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JULIE.

Dieu m'en garde, madame!

SCENE VIII.

LA COMTESSE, JULIE, ANDRÉE, apportant un verre d'eau, CRIQUET.

LA COMTESSE, à Andrée.

ALLEZ, impertinente, je bois avec une soucoupe. Je vous dis que vous m'alliez querir une soucoupe pour boire.

ANDRÉE.

Criquet, qu'est-ce que c'est qu'une soucoupe ?

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LA COMTESSE, à Andrée.

Vous pe grouillez pas.

ANDRÉE.

Nous ne savons tous deux, madame, ce que c'est qu'une soucoupe.

LA COMTESSE.

Apprenez que c'est une assiette sur laquelle on me t

le verre.

Tome VIII.

M

SCÈNE IX.

LA COMTESSE, JULIE.

LA COMTESSE.

VIVE Paris, pour être bien servie ! On vous entend là au moindre coup-d'œil.

SCÈNE X.

LA COMTESSE, JULIE; ANDRÉE, apportant un verre d'eau avec une assiette dessus; CRIQUET.

LA COMTESSE.

HÉ BIEN ! Vous ai-je dit comme cela, tête de boeuf! C'est dessous qu'il faut mettre l'assiette.

ANDRÉE.

Cela est bien aisé. (Andrée casse le verre en le posant sur l'assiette. )

LA COMTESSE.

Hé bien! ne voilà pas l'étourdie! En vérité, vous me paierez mon verre.

ANDRÉE.

Hé bien! Oui, madame! je le paierai.

LA COMTESSE.

Mais, voyez cette maladroite, cette bouvière, cette butorde, cette......

ANDRÉE, s'en allant.

Dame! madame ; si je le paie, je ne veux point être querellée.

LA COMTESSE.

Otez-vous de devant mes yeux.

SCENE XI.

LA COMTESSE, JULIE.

LA COMTESSE.

En vérité, madame, c'est une chose étrange que les petites villes ! On n'y sait point du tout son monde ; et je viens de faire deux ou trois visites, où ils ont pensé me désespérer par le peu de respect qu'il ren dent à ma qualité.

JULIE.

Où auroient-ils appris à vivre? Ils n'ont point fait de voyage à Paris.

LA COMTESSE.

Ils ne laisseroient pas de l'apprendre, s'ils vouloient écouter les personnes; mais le mal que j'y trouve, c'est qu'ils veulent en savoir autant que moi, qui ai été deux mois à Paris, et vu toute la cour.

JULIE.

Les sottes gens que voilà !

LA COMTESSE.

Il sont insupportables avec les impertinentes éga

lités dont ils traitent les gens. Car enfin il faut qu'il y ait de la subordination dans les choses et ce qui me met hors de moi, c'est qu'un gentilhomme de ville de deux jours ou de deux cents ans, aura l'effronterie de dire qu'il est aussi bien gentilhomme que feu monsieur mon mari, qui demeuroit à la campagne, qui avoit meute de chiens courans, et qui prenoit la qualité de comte dans tous les contrats qu'il passoit.

JULIE.

On sait bien mieux vivre à Paris dans ces hôtels dont la mémoire doit être si chère. Cet hôtel de Mouhy, madame, cet hôtel de Lyon,cet hôtel de Hollande, les agréables demeures que voilà !

LA COMTESSE.

Il est vrai qu'il y a bien de la différence de ces lieuxlà à tout ceci. On y voit venir du beau monde, qui ne marchande point à vous rendre tous le respect qu'on sauroit souhaiter. On ne se lève pas, si l'on veut, de dessus son siège; et lorsque l'on veut voir la revue ou le grand ballet de Psyché, on est servie à point nommé.

JULIE.

Je pense, madame, que, durant votre séjour

Paris, vous avez fait bien des conquêtes de qualité.

LA COMTESSE.

Vous pouvez bien croire, madame, que tout ce qui s'appelle les galans de la cour n'a pas manqué de venir à ma porte et de m'en conter ; et je garde dans ma

cassette de leurs billets qui peuvent faire voir quelles propositions j'ai refusées. Il n'est pas nécessaire de vous dire leurs noms; on sait ce qu'on veut dire par les galans de la cour.

JULIE.

Je m'étonne, madame, que, de tous ces grands noms que je devine, vous ayez pu redescendre à un monsieur Tibaudier le conseiller, et à un monsieur Harpin le receveur des tailles. La chute est grande, je vous l'avoue; car pour monsieur votre vicomte, quoique vicomte de province, c'est toujours un vicomte, et il peut faire un voyage à Paris, s'il n'en a point fait ; mais un conseiller et un receveur sont des amans un peu bien minces pour une grande comtesse comme

vous.

LA COMTESSE.

Ce sont gens qu'on ménage dans les provinces pour le besoin qu'on en peut avoir; ils servent au moins à remplir les vides de la galanterie, à faire nombre de soupirans ; et il est bon, madame, de ne pas laisser un amant seul maître du terrain, de peur que, faute de rivaux, son amour ne s'endorme sur trop de confiance.

JULIE.

Je vous avoue, madame, qu'il y a merveilleusement à profiter de tout ce que vous dites: c'est une école que votre conversation et j'y viens tous les jours attraper quelque chose.

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