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pour

que,

éviter la longueur du travail, que de peur durant la dessiccation des plantes, le papier ne contracte quelque humidité par leur grand nombre; ce qui gâteroit infailliblement vos plantes, si vous ne vous hâtiez de les changer de papier avec les mêmes attentions; et c'est même ce qu'il faut faire de temps en temps, jusqu'à ce qu'elles aient bien pris leur pli, et qu'elles soient toutes assez sèches.

Votre pile de plantes et de papiers ainsi arrangée doit être mise en presse, sans quoi les plantes se gripperoient : il y en a qui veulent être plus pressées, d'autres moins; l'expérience vous apprendra cela, ainsi qu'à les changer de papier à propos, et aussi souvent qu'il faut, sans vous donner un travail inutile. Enfin, quand vos plantes seront bien sèches, vous les mettrez bien proprement chacune dans une feuille de papier, les unes sur les autres, sans avoir besoin de papiers intermédiaires, et vous aurez ainsi un herbier commencé, qui s'augmentera sans cesse avec vos connoissances, et contiendra enfin l'histoire de toute la végétation du pays: au reste il faut toujours tenir un herbier bien serré et un peu en presse; sans quoi les plantes, quelque séches qu'elles fussent, attireroient l'humidité de l'air et se gripperoient encore.

Voici maintenant l'usage de tout ce travail pour parvenir à la connoissance particulière des plantes, et à nous bien entendre lorsque nous en parlons.

Il faut cueillir deux échantillons de chaque plante: l'un, plus grand, pour le garder; l'autre, plus petit, pour me l'envoyer. Vous les numéroterez avec soin, de façon que le grand et le petit échantillons de chaque espèce aient toujours le même numéro. Quand vous aurez une douzaine ou deux d'espèces ainsi desséchées, vous me les enverrez dans un petit cahier par quelque occasion. Je vous enverrai le nom et la description des mêmes plantes; par le moyen des numéro, vous les reconnoîtrez dans votre herbier, et de là sur la terre, où je suppose que vous aurez commencé de les bien examiner. Voilà un moyen sur de faire des progrès aussi sûrs et aussi rapides qu'il est possible loin de votre guide.

N. B. J'ai oublié de vous dire que les mêmes papiers peuvent servir plusieurs fois, pourvu qu'on ait soin de les bien aérer et dessécher auparavant. Je dois ajouter aussi que l'herbier doit être tenu dans le lieu le plus sec de la maison, et plutôt au premier qu'au rez-de-chaussée,

DEUX LETTRES

A M. DE MALESHERBES.

PREMIÈRE LETTRE.

Sur la formation des Herbiers et sur la Synonymie.

Si j'ai tardé si long-temps, monsieur, à répondre en détail à la lettre que vous avez eu la bonté de m'écrire le 3 janvier, c'a été d'abord dans l'idée du voyage dont vous m'aviez prévenu, et auquel je n'ai appris que dans la suite que vous aviez renoncé, et ensuite par mon travail journalier, qui m'est venu tout d'un coup en si grande abondance, que, pour ne rebuter personne, j'ai été obligé de m'y livrer tout entier; ce qui a fait à la botanique une diversion de plusieurs mois. Mais enfin voilà la saison revenue, et je me prépare à recommencer mes courses champêtres, devenues, par une longue habitude, nécessaires à mon humeur et à ma santé.

En parcourant ce qui me restoit en plantes sèches, je n'ai guère trouvé hors de mon herbier, auquel je ne veux pas toucher, que quelques doubles de ce que vous avez déja reçu ; et cela ne valant pas la peine d'être rassemblé pour

un premier envoi, je trouverois convenable de me faire, durant cet été, de bonnes fournitures, de les préparer, coller, et ranger durant l'hiver; après quoi je pourrai continuer de même, d'année en année, jusqu'à ce que j'eusse épuisé tout ce que je pourrois fournir. Si cet arrangement vous convient, monsieur, je m'y conformerai avec exactitude; et, dès à présent, je commencerai mes collections. Je desirerois seulement savoir quelle forme vous préférez. Mon idée seroit de faire le fond de chaque herbier sur du papier à lettre tel que celui-ci ; c'est ainsi que j'en ai commencé un pour mon usage, et je sens chaque jour mieux que la commodité de ce format compense amplement l'avantage qu'ont de plus les grands herbiers. Le papier sur lequel sont les plantes que je vous ai envoyées vaudroit encore mieux, mais je ne puis retrouver du même ; et l'impôt sur les papiers a tellement dénaturé leur fabrication, que je n'en puis plus trouver pour noter qui ne perce pas. J'ai le projet aussi d'une forme de petits herbiers à mettre dans la poche pour les plantes en miniature, qui ne sont pas les moins curieuses, et je n'y ferois entrer néanmoins que des plantes qui pourroient y tenir entières, racine et tout; entre autres, la plupart des mousses, les glaux, peplis, montia, sagina, passe-pierre, etc. Il me semble que ces herbiers mignons pourroient devenir charmants et précieux en même temps. Enfin il y a des plantes d'une certaine grandeur qui ne

pace,

peuvent conserver leur port dans un petit eset des échantillons si parfaits, que ce seroit dommage de les mutiler. Je destine à ces belles plantes du papier grand et fort; et j'en ai déja quelques unes qui font un fort bel effet

dans cette forme.

Il y a long-temps que j'éprouve les difficultés de la nomenclature, et j'ai souvent été tenté d'abandonner tout-à-fait cette partie. Mais il faudroit en même temps renoncer aux livres et à profiter des observations d'autrui; et il me semble qu'un des plus grands charmes de la botanique est, après celui de voir par soi-même, celui de vérifier ce qu'ont vu les autres: donner, sur le témoignage de mes propres yeux, mon assentiment aux observations fines et justes d'un auteur me paroît une véritable jouissance; au lieu que, quand je ne trouve pas ce qu'il dit, je suis toujours en inquiétude si ce n'est point moi qui vois mal. D'ailleurs, ne pouvant voir par moi-même que si peu de chose, il faut bien sur le reste me fier à ce que d'autres ont vu; et leurs différentes nomenclatures me forcent pour cela de percer de mon mieux le chaos de la synonymie. Il a fallu, pour ne pas m'y perdre, tout rapporter à une nomenclature particulière; et j'ai choisi celle de Linnæus, tant par la préférence que j'ai donnée à son systême, que parceque ses noms, composés seulement de deux mots, me délivrent des longues phrases des autres. Pour y rapporter sans peine celles de Tour

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