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ANTIOCHUS.

Et tes frères enfin, tes frères... en quels lieux

Se cachent-ils?

MIZAEL.

Ainsi n'ont point fait leurs aïeux :
Mais Sion n'a plus rien de sa grandeur passée;
L'Assyrien insulte à sa gloire éclipsée,

Et son peuple, d'opprobre et de cendre couvert,
D'un trop long châtiment va pleurer au désert.

ANTIOCHUS.

Fils d'Onias, pourquoi, nés d'une illustre race,
Tes frères dans ma cour dédaignent-ils leur place?
Des remparts de Sion qui les a repoussés?
Indique leur retraite à mes vœux empressés,

Et du fond de l'exil retirant leur misère...

MIZAEL.

Quoi! vos mains essuîraient les larmes de ma mère !... Oh! si dans vos discours j'osais me confier...

Éléazar, Seigneur, peut vous justifier;

Qu'il vienne, et sur mes pas mes frères...

ANTIOCHUS.

Sois docile

Aux ordres de ton roi; nomme-moi leur asile...
En me le révélant tu sers leurs intérêts;
Car on les a trompés sur mes desseins secrets.
Qu'ils viennent ressaisir leur antique héritage;
Mes faveurs aussitôt deviendront leur partage.
Eh bien !

MIZAEL.

Nos livres saints l'ont dit, et je le crois :

Dieu lui-même promet par la bouche des rois.
Vous ne sauriez tromper un enfant qui supplie;
Béni soit le Seigneur qui nous réconcilie!
Mes frères à vos yeux devraient-ils se cacher?
J'irai vers Galaad moi-même les chercher.
Hébron leur a prêté sa grotte solitaire :

Les cendres d'Abraham consacrent cette terre ;
Là repose Jacob à côté de Rachel;

Là mes frères, traînant les restes d'Israël,

Et troublant de leurs pleurs ces voûtes solennelles,
Se sont mêlés vivants aux ombres paternelles.
Que dis-je? dès demain, par ma mère conduits,
Dans nos remparts sans doute ils seront introduits.
Voici venir le jour où la ville sacrée

Renouvelle avec Dieu l'alliance jurée,

Où les Hébreux, armés du bâton voyageur,
Viennent sous le cilice au banquet du Seigneur ;
Et dans le temple, orné pour la cérémonie,
Ma famille en secret doit être réunie.

ANTIOCHUS.

Dans le temple?

MIZAEL.

En secret.

ANTIOCHUS.

Mais quel asile enfin

A mes vœux maintenant dérobe leur destin?

MIZAEL.

En attendant la nuit, au malheur favorable,
Ils ont cherché sans doute un abri secourable

Au sein de ces rochers voisins de nos remparts,

Qu'environnent de deuil quelques tombeaux épars;

Où du fils d'Helcias la cithare attendrie

Prédit, pleura longtemps les maux de la patrie.

Il suffit.

ANTIOCHUS.

MIZA EL.

Vous savez de quels grands châtiments Dieu peut frapper un roi qui trahit ses serments. Douter de votre foi serait vous faire outrage.

ANTIOCHUS.

Ce jour même rendra ta mère à ton jeune âge.
Rentre dans mon palais.

MIZAEL.

Auprès d'Éléazar?

ANTIOCHUS.

Qu'importe à ton bonheur cet austère vieillard?
Ici d'autres plaisirs attendent ta jeunesse.

(A ses gardes.)

Qu'à remplir tous ses vœux chacun de vous s'empresse. Allez.

MIZAEL.

Dieu tout-puissant, d'où vient que je frémis?

N'est-il donc point de joie avec tes ennemis?

(LES MACHABEES, acte Ier, scèn III.

P. LEBRUN.

(1785.)

M. Pierre Lebrun est né à Paris. A douze ans, il fit une tragédie de Coriolan. A vingt, il écrivit une Ode à la grande armée, qu'on attribua à son homonyme, Écouchard-Lebrun, et qui lui valut une pension. Deux ans après, il célébra la mort de ce rival jaloux dans une ode qui rappelle celle de Lefranc de Pompignan sur J. B. Rousseau. Depuis, M. Lebrun a publié trois tragédies: Ulysse, où l'on remarque de douces réminiscences d'Homère; Marie Stuart, imitée de Schiller, qui a obtenu un immense succès; le Cid d'Andalousie, qui a été moins heureuse, mais qui se distingue par une versification d'une douceur presque racinienne; un poëme lyrique sur Napoléon, plein d'harmonie et d'émotion; un poëme sur la Grèce, dont la poésie est souvent sereine comme le ciel qu'elle dépeint; des poésies diverses, etc.

Le Vaisseau.

ODE.

Je vois aux plaines de Neptune
Un vaisseau brillant de beauté,
Qui, dans sa superbe fortune,
Va d'un pôle à l'autre porté.
De voiles au loin ondoyantes,
De banderoles éclatantes
Il se couronne dans les airs,
Et seul, sur l'h umide domaine,
Avec orgueil il se promène,
Et dit je suis le roi des mers.

Des lieux où l'onde sarmatique
Frappe des rivages glacés,
Aux lieux où le pied de l'Afrique
Repousse les flots courroucés,
Et des magnifiques contrées
Que nos pères ont ignorées
Aux lointains et fertiles bords
Où la vieille nature étale,
Avec sa pompe orientale,
Toute sa gloire et ses trésors,

Il porte sa vaste espérance. Héritier des peuples divers, Il recueille en sa route immense Les richesses de l'univers. Il va chercher l'or au Potose, Aux champs que l'Amazone arrose, Et jusques au berceau du jour; Et se pare au milieu de l'onde Des riches tributs de Golconde, Du Bengale et du Visapour.

Cependant la mer azurée, Sans vagues et sans aquilons, Réfléchit sa poupe dorée Et l'éclat de ses pavillons. Ses matelots, vêtus de soie, Sous un ciel pur boivent la joie, Et chantent leur prospérité,

Tandis que, renversant sa coupe,

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