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Comme ils n'ont plus de sceptre, ils n'ont plus de flatteurs;

Et tombent avec eux, d'une chute commune,
Tous ceux que leur fortune

Faisoit leurs serviteurs.

Ode à Louis XIII,

MARCHANT CONTRE LES HABITANTS DE LA ROCHELLE.

Donc un nouveau labeur à tes armes s'apprête!
Prends ta foudre, Louis, et va, comme un lion,
Donner le dernier coup à la dernière tête
De la rébellion.

Certes, ou je me trompe, ou déjà la Victoire
Qui son plus grand honneur de tes armes attend,
Est aux bords de Charente en son habit de gloire,
Pour te rendre content.

Je la vois qui t'appelle, et qui semble te dire : « Roi, le plus grand des rois, et qui m'es le plus cher, Si tu veux que je t'aide à sauver ton empire,

Il est temps de marcher. >>

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Que sa façon est brave et sa mine assurée!
Qu'elle a fait richement son armure étoffer!
Et qu'il se connoît bien, à la voir si parée,
Que tu vas triompher!

1 Mine et étoffer sont des mots prosaïques.

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Telle en ce grand assaut, où des fils de la terre
La rage ambitieuse à leur honte parut,

1

Elle sauva le ciel, et rua 1 le tonnerre

Dont Briare mourut.

Déjà de tous côtés s'avançoient les approches :
Ici couroit Mimas; là Typhon se battoit;

Et là suoit Euryte à détacher les roches

Qu'Encelade jetoit.

Ces colosses d'orgueil furent tous mis en poudre,
Et tous couverts des monts qu'ils avoient arrachés :
Phlègre qui les reçut pue 2 encore la foudre
Dont ils furent touchés.

L'exemple de leur race à jamais abolie
Devoit sous ta merci tes rebelles ployer
Mais seroit-ce raison qu'une même folie
N'eût pas même loyer?

Par cet exploit fatal, en tous lieux va renaître
La bonne opinion des courages françois;
Et le monde croira, s'il doit avoir un maître,
Qu'il faut que tu le sois.

Oh! que pour avoir part en si belle aventure
Je me souhaiterois la fortune d'Éson,

Qui, vieil3 comme je suis, revint contre nature
En sa jeune saison!

1 Rua est mis pour lança.

2 Pue est un mot bas.

3 On dit vieux devant une consonne.

De quel péril extrême est la guerre suivie,
Où je ne fisse voir que tout l'or du Levant
N'a rien que je compare aux honneurs d'une vie
Perdue en te servant?

Toutes les autres morts n'ont mérite ni marque:
Celle-ci porte seule un éclat radieux,

Qui fait revivre l'homme, et le met de la barque
A la table des dieux.

Mais quoi! tous les pensers dont les âmes bien nées
Excitent leur valeur et flattent leur devoir,
Que sont-ce que regrets, quand le nombre d'années1
Leur ôte le pouvoir?

Ceux à qui la chaleur ne bout plus dans les veines
En vain dans les combats ont des soins diligents :
Mars est comme l'Amour: ses travaux et ses peines
Veulent des jeunes gens.

Je suis vaincu du temps; je cède à ses outrages :
Mon esprit seulement, exempt de sa rigueur,
A de quoi témoigner en ses derniers ouvrages
Sa première vigueur.

Les puissantes faveurs dont Parnasse m'honore,
Non loin de mon berceau commencèrent leur cours;
Je les possédai jeune, et les possède encore

A la fin de mes jours.

1 On dit le nombre des années.

Ce que j'en ai reçu, je veux te le produire :
Tu verras mon adresse; et ton front cette fois
Sera ceint de rayons qu'on ne vit jamais luire
Sur la tête des rois.

Soit que de tes lauriers ma lyre s'entretienne,
Soit que de tes bontés je la fasse parler,
Quel rival assez vain prétendra que la sienne
Ait de quoi m'égaler ?

Le fameux Amphion, dont la voix nompareille,
Bâtissant une ville, étonna l'univers,

Quelque bruit qu'il ait eu, n'a point fait de merveille
Que ne fassent mes vers.

Par eux, de tes beaux faits la terre sera pleine;
Et les peuples du Nil qui les auront ouïs
Donneront de l'encens, comme ceux de la Seine,
Aux autels de Louis 2.

1 Bruit est mis pour renommée.

2 Cette ode est une des plus belles de notre langue, quoiqu'on y remarque quelques expressions incorrectes, prosaïques ou basses. La limite entre le langage de la prose et celui de la poésie n'était pas encore bien fixée.

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