Et c'est d'un autre objet qué son cœur est épris. ARISTE. Vous raillez. Ce n'est pas Henriette qu'il aime ? Vous me voyez, ma sœur, char gé par lui D'en faire la demande à son père aujourd'hui. BÉLISE. Fort bien ! ARISTE. Et son amour même m'a fait instance De presser les momens d'une telle alliance. BÉLISE. Encor mieux, On ne peut tromper plus galamment. Henriette, entre nous est un amusement, Un voile ingénieux, un prétexte, mon frère, ARISTE. Mais, puisque vous savez tant de choses, ma sœur, Dites-nous, s'il vous plait, cet autre objet qu'il aime. BÉLISE. Vous le voulez savoir? ARISTE. Oui. Quoi BÉLISE. Moi. ARISTE. Vous ? BÉLISE. Moi-même. ARISTE. Hai, ma sœur ! BÉLISE. Qu'est-ce donc que veut dire ce hai? Et qu'a de surprenant le discours que je fai? On est faite d'un air, je pense à pouvoir dire Aucun n'a pris cette licence; Il m'ont su révérer si fort jusqu'à ce jour, Qu'ils ne m'ont jamais dit un mot de leur amour. Mais, pour m'offrir leur cœur, et vouer leur service, Les muels truchemens ont tous fait leur office. ARISTE. On ne voit presque point céans venir Damis. C'est pour me faire voir un respect plus soumis. ARISTE. De mots piquans partout Dorante vous outrage. BÉLISE. Ce sont emportemens d'une jalouse rage. ARISTE. Cléonte et Lycidas ont pris femme tous deux. BÉLISE. C'est par un désespoir où j'ai réduit leurs feux. ARISTE. Ma foi, ma chère soeur vision toute claire. CHRYSALE, à Bélise. De ces chimères-là vous devez vous défaire. BÉLISE. Ah! chimères ! Ce sont des chimères, dit-on. Chimères, moi! Vraiment, chimères est fort bon. Je me réjouis fort de chimères, mes frères; Et je ne savois pas que j'eusse des chimères. SCENE I V. CHRYSALE, ARISTE. CHRYSALE. NOTRE soeur est folle, oui. ARISTE. Cela croît tous les jours. Mais, encore une fois, reprenons le discours. CHRYSALE. Faut-il le demander? J'y consens de bon coeur ARISTE. Vous savez que de biens il n'a pas l'abondance, CHRYSALE. C'est un intérêt qui n'est pas d'importance; Il est riche en vertus, cela vaut des trésors: Et puis, ‚son père et moi n'étions qu'un en deux corps. ARISTE. Parlons à votre femme, et voyons à la rendre CHRYSALE. Il suffit je l'accepte pour gendre. Tome VIII. ARISTE. Oui; mais pour appuyer votre consentement, CHRYSALE. Vous moquez-vous ? il n'est pas nécessaire. Je réponds de ma femme, et prends sur moi l'affaire. Mais... ARISTE. CHRYSALE. Laissez faire, dis-je, et n'appréhendez pas. Je la vais disposer aux choses, de ce pas. ARISTE. Soit. Je vais là-dessus sonder votre Henriette, CHRYSALE. C'est une affaire faite; Et je vais à ma femme en parler sans délai. SCENE V. CHRYSALE, MARTINE. MARTINE. ME voilà bien chanceuse ! Hélas, l'an dit bien vrai, Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage; Et service d'autrui n'est pas un héritage. |