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faut. Ce font des richeffes, c'eft la liberté d'aller végéter dans la moleffe & les délices de la capitale, & encenfer les idoles de la Cour; ce font leurs titres, le fafte fcandaleux qui les environnoit, qui les enivroit jufqu'aux pieds des autels, qui font tous leurs regrets. Il ne faut donc pas être étonné qu'ils ferment les yeux à la clarté du jour ils ne font pas dignes d'en jouir; mais ce jour frappe les bons efprits, il pénetre jufque dans les chaumieres, il s'étendra de plus en plus, furtout fi, comme M. l'Eve que de Vivier, nos pafteurs s'appliquent à publier fouvent des inftructions paftorales claires, intelligibles, même pour la claffe la moins inftruite. Plus nos ennemis font d'efforts pour épaiffir les ténebres autour de nous, plus nos évêques conftitutionnels doi→ vent redoubler de zele pour détruire leurs fauffes maximes, & amener enfin le triomphe de la vérité, qui ne peut être que celus de la religion.

JULIE, ou LA RELIGIEUSE DE NISMES, drame hiftorique en un acte & en profe par M. POUGENS. A Paris, de l'imprimerie de Dupont de Nemours, rue de Richelieu, No. 14.

L

E célebre d'Alembert, dans fon éloge de Fléchier, a pris foin de rappeller

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un trait de la vie de cet éloquent & vertueux évêque, où il fe montra le digne miniftre d'un Dieu de mifericorde, en faifant retirer d'un cachot une religieufe enfermée depuis quinze ans, pour avoir eu un moment de foibleffe, dont les fuites s'étoiena manifeftées. M. de Pougens, qui, dans une notice hiftorique, dont le ftyle refpire une douce fenfibilité mêlée de philofophie, s'annonce pour l'ami & le difciple de d'Alembert, a eflayé de repréfenter ce fait dans un cadre dramatique. Nous allons examiner cet ouvrage avec une critique impartiale. Nous ferons même féveres il faut l'être avec le véritab'e talent, dont les fau,tes font quelquefois féduifantes, & à qui une, cenfure légitime & motivée ne fait que donner plus d'effor.

11 y a deux manieres d'envisager les ouvrages dramatiques: l'une fe rapporte à l'ef fet & à la marche theatrale; l'autre eft relative au ftyle. Examinons celui-ci d'abord relativement au plan & à l'effet théatral.

La toile fe leve on voit le cachot de Julie que l'auteur décrit d'une maniere trèspittorefque, & qui fourniroit au peintre le fujet d'une belle décoration. La plume de M. de Pougens étoit d'autant plus propre a tracer les notes indicatives de la fcene, qu'ayant paffé les premieres années de fa vie en Italie, & ayant été reçu comme profeffeur à l'académie de peinture de Rome,

avant d'avoir eu le malheur d'y perdre la vue à l'âge de vingt-deux ans, il a pu effectivement deffiner en artilte la pantomime de ce drame.

La fcene eft double: une partie eft éclairée, & l'autre dans, les ténebres. C'eft celle-ci où Julie eftrenfermée. Unereligieufe defcend par un efcalier qui eft dans la partie éclairée. Elle tire de fon tablier un morceau de pain noir qu'elle pole fur un cercueil.

« Il y a près de quinze ans, dit-elle, que je descends ici, & mon coeur ne peut s'accoutumera à ce que je vois. Je n'aurois pas dû pofer fur cette biere le pain de cette malheureuse ».

Ces traits fimples & nature's ont une éner gie frappante. Combien ce cachot paroît affreux, loriqu'une religieufe qui chaque jour y defcend depuis quinze années, n'a pu s'acco tumer à l'horreur que lui infpire cette demeure funebre ! le reproche qu'elle fe fait d'avoir pofé le pain fur un cercueil, montre en elle une fenfibilité dont la délicateffe n'a pu être altérée par fon trifte miniftere, & fert en même tems à fixer les yeux du fpectateur fur cet objet lugubre, fans que l'intention de marquer les détails de la fcene Le montre d'une maniere trop evidente. Ce font de ces fineffs de l'art qui n'echa pent pas aux conroiffeurs. Les autres jouillent de l'effet fans en remarquer la cause. Une jeune novice, entraînée par fa cu

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fiofité, arrive. Toute la fcene s'éclaire. On voit Julie. Après un monologue qui exprimé très-bien l'affreufe fituation du perfonnage, la religieufe apprend à la novice, & en même tems aux fpectateurs pour quelle faute Julie a été enfermée. Nous croyons que l'au teur a eu raifon de faire connoître son sujet par une expofition. J.-J. Rouffeau a pu fans aucun préambule, offrir à nos yeux Pygmalion dans fon attelier; tout le monde connoît Pygmalion & fa ftatue, & l'on peut ignorer un trait de la vie de Fléchier. Mais dans le drame de M. de Pougens, Julie parle, & nous ne fçavons pas encore la canfe de fes malheurs. Ses difcours ne dé voilent point ce myftere. Elle fe tait, & c'est alors que la religieufe fait le récit des amours de cette infortunée. Cette marche eft vicieuse. Julie eft la figure principale. Tout l'intérêt le porte fur elle; dès qu'elle fe montre, elle doit tout éclipfer. C'eft le centre où doit être placé le grand foyer de lumiere. Les autres figures doivent fe groupper à l'entour. Il eft vrai qu'ici elles. ne détournent un moment notre attention, que pour qu'elle revienne bientôt fe fixer avec un nouvel intérêt für le premier perfonnage. Peut-être néanmoins feroit-il mieux, à la représentation théatrale, de tranfpofer tout ce que dit Julie & de le mettre après. expofition. La marche, fe femble, feroi plus naturelle.

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Les effets que produit fur le moral & fur le phyfique une longue captivité font bien dépeints dans ces paroles de Julie.

« Le défefpoir a confumé par degrés mes membres défaillans.... Mes doigts font gla cés; ils fe roidiffent avec douleur.... Une fevre dévorante m'avertit feule que j'exifte encore. A peine mon ame conferve-t-elle quelques fouvenirs vagues... L'avenir même s'efface devant moi ».

Un mouvement bien faifi dans la fitua tion, c'eft lorfque Julie, regardant le coftume religieux de la novice, & fe rappellant: alors tous les maux dont cet habit a été elle la funefte caufe, lui dit ::

pout

« Ces vêtemens bleffent ma vue....... Ils rritent mon cœur... Qui t'a permis de les porter devant moi »?

Elle détache le bandeau & le voile de la novice..

<< Otez ce voile. C'èft la livrée du crime & de la férocité ».

Dans fon tranfport, elle les éleve vers le ciel & paroît inspirée..

« O Dieu! reçois cette offrande, & ne permets plus qu'on pofe fur: fon front ce fatal bandeau »..

Sans doute cela feroit effet à la fcene. Cette efpece d'offrande folemnelle, l'intérêt mêlé d'une terreur religieufe qu'infpireroit la fituation, affecteroit vivement l'ame des. fpectateurs.

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