une attention superficielle aux vérités de notre sainte religion. Notre foi ne servira qu'à aggraver notre condamnation, si la charité ne la rend active. Or le moyen de parvenir à cette foi vive, qui opère par la charité, c'est de recourir fréquemment à l'exercice de la méditation, et de creuser de plus en plus les vérités évangéliques, afin d'y trouver cette manne céleste qui nourrit les affections de l'âme. Les gens du monde regardent la méditation comme une pratique de surérogation: mais les saints de tous les siècles en ont jugé bien autrement ; elle leur a paru d'une obligation indispensable pour ceux qui voulaient faire leur salut : aussi étaient-ils très-exacts à ce pieux exercice; et c'était pour y vaquer avec plus de liberté et de fruit, qu'ils cherchaient la retraite en se dérobant au tumulte du monde, autant que les devoirs de leur état le leur permettaient.

S. SÉVERIN, ABBÉ ET APOTRE DE LA NORIQUE a.

Tiré de sa vie, par Eugippe, son disciple, qui avait été présent a sa mort. Voyez Tillemont, tom. 16, p. 168; Lambécius, Bibl. Vendob. tom. 1, p. 28, et Bollandus.

L'AN 582.

On ne connaît point la patrie de S. Séverin. On jugeait cependant, à la pureté avec laquelle il parlait la langue latine, qu'il était

L'ancienne Norique comprenait une grande partie de l'Autriche et du Tyra!.

romain. On n'est pas plus instruit de sa famille, qu'il cacha toujours avec un soin extrême. Le refus constant qu'il fit de répondre à ceux qui le questionnaient sur ce sujet a été regardé comme une preuve de son humilité; ce qui porterait à croire que ses parens étaient illustres selon le monde. Embrasé de zèle pour la gloire de Dieu, il quitta les déserts de l'Orient, où il avait passé les premières années de sa vie, afin d'aller prêcher l'Evangile aux peuples du Nord. Il commença par la ville d'Astures, où il trouva un endurcissement affreux dans le péché. Le peu de succès de son zèle lui inspira la résolution de se retirer à Comagènes ; mais, avant son départ, il prédit à ceux d'Astures qu'ils éprouveraient les effets de la vengeance divine. Effectivement, les Huns prirent cette ville, et en passèrent les habitans au fil de l'épée. L'accomplissement de cette prophétie, joint à plusieurs miracles, rendit le nom du saint fort célèbre.

La ville de Favianes 2, étant affligée d'une cruelle famine, implora le secours de Séverin. Sa première réponse fut qu'il fallait désarmer le bras de Dieu par de dignes fruits de pénitence. Il parla sur ce sujet avec tant de force, qu'une femme riche et avare qui avait amassé une quantité immense de provisions, les distribua aux pauvres, afin d'expier au moins par là le plus infàme des vices. l'eu de temps après son arrivée, l'Ens et le Danube devinrent navigables; ce qui ramena bientôt l'abondance dans la ville. Une autre fois le saint chassa, par la vertu de ses prières, une multitude effroyable de sauterelles qui allaient faire périr les fruits et les moissons. Mais, quoiqu'il eût le don des miracles, il ne voulut point guérir un mal d'yeux qui causait des douleurs très-vives à Bonose, le plus cher de ses disciples: il craignait de lui ravir un moyen de se sanctifier, en le délivrant d'une épreuve par laquelle Dieu perfectionnait sa vertu.

Les discours que cet homme apostolique faisait au peuple produisaient les plus merveilleux effets. On ne pouvait l'entendre sans concevoir une vive horreur du péché, et sans se sentir porté à servir Dieu avec une grande ferveur. On le regardait comme un ange que le ciel, dans sa miséricorde, avait envoyé à la terre; et les sentimens de vénération que l'on avait pour lui augmentaient encore, lorsqu'on le voyait guérir les malades, racheter les captifs, soulager les opprimés, assister les pauvres, écarter les fléaux publics, porter, en un mot, la bénédiction dans tous les lieux qu'il honorait de sa présence. Plusieurs villes le demandèrent pour

a Anjourd'hui Stockeraw, au-dessus de Vienne.

b Aujourd'hui Haynbourg, à l'occident et à huit lieues de Vienne. Le sac d'Astures arriva peu de temps après la mort d'Attila:

d Sur le Danube, à vingt lieues de Vienne.

TOME I.

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évêque; mais il ne voulut jamais se rendre à leurs instances. N'est-ce pas assez, leur disait-il, que j'aie quitté ma chère solitude, » pour venir ici vous instruire et vous consoler? » Il fonda plusieurs monastères ", sans avoir cependant de demeure fixe dans aucun d'eux. Souvent il allait s'enfermer dans un ermitage écarté, où il n'avait de commerce qu'avec Dieu. Il ne mangeait tous les jours qu'après le coucher du soleil, excepté dans les grandes fêtes. Il redoublait ses austérités en carême, ne faisant alors qu'un repas la semaine, Un cilice étendu sur la terre lui servait de lit. Il était rontinuellement nu-pieds, même dans la plus rigoureuse saison de l'année.

La réputation de sainteté dont il jouissait attira un grand concours de monde auprès de lui. Il fut visité par des rois et des princes barbares. On compte parmi ces derniers, Odoacre, roi des Hérules. Ce prince fut extrêmement frappé à la vue de la cellule du saint, laquelle était si basse, qu'il ne put s'y tenir debout. Séverin lui prédit que son expédition d'Italie serait heureuse, et que bientôt il ferait la conquête de ce pays. La prédiction ayant été vérifiée par l'événement, Odoacre écrivit au serviteur de Dieu une lettre fort honorable, dans laquelle il s'engageait à lui accorder tout ce qu'il demanderait. Séverin, à qui les dons de la grâce suffisaient, n'eut garde de rien demander pour lui-même ; il pria seulement le prince hérule de rappeler quelques exilés.

Enfin arriva le moment où le saint devait aller recevoir dans le ciel la récompense promise aux élus. Il fut attaqué d'une pleurésie le 5 janvier de l'an 482. Le quatrième jour de sa maladie, il demanda le saint Viatique; puis, ayant fait le signe de la croix, et dit avec le Psalmiste: Que tout esprit loue le Seigneur, il ferma les yeux et mourut tranquillement. Il avait prédit sa dernière heure long-temps auparavant.

Six ans après, les disciples de S. Séverin furent obligés de prendre la fuite pour se soustraire à la fureur des Barbares. Ils emportèrent avec eux le corps de leur bienheureux père, et le mirent dans le château de Lucullano, près de Naples. On y bâtit un monastère, dont Eugippe, auteur de la vie de S. Séverin, fut second abbé. En 910, on transporta le corps du saint à Naples, dans un monastère de Bénédictins qui porte son nom. On l'y voyait encore avant la révolution. Le Martyrologe romain fait mémoire de S. Séverin le 8 de janvier, ainsi que les autres Martyrologes.

Le saint dont nous célébrons la fête en ce jour faisait une es

a Le plus considérable était bâti sur le bord du Danube, et peu éloigné de Vienne.

time particulière de l'humilité, parce qu'il la regardait comme la base et l'essence de la perfection évangélique. C'est elle en effet qui commence et qui consomme le grand ouvrage de notre sanctification. Elle attire l'Esprit saint dans l'âme, et la prépare à recevoir les dons de la grâce avec l'infusion d'une charité parfaite. Elle éclaire l'entendement d'une vive lumière, à la lueur de laquelle on découvre de plus en plus, et les grandeurs de Dieu, et le néant des créatures. Nous comprenons alors que les mépris et les humiliations doivent être notre unique partage, et nous les souffrons non-seulement avec patience, mais même avec joie. Nous chérissons notre propre abjection, et nous aimons notre assujettissement à la volonté et à la correction des autres. Nous fuyons les applaudissemens et les louanges comme un poison subtil dont les atteintes sont d'autant plus dangereuses, qu'il agit d'une manière sourde et imperceptible. Loin de nous préférer au prochain, nous nous estimons inférieurs à toutes les creatures. On ne verra jamais un chrétien véritablement humble parler avantageusement de lui-même, ou affecter le langage de la modestie dans le dessein de s'attirer la réputation d'un homme humble. Toujours occupé de l'abîme de son néant, il rapporte à Dieu la gloire du bien qui est en lui; il ne se glorifie que dans ses infirmités; et, en même temps qu'il se complaît dans son abjection, il se réjouit que Dieu seul soit grand dans lui et dans toutes les créatures. Sont-elles bien communes ces âmes solidement établies dans l'humilité? Hélas! la plupart de ceux qui se disent disciples de Jésus-Christ ne connaissent point cette vertu. Ils s'imaginent pourtant qu'ils auront le ciel pour partage! Quel étrange aveuglement!

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S. LUCIEN, APOTRE DE BEAUVAIS.

Ce fut dans le troisième siècle que ce saint, venu de Rome dans les Gaules, y prêcha l'Evangile. Les uns le font disciple de S. Denys, évêque de Paris; les autres, de S. Quentin. Quoi qu'il en soit, il scella de son sang la doctrine qu'il annonçait. Il souffrit à Beauvais, vers l'an 290, sous Julien, vicaire ou même successeur de Rictius-Varus, préfet des Gaules. Julien et Maximien ", compagnons de ses travaux, avaient été martyrisés dans la même ville quelque temps auparavant. Nous lisons dans la Vie de S. Eloi, par S. Ouen, qu'on découvrit les corps de ces trois martyrs dans le sepa Le Bréviaire de Beauvais l'appelle Maxien, et le peuple Massien.

tième siècle: on les gardait à l'abbaye de Saint-Lucien-lès-Beauvais, dans trois châsses enrichies d'or. Raban Maur dit que ces reliques étaient célèbres dans le neuvième siècle par les miracles que leur vertu opérait. S. Lucien n'a que le titre de martyr dans la plupart des calendriers antérieurs au seizième siècle, dans le Martyrologe romain et dans le calendrier des Protestans anglais ; ce qui a fait conjecturer qu'il était simple prêtre. Mais un calendrier du temps de Louis le Débonnaire le qualifie évêque, et il est honoré à Beauvais sous ce titre.

Bollandus a publié, p. 640, deux différentes Vies de S. Lucien, dont l'une est du neuvième, et l'autre du dixième siècle. Elles méritent toutes deux peu de créance. Voyez Tillemont, tom. 4, p. 537; Loisel et Louvet, Hist. de Beauvais, p. 76.

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CE saint homme était très-versé dans la connaissance des lettres sacrées et profanes. Persuadé que la culture de la terre s'alliait parfaitement avec la vie contemplative, il y consacra tous les momens qu'il ne passait pas dans l'exercice actuel de la prière. Il était si intérieur, qu'au milieu même de son travail, il ne perdait jamais de vue la présence de Dieu. Un pélerinage qu'il fit à Rome l'ayant fait connaître au pape, il l'élut évêque d'Aberdeen. La conduite que mena Nathalan justifia ce choix. Des aumônes immenses le firent regarder à juste titre comme le père des pauvres. Son genre de vie était fort dur, et, à l'exemple du grand apôtre, il ne subsistait que du travail de ses mains. L'Ecosse, qui le compte parmi ses apôtres, fut préservée par ses soins du venin du pélagianisme. Il mourut en 452, et fut enterré dans l'église de Tullicht-Bothelim qu'il avait fondée, ainsi que celle de Hill. Ses reliques, célèbres par un grand nombre de miracles, y ont été vénérées jusqu'à l'établissement de la prétendue réforme ".

1 Spicil. tom. 10, p. 130.

a Cette abbaye paraît avoir été fondée par le roi Childebert, vers l'an 540. Elle avait été rebâtie et enrichie au commencement du huitième siècle. Elle appartenait aux Bénédictins de la congrégation de Saint-Maur. La dévotion attirait dans l'église de cette abbaye un grand concours de peuple, qui y venait honorer S. Lucien, dont le corps, renfermé dans une très-belle châsse, était au haut du grand autel. Ces reliques furent dispersées pendant la révo Jution. On conservait dans le trésor de la même église beaucoup d'autres rcliques fort précieuses et fort anciennes.

On dit que S. Nathalan faisait sa résidence ordinaire à Tullicht, aujourd'hui dans le diocèse d'Aberdeen. Ce siége n'avait point de lieu fixe dans les anciens temps dont nous parlons. S. Béan l'établit à Murthlac, dans le onzième siècle, et Nectan, son troisième successeur, le transféra à Aberdeen, sous le roi David. (oyez Hector Boetius, de Vit. Episc. Aberd., et Spotswood, l. 2, p. 101.)

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