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mencement de cette lettre. Elle dut fon origine à l'ambition du premier. Dans la grande bataille qui décida du fort & de la domination du dernier, on ne fit que 25 prifonniers, & il n'y eut que fept hommes. de tués. Dans ces contrées, Jes guerres font courtes & point deftructives. Il n'y a jamais qu'un petit nombre de tués ou de pris. Leur durée s'étend rarement au delà de 10 ou 15 jours. Quand les deux partis font fatitigués, ils fe retirent; il ne fe fait point de paix. Ces guerres naiffent généralement ici, comme ailleurs, de la jaloufie, de l'avarice & de l'ambition des princes >>.

« Les crimes réels ou fuppofés pour lefquels les individus font condamnés à l'efclavage dans ces contrées, font l'adultere, Je meurtre, le vol & le fortilege; nul crime n'y eft puni de mort »...

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« Le Sénégal, arrivé à 15 degrés & demi de longitude oueft de Greenwich, tourne vers le Nord dans une direction demi-cir culaire; & une autre riviere, la Sagueray, qui s'en fépare à Cor, dirige fon cours un peu vers le Sud pour fe jetter dans la mer au Fort Louis, où ces rivieres le rejoi gnent. Cette ifle & le diftrict, adjacent de l'intérieur, c'eft-à-dire, celui qui eft fitué au midi de l'ifle, & dont les limites fe terminent au Fort Louis & à Cor, fournillent tous les ans environ 240 efclaves. Des 40 que procure le district intérieur, on eftime

qu'il y en a 30 criminels, & que les dix autres ont été pris par trahifon ou par force. Les Maures voifins en vendent 60 généralement enlevés par furprise & tranfportés à cheval. Les mêmes moyens fervent à fe procurer les 200 qu'on tire de l'ifle ».

«M. de Villeneuve m'a certifié que les Maures font tellement habitués au vol, qu'il eft prefque impoffible que qui que ce foit, quelque précaution qu'il prenne, puiffe s'en garantir, pour peu qu'il vive quelque tems parmi eux. Ils font fi exercés à ce métier qu'ils dérobent même avec leurs pieds, qui font toujours nuds. Car fi par hazard quekque chofe qui en vaille la peine tombe par terre, le Maure regardera fixement en face le propriétaire, & en même tems il ramaffera cette chose avec les doigts du pied, & la paffera avec une dextérité admirable à quelqu'un de fes compagnons qui fe trouvera derriere lui. En un mot, toute leur vie eft un enchaînement de vols, & les Negres ont très-bien défigné leur Nation en difant qu'un Maure eft un homme adonné au vol».

«Derriere le pays que nous venons de décrire, comme contigu à l'ifle formée par le Sénégal & la Saguaray, eft le diftrict d'u ne peuplade nommée les Poules indépendans, qui fournit sco efclaves, dont les Maures en enlevent, à leur maniere ordinaire-environ 300. Les Poules amenent les

200 autres. Pour cet effet, ils le mettent en embufcade, & n'épargnent pas même leurs compatriotes. Les Negres font transportés au Fort Louis dans de petits vaiffeaux pon

eft

tés ». «Encore plus avant dans le pays, celui des Poules dépendans, ainfi nommés parce qu'ils ont un roi. Un de ces rois foible & timide dont le royaume avoit fouvent été ravagé par les Maures voifins mourut en 178;; & un certain Almany qui avoit éte prêtre, ufurpa fon trône. Il commença fon regne par des actes d'un grand courage & de beaucoup de jugement. Il repouffa les Maures, défendit la vente des perfonnes, abolit l'esclavage, encouragea l'agriculture & les manufactures. Il ne permît pas même le paffage de la flotte qui amenoit ordinairement les efclaves de Banıbarra, contrée plus avant vers l'eft & le fud. Galam, où l'on embarquoit ces efclaves, eft derriere les poffeffions d'Almany, & Bambarra à deux journées au midi du Sénégal. Cependant M. de Villeneuve n'a pu fe procurer aucuns détails fur ce pays, quoiqu'il en ait reçu quelques-uns fur les routes qui y conduisent >>.

<< L'ancienne route des efclaves étoit donc, avant l'année 1787 de Bambarra à Galam. Bambarra n'eft pas le nom d'une ville, mais d'une contrée très-étendue. Les conducteurs

de ces troupes d'esclaves étoient toujours

une espece de Negres connus fous le nom de Mundingocs, negres répandus dans toute l'Afrique, à peu près comme les Juifs le font dans l'Europe & toutes les parties du monde. Dans le fait, les principaux mar¬ chands d'efclaves font ce métier comme un commerce fui generis. Les Mundingocs dont je parle ici, habitent, dit-on, bien avant dans l'intérieur du pays, & pas loin de la riviere de Gambie. Dela ils paffoient annuellement dans le diftri&t de Bambarra, partant dans un tems qui leur paroiffoit fuffifant pour s'y rendre, faire leurs emplettes & arriver à Galam dans le mois d'octobre ».

M. Clark fon décrit enfuite la vie fociale ou civile des Negres, dont il a été queftion jufqu'ici. Il paroît qu'ils font fort attachés à leur pays natal; car même après avoir été chaffés dans les bois par les déprédateurs chargés du grand pillage, ils retournent avec joie, avec empreffement dans leurs anciennes habitations même après en avoir été éloignés pendant plufieurs années. Les arts font encore dans l'enfance chez eux, & les manufactures fans ftabilité. Les artifans comptent parmi eux les faltimbanques, les jongleurs, les hiftrions qui à leur tour deviennent manufacturiers. Le Gouvernement eft monarchique; mais à pro prement parler, l'autorité du roi le borne rendre la juftice: au refte, on nous ap

prend qu'en Afrique les efclaves font traités avec beaucoup de douceur & d'humanité. En un mot, ces diverfes peuplades font dans l'état de toutes les tribus, qu'on peut regarder comme les enfans chéris de la fimple nature.

Le fujet de la derniere lettre eft l'abolition de l'esclavage & de la traite des Negres; mais pour entendre cette conclufion, ou pour en faifir toute la force, i feroit bon de combiner ce que notre auteur dit ici, avec ce qu'on lit dans tous les écrits, qui ont été publiés depuis quelque tems contre un commerce infàme en lui-même, mais trop favorable à l'avidité de nos propriétaires coloniftes, pour qu'ils n'y foient pas attachés, malgré les pertes que le foulevement de leurs efclaves puiffe leur causer. (*)

Inftruction donnée par M. l'évêque de VIVIER, pour les habitans de la campagne; avec cette épigraphe : Si deux augures ne pouvoient fe regarder fans rire, comment deux évéques qui refu fent de préter le ferment conflitutionnel

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(*) Selon les dernieres lettres de l'Angleterre, la traite des Negres vient d'être abolie: la queftion a paffé à une très-grande majorité de la cham'bre des communes : & la même queftion proposée à l'Affemblée Nationale de France, obtiendra pro bablement le même fuccès.

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