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Ce droit des Brames d'obtenir de l'adminiftration publique le refpect pour leurs opinions, n'étoit pas inconnu des anciens & dans quelques relations anciennes & encore fubfiftantes, des événemens qui fe font paffés dans l'Inde, on fait mention des princes, qui ayant violé les privileges des caftes, & meprifé les remontrances des Brames, furent dépofés & mis à mort par l'autorité de ceux-ci.

Les prêtres de notre Europe ne fe font pas plus endormis fur leurs prérogatives politiques que ceux de l'Inde. Quelques-uns fe font élevés aux deffus des rois & les ont foulés aux pieds, les autres fe font rendus leurs égaux, tous fe font mis a la tête des Nations & ont prétendu en former la premiere cafte; ils agitent le ciel & la terre pour faire égorger un grand peuple, qui a eu l'audace de les précipiter de ce haut rang fi cher à leur orgueil.

Mais revenons à M. Robertfon, & citons encore le morceau de fentiment par lequel il termine fon appendice. «Si je n'avois pour objet, dit-il, que de décrire le gouvernement civil, les arts, les fciences & les inftitutions religieufes d'une des races humaines les plus nombreuses & les plus anciennes du globe, cela feul' m'auroit conduit à des recherches utiles & curieufes. J'avoue cependant que j'ai eu toujours de vant les yeux un objet plus intéreffant &

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d'une plus grande importance; j'ai conçu l'efpérance que fi le tableau que je préfente de l'ancienne civilifation de l'Inde & des progrès merveilleux de fes habitans dans les arts agréables & dans les sciences utiles, paroiffoit fidele & conforme à la verité, il pourroit avoir quelque influence fur la conduite des Européens à l'égard de ces peuples....

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.... Il feroit à defirer que des quatre nations Européennes qui ont fucceffivement acquis de vaftes territoires & une grande puiflance dans l'Inde, quelqu'une put juftifier la maniere dont elle a exercée cet empire. Cependant fi quelque chofe peut avoir une tendance directe & puiffante à inspirer aux Européens, trop vains de leur fupériorité dans la police, les fciences & les arts, des fentimens juftes à l'égard des peuples de l'Inde & le respect qui eft du à leurs droits naturels, en leur qualité d'hommes, c'eft l'habitude qu'ils doivent avoir prife non feulement de regarder les Indiens modernes comme une race induftrieufe & intelligente, mais encore de les confidérer comme les defcendans d'un peuple ancien qui étoit parvenu à un degré furprenant de lumieres & de fageffe, plufieurs fiecles avant que la civilifation ait fait un feul pas dans aucune partie de l'Europe....!

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«Si je pouvois efperer que la defcription qu'on vient de lire des moeurs & des infti

tutions religieufes des peuples de PInde contribuât le moins du monde & par l'influence la plus éloignée, à rendre leur caractere plus refpectable & leur condition plus heureuse, je terminerois ma carriere littéraire avec la fatisfaction de penser que je n'aurois ni vécu, ni écrit fans avoir fait quelque bien ».

Un pareil vou fait autant d'honneur au coeur fenfible de M. Robertfon que cet ouvrage en fait à fon efprit par l'étendue de ses recherches, par l'érudition qu'il y a répandue fans confufion , par d'heureux développemens, enfin par des vues utiles au commerce & aux nations dont il fait la prospérité. Cette édition eft fur du beau papier, avec un très-beau caractere, foit dans le texte, foit dans les notes, nous voudrions en pouvoir dire autant de la correc tion.

Letters on the flave trade, &c. C'eft-à-dire, Lettres fur le commerce des efclaves & fur l'état des natifs de ces parties de l'Afrique qui font contigues aux Forts Louis & de Gorée ; écrites à Paris en Décembre 1789 & Janvier 1790. Par T. CLARKSON. In-4°. A Londres chez Philipps. 1791.

Es lettres contiennent les informations & les éclairciffemens que l'auteur a re

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us de M. de Villeneuve, aide-de-camp de M. le chevalier de Boufflers, ancien gouverneur de Gorée, & ceux qu'il s'eft procurés lui-même pendant un féjour de deux ans dans ces contrées. Les côtes fréquentées par les François pour le commerce des efclaves, & dont on trouve une carte jointe à ces lettres, s'étendent de l'embouchure de la riviere de Cambie jufqu'à celle de la riviere du Sénégal, qui limite ce diftrict au Nord. Elles renferment trois royaumes, Sallum, Sin & Cayor. Le premier & le dernier fourniffent chacun 200 efclaves, & Sin 100 feulement. La maniere la plus ufitée d'obtenir ces efclaves, & auffi la plus barbare, eft celle qu'on appelle le grand pillage. L'armée royale s'avance dans l'inté rieur des terres, attaque une ville & fe faifit de tous ceux qu'elle peut attraper. De cette maniere Sallum en fournit 120, Cayor autant, & Sin une quarantaine, en tout environ 280 des 500 qu'on en tire. Quelquefois, dans l'attaque, on n'en prend que deux ou trois; quelquefois la ville ou le village menacés éventent la mine, & les habitans fe fauvent; quelquefois les troupes du roi font battues. Ceux qu'elles peuvent fe procurer par ftratagême pendant l'excurfion font également réduits en efclavage.

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L'autre méthode d'obtenir des esclaves eft par des enlevemens particuliers, par la guerre, ou fous prétexte de crimes réels ou fuppolés.

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« Les voleurs privés du pays font en pe tit nombre, dit M. Clarkson, du moins dans certe partie. Dans l'intérieur, il n'eft guere poffible qu'il y en ait ; fi quelque fujet de SalJum, Sin ou Cayor, préfentoit un Negre à vendre dans un village auquel il n'appartiendroit pas lui-même, il feroit foupçonné par le Gueraff, ou principal officier du village, & très-probablement il feroit arrêté & vendu. Il lui feroit du moins difficile de le vendre à moins qu'il ne rencontrât quelque Européen. De même fi l'on apprenoit que quelqu'un du village du Gueraff, voulut vendre un esclave qu'on ne lui connoiffoit pas la veille, il feroit interpellé pour déclarer d'où il le tient avant qu'il lui fut permis de le mettre en vente. Les voleurs n'exiftent donc pas dans l'intérieur de ces royaumes. Ils fe trouvent généralement près des bords de la mer ou des rivieres que les marchands européens ou leurs principaux agens fréquentent. Dans ces endroits, il eft aifé de difpofer d'un individu enlevé, car il éft acheté fans aucunes informations. On fçait très-bien à Gorée qu'il y a des voleurs d'hommes dans cette partie ».

«Quant aux guerres, dans l'acception commune de ce terme, elles donnent très-peu d'efclaves dans ces royaumes; elles y ont rarement lieu. Il y en eut néanmoins une en 1786, celle que Damal de Cayor fit à Tin de Bool, co.nme il a été dit au com

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