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En vous le produisant je ne crains point le blâme
D'avoir admis chez vous un profane, madame.
Il peut tenir son coin parmi de beaux esprits.

PHILAMINTE.

La main qui le présente en dit assez le prix.

TRISSOTIN.

Il a des vieux auteurs la pleine intelligence,
Et sait du grec, madame, autant qu'homme de France.
PHILAMINTE, à Bélise.

Du grec! ô ciel! du grec! il sait du grec, ma sœur!
BÉLISE, à Armande.

Ah, ma nièce, du grec!

ARMANDE.

Du grec ! quelle douceur !

PHILAMINTE.

Quoi! monsieur sait du grec! Ah! permettez, de grâce, Que, pour l'amour du grec, monsieur, on vous embrasse (Fadius embrasse aussi Bélise et Armande.) HENRIETTE, à Vadius qui veut aussi l'embrasser. Excusez-moi, monsieur, je n'entends pas le

(Il s'asseyent.)

THILAMINTE.

grec.

J'ai pour les livres grecs un merveilleux respect.

VADIUS.

Je crains d'être fâcheux par l'ardeur qui m'engage

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A vous rendre aujourd'hui, madame, mon hommage; Et j'aurai pu troubler quelque docte entretien...

PHILAMINTE.

Monsieur, avec du grec on ne peut gåter rien.

TRISSOTIN.

Au reste, il fait merveille en vers,

ainsi qu'en prose,

Et pourroit, s'il vouloit, vous montrer quelque chose.

VADIUS.

Le défaut des auteurs dans leurs productions,
C'est d'en tyranniser les conversations ;

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D'être au palais, au cours, aux ruelles aux tables,
De leurs vers fatigans lecteurs infatigables.
Pour moi, je ne vois rien de plus sot à mon sens
Qu'un auteur qui partout va gucuser des encens ;
Qui, des premiers venus saississant les oreilles,
En fait le plus souvent les martyrs de ses veilles.
On ne m'a jamais vu ce fol entêtement;
Et d'un Grec là-dessus je suis le sentiment,
Qui, par un dogme exprès défend à tous ses sages
L'indigne empressement de lire leurs ouvrages.
Voici de petits vers pour de jeunes amans,
Sur quoi je voudrois bien avoir vos sentimens.

TRISSOTIN.

Vos vers ont des beautés que n'ont point tous les autres.

VADIUS.

Les Gråces et Vénus règuent dans tous les vôtres.

TRISSOTIN.

Vous avez le tour libre et le beau choix des mots.

VADIUS.

On voit partout chez vous l'ithos et le pathos.

TRISSOTIN.

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Nous avons vu de vous des églogues d'un style
Qui passe en doux attraits Théocrite et Virgile.

VADIUS.

Vos odes ont un air noble, galant et doux,
Qui laisse de bien loin votre Horace après vous.

TRISSOTIN.

Est-il rien d'amoureux comme vos chansonneltes ?

VADIUS

Peut-on voir rien d'égal aux sonnets que vous faites?

TRISSOTIN.

Rien qui soit plus charmant que vos petits rondeaux ?

VADIUS.

Rien de si plein d'esprit que tous vos madrigaux ?

TRISSOTIN.

Aux ballades surtout vous êtes admirable.

VADIUS.

Et dans les bouts rimés je vous trouve adorable.

TRISSOTIN.

Si la France pouvoit connoître votre prix,

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VADIUS.

Si le siècle rendoit justice aux beaux esprits,

TRISSOTIN.

En carrosse doré vous iriez par les rues.

VADIUS.

On verroit le public vous dresser des statues.
(A Trissotin.)

Hom! c'est une ballade, et je veux que tout net.
Vous m'en...

TRISSOTIN, à Vadius.

Avez-vous vu certain petit sonnet Sur la fièvre qui tient la princesse Uranie?

VADIUS.

Oui. Hier il me fut lu dans une compagnie.

TRISSOTIN.

Vous en savez l'auteur?

VADIUS.

Non; mais je sais fort bien

Qu'à ne le point flatter, son sonnet ne vaut rien.

TRISSOTIN.

Beaucoup de gens pourtant le trouvent admirable.

VADIUS.

Cela n'empêche pas qu'il ne soit misérable;
Et, si vous l'avez yu, vous serez de mon goût.

TRISSOTIN.

Je sais que là-dessus je n'en suis point du tout,
Et que d'un tel sonnet peu de gens sont capables.

VADIUS.

Me préserve le ciel d'en faire de semblables!

TRISSOTIN.

Je soutiens qu'on ne peut en faire de meilleur ;
Et ma grande raison est que j'en suis l'auteur.

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C'est qu'on fut malheureux de ne pouvoir vous plaire.

VADIUS.

Il faut qu'en écoutant j'aie eu l'esprit distrait,
Ou bien que le lecteur m'ait gâté le sonuet.
Mais laissons ce discours, et voyons ma ballade.

TRISSOTIN.

La ballade, à mon goût, est une chose fade;
Ce n'en est plus la mode, elle sent son vieux temps.

VADIUS.

La ballade pourtant charme beaucoup de gens.

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