Images de page
PDF
ePub

d'intérêt. Mlle. Contat s'eft furpaffée elle-même dans celui de la gouvernante. C'est dire affez qu'elle est au deffus de tout éloge. Un ton de décence & de modeftie noble ont prefque fait voir la niece elle-même dans Mme. Petit, chargée de ce perfonnage. Dans la fcene de la reconnoiffance avec l'oncle, elle a arraché des larmes d'intérêt & d'attendriffement. MM. Fleuri, d'Azincourt, La Rochelle, ne laiffent rien à defirer dans les rôles d'Armand, de George & Ambroise.

THEATRE DE LA RUE DE RICHELIEU.

Le Sot orgueilleux, ou l'Ecole des élections n'eft autre chofe que le Bourgeois gentilhom-. me mis à l'ordre du jour. L'auteur ( M. Fabre d'Eglantine) pour détromper les pré« yentions de l'efprit de parti qu'il avoit à crain-. dre, avoit cru devoir faire précéder la premiere reprefentation de fa comedie, par un prologue plein de fens, & fort bien rendu par M. Monvel & M. Michaut. M. Monvel y a joué le rôle de l'auteur avec une intelligence fuperieure ; on eut dit qu'il étoit luimême le perfonnage qu'il representoit. Cependant la piece est tombée. Eft ce avec raison ? L'auteur pourroit fort bien n'en pas tomber d'accord, Sans être pour cela taxé de fuffifance.

Car jamais le public n'eut moins de complaifance:
Comment veut-il juger d'une piece, en effet
Au tintamarre affreux qu'au parterre on a fait ?

[ocr errors]

Voici l'expofé de cette comédie, dont la moitié n'a pas été entendue: Plufieurs fcenes ont été entierement paffées; d'autres n'ont été recitées qu'en partie. Le principal perfon page eft un M. Bertrand, marchand riche

bourgeois fot & vain, qui fous le nouveau régime a la manie orgueilleufe de l'écharpe municipale, comme il avoit la pretention à l'échevinage, fous l'ancien régime. Il eft parvenu à ê re préfident d'un club, & la tête lui tourne de motions, d'amendemens, d'arrêtés, &c. 11 eft furtout fier de fon fauteuil, du haut du quel il domine des citoyens actifs affis plus bas que lui. La puiffance de fa sonnette l'émer veille. C'eft fur ce caractere qu'un chevalier d'induftrie, de concert avec fon frere, gaf con que le hazard lui a fait retrouver, fonde repair de le duper. A l'aide de beaux habits, d'un nom emprunté, & de la complaifance avac laquelle il flatte la manie de M. Bertrand, il efpere époufer fa fille. Bertrand féduit par ce fourbe, rompt le mariage arrêté entre fa fille & Dumenil, qu'elle aime & dont elle eft aimée. Un dedit confiderable engage fa parole a Pintriguant d'Almenon. Les fages repréfentations de Medard fon frere exdéputé & mu nicipe, la colere de fa femme, efpece de Madame Jourdain, qui exprès a quitté fes vendanges, les larmes de fa fille, le gros bon fens de Germaine, qui reffemble beaucoup à Nicole du bourgeois gentilhomme rien ne peut le défabuser, ni l'attendrir, Heu reufement Medard reconnoît dans le frere du fourbe un valet qui l'a volé. Le dedit eft rendu; les deux frippons font honnis; & les deux amans s'époulent. Cette piece eft dialoguée avec une verité a la fois comique & morale. L'Auteur n'a jamais mieux imité Moliere, fon modele. Il lui eft arrivé, ce qui arriva aux premieres représentations du Tartuffe. Les dévors firent femblant de prendre le change. Ils crierent au blafphême. Ils affecterent de croire que Moliere en jouant l'hypocrifie, avoit voulu jouer la vraie dévotion. Les patriotes ont trouvé mauvais qu'on jouât le ri

termes

dicule d'un patrio:ifme mal entendu & vaniteux. Les mots de préopi er, de coalifer d'ajourner, &c., leur ont paru des facrés, avec lefquels il n'étoit pas permis de faire rire. Ils ont crié au fcandale, lorfque l'auteur a devoilé les menées illicites, dont on peut fe fervir pour obtenir, des voix dans les élections. Voilà ce qui a décidé la chute de la piece qui n'a pas été jugée. Elle peut l'être un jour. Auffi le public tombant dans l'abus des mots, dont l'auteur de la comédie fe mocquoit, s'eft-il écrié a plusieurs repri fes: Ajournez la piece.

(Articles de M. DE SAINT-ANGE).

THEATRE DU MARAIS,

ROBERT, CHEF de Brigands, drame en 5 ates. Commençons par donner un apperçu de la piece allemande de M. Schiller, intitulé auffi Les Brigands.

:

Le vieux comte Maximilien de Moor, a deux fils: l'aîné, Charles, joint aux avantages extérieurs, les qualités du cœur & de l'efprit; l'autre, François, joint au phyfique le plus ingrat, le caractere le plus odieux: Amélie, leur coufine, élevée avec eux, n'a répondu qu'à l'amour de Charles, & a excité la jaloufie de François, qui, profitant de quelques légers écarts de jeuneffe dont fon frere fe rend coupable à l'univerfité de Léipfik, où fon pere le fait étudier, intercepte fes lettres, en fubftitue d'autres injurieufes, & par mille moyens également criminels, engage le comte à refufer de payer les détres de Charles, à le laiffer même fans le moindre fecours. Celui-ci, défefpéré, réduit à la plus affreufe mifere, quitte Léipfick avec quelques-uns de

fes camarades; & c'eft à cette époque que commence la Piece, dont l'action fe paffe fuc ceffivement en Franconie, dans la Saxe &, dans la Bohême. Tandis que François emploie, auprès de fon pere, tous les moyens pour calomnier Charles, pour défefpérer le comte de Moor & pour obtenir la main d'Amélie, qui, connoiffant fon odieux carac tere, le repouffe, & jure d'être fidelle à fon amant. Charles, defefpérant d'attendrir fon nere, dont fon frere lui a peint toute la cofere, accepte la place de chef de brigands que lui offrent fes camarades: plufieurs fcenes retracent le tableau de fes excurfions dans une forêt de la Bohême, dans une contrée voifine du Danube, & dans une forêt trèsnoire d'autres fcenes ramenent le fpectateur en Franconie, dans le château de Moor, où font voit le vieux pere livré aux infâmes maneuvres de François, qui, après l'avoir perfuadé de la mort de Charles, finit par l'enfermer dans une tour, & par prendre fon nom & les titres pour les offrir à Amélie qui veut fe retirer dans un couvent. Cependant Charles prend le nom de comte de Brand, & arrive déguifé au château de fon pere, accompagné de quelques brigands fes amis. Entrevue avec Amelie qui ne le reconnoît point, mais qui éprouve un grand intérêt à fon afpect. Charles voit auffi fon pere, à qui un fidele ferviteur apporte tous les jours de la nourriture dans fa tour: Charles apprend tous les crimes de François, fe le fait amener garotté, délivre fon pere: mais ce dernier apprenant que ce fils bien-aimé eft devenu chef de brigands, expire de douleur. Charles, accablé de remords veut quitter les brigands, pour fuivre for Amélie; mais les fcélérats fe difpofent à faire feu fur ces deux amans; Charles, au dé

felpoir, enfonce fon épée dans le fein d'Amélie, & , pour expier fes forfaits, fe déci de à fe faire remettre entre les mains de la juftice, par un vieux militaire, pere de onze enfans, afin que cet infortuné reçoive les cent ducats promis à quiconque le livreroit mort Ou vif.

Ce drame eft réellement un chef-d'œuvre quant a l'énergie des caracteres & à la chaleur du ftyle; mais comme c'est précisément dans les déclamations fophiftiques contre Pinégalité des fortunes & contre les injuftices des hommes, que l'auteur allemand a prodigué les couleurs les plus fortes, la repréfentation de cette piece a été défendue dans plufieurs villes d'Allemagne, & particulierement à Fribourg, dans le Brifgaw, où un jeune comte, d'une famille des plus diftinguées féduit par la fauffe grandeur de Charles Moor voulut l'imiter : il avoit déjà enrôlé dans fa troupe plufieurs étudians de l'univerfité, qui, tous, avoient figné la promeffe de le fui

[ocr errors]

vre dans la forêt noire & le ferment de lui obéir comme à leur chef. Cette horrible affociation fut heureusement découverte & difperfée, la veille du jour où elle devoit partir pour la forêt.

Tout le monde connoît auffi l'hiftoire de ce Savetier de Meffine, qui s'étoit arrogé, en fecret, le droit de juger feul, au tribunal de fa confcience, les actions que la tolérance où le filence des loix ne pouvoit atteindre : on fçait que ce fcélérat, après avoir condamné, de fon chef, un grand, un juge ou un fimple particulier, après avoir fait même un procès-verbal du délit qu'il vouloit punir, attendoit le coupable au coin d'un bois, & lui plongeoit un poignard dans le fein. Ce miférable, qui avoit le malheur d'être en paix No. IX. Tom. III. 30 Mars, 1792. E

« PrécédentContinuer »