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ANGÉLIQUE.

Non vraiment. Qui vous l'a dit à vous.

ARGAN.

Monsieur Purgon.

ANGÉLIQUE.

Est-ce que monsieur Purgon le connoit?

ARGAN.

La belle demande! Il faut bien qu'il le connoisse, puisque c'est son neveu.

ANGÉLIQUE.

Cléante, neveu de monsieur Purgon?

ARGAN.

Quel Cléante? Nous parlons de celui pour qui l'on t'a demandée en mariage.

Hé! oui.

ANGÉLIQUE.

ARGAN.

Hé bien! c'est le neuveu de monsieur Purgon, qui est fils de son beau-frère le médecin, monsieur Diafoirus; et ce fils s'appelle Thomas' Diafoirus, et non pas Cléante. Nous avons conclu ce mariage-là ce ma. tin, meur Purgon, monsieur Fleurant, et moi; et demain ce gendre prétendu me doit être amené par son père... Qu'est-ce, vous voilà toute ébaubie.

ANGÉLIQUE.

C'est, mon père, que je connois que vous avez

parlé d'une personne, et que j'ai entendu une autre.

TOINETTE.

Quoi! monsieur, vous vous auriez fait ce dessein burlesque ? et, avec tout le bien que vous avez, vous voudriez marier votre fille avec un médecin ?

ARGAN.

Oui. De quoi te mêles-tu, coquine, impudente, que tu es?

TOINETTE.

Mon dien tout doux. Vous allez d'abord aux invectives. Est-ce que nous ne pouvons pas raisonner ensemble sans nous emporter? Là, parlons de sang froid. Quelle est votre raison s'il vous plaît, pour un tel mariage?

ARGAN.

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Ma raison est que, me voyant infirme et malade comme je suis, je veux me faire un gendre et des alliés médecins, afin de m'appuyer de bons secours contre ma maladie, d'avoir dans ma famille les sources des remèdes qui me sont nécessaires, et d'être à même des consultations et des ordonnances.

TOINETTE.

Hé bien! voilà dire une raison; et il y a plaisir à se répondre doucement les uns aux autres. Mais, mon sieur, mettez la main à la conscience: est-ce que vous êtes malade?

ARGAN.

Comment, coquine! si je suis malade! Si je suis malade, impudente?

TOINETTE.

Hé bien! oui, monsieur, vous êtes malade; n'ayons point de querelle là-dessus. Oui, vous êtes fort maade, j'en demeure d'accord, et plus malade que vous ne pensez; voilà qui est fait. Mais votre fille doit épo user un mari pour elle; et, n'étant point malade, il n'est pas nécessaire de lui donner un médecin.

ARGAN.

C'est pour moi que je lui donne se médecin ; et une fille de bon naturel doit être ravie d'épouser ce qui est utile à la santé de son père.

ΤΟΙΝΕΤΤΕ.

Ma foi, monsieur, voulez-vous qu'en amie je vous donne un conseil?

Quel est-il ce conseil?

ARGAN.

TOINETTE.

De ne point songer à ce mariage-là.

Et la raison ?

ARGAN.

TOINETTE.

La raison, c'est que votre fille n'y consentira point.

ARGAN.

Elle n'y consentira point?

TOINETTE.

Non.

ARGAN.

Ma fille ?

TOINETTE.

Votre fille. Elle vous dira qu'elle n'a que faire de monsieur Diafoirus, ni de son fils Thomas Diafoirus, ni de tous les Diafoirus du monde.

ARGAN.

J'en ai affaire, moi, outre que le parti est plus avantageux qu'on ne pense: monsieur Diafoirus n'a que ce fils-là pour tout héritier; et, de plus, monsieur Purgon, qui n'a ni femme ni enfants, lui donne tout son bien en faveur de ce mariage; et monsieur Purgon est un homme qui a huit mille livres de rente.

TOINETTE.

Il faut qu'il ait tué bien des gens, pour s'être fait si riche.

ARGAN.

Huit mille livres de rente sont quelque chose, sans compter le bien du père.

TOINETTE.

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Monsieur, tout cela est bel et bon mais j'en re viens toujours là; je vous conseille, entre nous, de

lui choisir un autre mari; et elle n'est point faite être madame Diafoirus.

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pour

Et pourquoi ne le dirois-je pas?

TOINETTE.

On dira que vous ne songez pas à ce que vous

dites.

ARGAN.

On dira ce qu'on voudra; mais je vous dis que je vœux qu'elle exécute la parole que j'ai donnée.

TOINETTE.

Non, je suis sûre qu'elle ne le feras pas.

ARGAN.

Je l'y forcerai bien,

TOINETTE.

Elle ne le fera pas, vous dis-je.

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