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MÉLANGES.

ORAISON FUNÈBRE

DE S. A. S. MONSEIGNEUR

LE DUC D'ORLÉANS,

PREMIER PRINCE DU SANG DE FRANCE.

Modicùm plora supra mortuum', quoniam requievit. Pleurez modérément celui que vous avez perdu, car il est en paix.

Ecclés est., c. 22, V. II.

MESSIEURS,

Les écrivains profanes nous disent qu'un puis sant roi, considérant avec orgueil la superbe et nombreuse armée qu'il commandoit, versa pour tant des pleurs, en songeant que, dans peu d'années, de tant de milliers d'hommes il n'en resteroit pas un seul en vie. Il avoit raison de s'affliger, sans doute: la mort pour un païen ne pouvoit être qu'un sujet de larmes.

Le spectacle funèbre qui frappe mes yeux, et l'assemblée qui m'écoute, m'arrachent aujourd'hui la même réflexion, mais avec des motifs de consolation capables d'en tempérer l'amertume et de la rendre utile au chrétien. Oui, messieurs,

si nos ames étoient assez pures pour subjuguer les affections terrestres, et pour s'élever par la contemplation jusqu'au séjour des bienheureux, nous nous acquitterions sans douleur et sans larmes du triste devoir qui nous assemble, nous nous dirions à nous-mêmes dans une sainte joie, « Ce«< lui qui a tout fait pour le ciel est en possession << de la récompense qui lui étoit due » ; et la mort du grand prince que nous pleurons ne seroit à nos yeux que le triomphe du juste.

Mais, foibles chrétiens encore attachés à la terre, que nous sommes loin de ce degré de perfection nécessaire pour juger sans passion des choses véritablement desirables! et comment oserions-nous décider de ce qui peut être avantageux aux autres, nous qui ne savons pas seulement ce qui nous est bon à nous-mêmes? Comment pourrions-nous nous réjouir avec les saints d'un bonheur dont nous sentons si peu le prix ? Ne cherchons point à étouffer notre juste douleur. A Dieu ne plaise qu'une coupable insensibilité nous donne une constance que nous ne devons tenir que de la religion! La France vient de perdre le premier prince du sang de ses rois; les pauvres ont perdu leur père, les savants leur protecteur, tous les chrétiens leur modèle. Notre perte est assez grande pour nous avoir acquis le droit de pleurer, au moins sur nous-mêmes. Mais pleurons avec modération, et comme il convient à des chrétiens: ne songeons pas tellement à nos pertes, que nous oubliions le prix

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