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avec fa conscience, croyoit rendre de grands fervices à l'humanité, & furtout à l'innocence opprimée, difoit il, par la loi ou la corruption de fes miniftres: on l'arrêta, néanmoins, on trouva fur lui tous les arrêts de ceux qu'il avoit égorgés, & il fut puni de fes forfaits.

tems,

On pourroit rappeller encore ici l'histoire du vieux de la Montagne, & furtout celle de ce fameux Tribunal fecret qui fut pendant longla terreur de toute l'Allemagne. Un tribunal ignoré, dont les nombreux affociés avoient des fignes caractéristiques pour se reconnoître., s'affembloit en fecret, en quelque lieu que ce fût là, on condamnoit l'homme que la loi ne-pouvoit atteindre, ou qu'elle avoit puni foiblement & le lendemain le malheureux fe trouvoit égorgé ou empoisonné, fans qu'on pût deviner la main qui l'avoit frappé. On fe doute bien que ce tribunal redoutable devenoit le miniftre des vengeances particulieres, desi haines, des profcriptions, &c., &c. Nul n'étoit à l'abri de fon, joug terrible, & l'on n'avoit nul moyen de fe fouftraire à fa cruelle vigilance.

..

On n'auroit jamais pensé qu'on dût mettre un jour ces horreurs fur la fcene françoise, qu'on dût les louer, les, exagérer, & les faire fervir d'excufes à toutes les atrocités d'un brigand: c'eft pourtant ce qu'on vient de voir fur une des nouveaux théatres que la capitale à vu s'élever dans fon fein, fur le théatre du Marais, dans Robert Chef de brigands. fait hiftorique en 5 actes, en profe, & qui n'a pas produit tout l'effet qu'en attendoient ceux qui connoiffent le drame allemand de Schiller l'auteur françois n'a point tiré de fon fujet tout le parti dont il étoit fufceptible: il l'a gâté en quelque façon, de maniere que ce fujer eft encore à traiter. Voyons comment il

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a tracé fon plan, qu'il a calqué fur les principales données de l'ouvrage allemand, feulement en changeant tous les noms.

Maurice, frere de Robert, chef de brigands, a publié le bruit de la mort de fon pere, le comte de Morald, qu'il a fait renfermer dans une tour obscure. Maurice veut époufer Sophie, dont tous les vœux font pour fon frere. On annonce à ce traitre que fon château eft environné de brigands. Foible & lâche comme tous les fcélérats, il fait affembler fes vaffaux, en leur promettant de diminuer les fubfides, &c. Ces brigands font en effet campés dans la forêt voifine. Robert eft à leur tête : mais chef du Tribunal fecret, il croit fervir l'humanité, la vertu, en égorgeant tous ceux qui oppriment, ou qui ont opprimé. Pleins d'honneur & de probité, tous fes camarades ne font que des Tyrannicides, & l'un d'eux dit même, en laiffant tomber de fa taffe une goutte de vin: Je voudrois que ce fût là le fang du dernier tyran expreffions de mauvais goût, qui font affez communes dans cet ouvrage. On préfente à Robert un Candidat, Rozinski, qu'il admet, après un examen, dans fa compagnie. Un laboureur qu'on arrête, lui apprend qu'il n'eft qu'à deux pas du château du comte de Morald; que ce pere infortuné eft mort en regrettant fon fils aîné, &c. Robert fe rend, fous un nom fuppofé, au château. Il voir fa Sophie il reproche à Maurice fa cruauté. Celui-ci veut le faire arrêter; mais les brigands viennent fecourir leur chef. Maurice qui reconnoit fon frere, fe retire défefpéré, & Robert fait conduire Sophie chez un vieux laboureur du canton. Les brigands, rentrés dans leur forêt, font enveloppés par des troupes que la juftice envoie pour les arrêter. Un miniftre de la religion (dans l'Allemand,

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c'est un député du magiftrat de Prague) vient
les engager
à livrer leur chef. Robert vante à
ce miniftre les principes du Tribunal fecret;
il lui montre un rubis, un diamant, un éme-
raude, qui ont appartenu à un oppreffeur,
à un exacteur, à un corrupteur, &c. monftres
dont il a purgé la terre, à l'exemple d'Her-
cule.... Ses amis ne veulent point le livrer
& tous fe préparent à combattre les troupes
qui les inveftiffent, en s'écriant: La liberté ou
la mort! Nous avons vu avec peine le public
s'adapter ces expreffions, horribles dans la bou-
che des brigands, & qui ne peuvent pas être
comparées au cri de l'honneur & du noble
Courage d'un Peuple libre...

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Enfin Robert arrive, pendant la nuit, au pied d'une tour: là, accablé par fes remords il débite un long monologue fur la fatalité fur l'immortalité de l'ame & fur le fuicide : il eft prêt à s'arracher la vie, lorfqu'un homme qui fort de la tour frappe fon attention: c'est un fidele ferviteur qui porte toutes les nuits à manger à fon maître. Robert fait fortir le vieillard, c'eft fon pere c'eft le comte de Morald, qui bénit fon libérateur, fans fçavoir que c'eft fon fils. Robert ordonne qu'on lui amene Maurice: Maurice ne vit plus; il s'eft précipité du haut d'une tour: Sophie veut dégager Robert de fes fermens; les brigands s'y oppofent, & Robert, au comble du défefpoir s'enfonce un poignard dans le fein. Rozinfki, fe fait connoître alors pour fon cousin le comte de Briftol qui, touché de fes vertus cbtenu fa grace du fouverain: on emmene Robert mourant: on vient dire enfuite qu'il ya de l'efpoir pour les jours, & la piece finit là.

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Quoi qu'il foit aifé de voir que M. de Beaumarchais a confidérablement ajouté à cette pie

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ce, dont on a nommé l'auteur, M. de la MàrAteliere, il n'eft pas moins vrai qu'elle n'eft pas ce qu'elle devroit être. Le fujet principal eft étouffé par le mêlange du tribunal fecret, dont les principes féveres contraftent avec les remords de Robert & avec la dénomination de Brigand qu'il fe donne fans ceffe, ainfi qu'à fes camarades. Ces brigands-là font fi honnêtes, fi eftimables, que bien peu d'honnêtes gens pourroient fe flatter de les égaler. II falloit montrer les brigands comme l'auteur allemand, ou ne pas traiter ce fujet : il y a beaucoup plus de vérité & d'intérêt dans une charmante pantomime de l'ambigu-comique, intitulée La forêt noire ; & l'on en a auffi un - modele dans un opéra anglois de Gay, le fabulifte, dont le véritable titre eft: Les voleurs, mais qu'on connoît mieux fous celui de Gueux, nom qu'on lui a donné, parce que c'eft un Gueux, un mendiant, qui fait le prologue. Les caracteres de Maurice, de Sophie, du vieux pere, &c., font manqués; celui de Robert feul eft affez prononcé, encore l'auteur auroit-il pu lui donner plus d'effor, en le mertant en parallele avec Spiegelberg, perfonnage du drame allemand, qui pouvoit amener de belles fcenes. Le dénouement n'a pas paru non plus fatisfaisant en un mot, cet ouvrage eft manqué dans tous fes points, & s'il offre quelques beautés, illes doit à l'allemand dont elles font tirées. D'ailleurs fon but étoit déjà affez dangereux, d'après l'exemple que nous avons cité; & il le devient encore davantage en rendant tous les brigands vertueux. Il falloir que Robert le fut feul c'étoit-là le but & la morale du drame de Schiller. Quant au ftyle, s'il eft quelquefois ferme & vigoureux : il est le plus fouvent affecté, la lune argentoit les prairies, &c.) obfcur ou précieux,

Robert, en parlant de la mort d'un de fes camarades, dit: l'automne eft arrivé : déjà les plus beaux fruits, les feuilles même commencent a tomber fur la terre!... En général, les scenes de détails font affez bien coupées: celle qui tiennent à l'action, à l'intérêt, font froides & mal encadrées. Du refte, M. Baptifle a tiré le plus grand parti du rôle de Robert; & cette pięce a été mife avec beaucoup de foin.

THEATRE DE LA RUE FEYDEAU ci-devant de MONSIEUR.

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LES DEUX SUISSES ou L'AMOUR FILIAL, comédie en I ate, mêlée d'ariettes, a été donnée avec le plus grand fuccès fur ce théatre. Le fonds fimple, mais touchant de cette jolie piece, eft tiré d'un conte de Geffner, intitulé: La Jambe de bois. Armand, vieux Suiffe a bâti une cabane dans la plaine de Nefeld, fur le lieu même où, 37 ans auparavant, il s'eft trouvé à une bataille fanglante, & cù un inconnu lui a fauvé la vie. Armand a un fils, Felix, qui l'aime, & lui jure que fa ten reffe feule peut fuffire à fon bonheur. Une jeune fille égarée, demande un abri à Armand; elle a perda fon pere en route ce pere, Suiffe auffi, & qui a une jambe de bois, a coutume, tous les ans, d'aller en pélerinage à l'endroit où jadis il a fignalé fa valeur. Louife eft bientôt d'intelligence avec Félix: Armand, qui brûle de marier fon fils, les laiffe enfemble; puis il ordonne à Félix d'accompagner Louife qui va chercher fon pere, égaré fans doute auffi dans les montagnes. Enfin ce pere arrive feul: Germon, c'est un ancien camarade d'Armand, c'eft ce généreux inconnu qui lui fauvé la vie, & à qui cette bonne action

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