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LETTRE

A Me LA PRÉSIDENTE DE VERNA,

DE GRENOBLE.

De Bourgoin, le 2 décembre 1768.

LAISSONS à part, madame, je vous supplie,

les livres et leurs auteurs. Je suis si sensible à votre obligeante invitation, que si ma santé me permettoit de faire en cette saison des voyages de plaisir j'en ferois un bien volontiers pour aller vous remercier. Ce que vous avez la bonté de me dire, madame, des étangs et des montagnes de votre contrée, ajouteroit à mon empressement, mais n'en seroit pas la première cause. On dit que la grotte de la Balme est de vos côtés ; c'est encore un objet de promenade et même d'habitation, si je pouvois m'en procurer une dont les fourbes et les chauve-souris n'approchassent pas. A l'égard de l'étude des plantes, permettez, madame, que je la fasse en naturaliste, et non pas en apothicaire; car, outre que je n'ai qu'une foi très médiocre à la médecine, je connois l'organisation sur la foi de la nature, qui ne ment point; et je ne connois leurs vertus médicinales que sur sur la foi des hommes, qui sont menteurs. Je ne suis pas d'humeur à les croire sur leur parole, ni à portée de la vérifier. Ainsi, quant à moi, j'aime cent fois

mieux voir dans l'émail des prés des guirlandes pour les bergères, que des herbes pour des lavements. Puissé-je, madame, aussitôt que le printemps ramènera la verdure, aller faire dans vos cantons des herborisations qui ne pourront qu'être abondantes et brillantes, si je juge par les fleurs que répand votre plume de celles qui doivent naître autour de vous. Agréez, madame, et faites agréer à monsieur le président, je vous supplie, les assurances de tout mon respect.

RENOU.

LETTRE

A M. LIOTARD, LE NEVEU,

HERBORISTE A GRENOBLE.

Bourgoin, le 7 novembre 1768.

J'AI reçu, monsieur, les deux lettres que vous m'avez fait l'amitié de m'écrire. Je n'ai point fait de réponse à la première, parcequ'elle étoit une réponse elle-même, et qu'elle n'en exigeoit pas. Je vous envoie ci-joint le catalogue qui étoit avec la seconde et sur lequel j'ai marqué les plantes que je serois bien aise d'avoir. Les dénominations de plusieurs d'entre elles ne sont pas exactes, ou du moins ne sont pas dans mon Species de l'édition de 1762. Vous m'obligerez de vouloir bien les y rapporter, avec le secours de M. Clappier, que je remercie, et que je salue. J'accepte l'offre de quelques mousses que vous voulez bien y joindre, pourvu que vous ayez la bonté d'y mettre aussi très exactement les noms; car je serois peut-être fort embarrassé pour les déterminer sans le secours de mon Dillenius, que je n'ai plus. A l'égard du prix, je le réglerois de bon cœur si je pouvois n'écouter que la libéralité que j'y voudrois mettre; mais, ma situation me forçant de me borner en toutes choses aux prix communs, je vous prie de vouloir bien régler celui-là de façon que vous y trouviez hon

nêtement votre compte, sans oublier de joindre à cette note celle des ports, et autres menus frais qui doivent vous être remboursés; et, comme je n'ai aucune correspondance à Grenoble, je vous enverrai le montant par le courrier, à moins que vous ne m'indiquiez quelque autre voie. L'offre de venir vous-même est obligeante; mais je ne l'accepte pas, attendu que je n'en pourrois profiter, qu'il ne fait plus le temps d'herboriser, et que je ne suis pas en état de sortir pour cela. Portez-vous bien, mon cher M. Liotard, je vous salue de tout mon

cœur.

RENOU.

Pourriez-vous me dire si le pistacia therebinthus et l'osiris alba croissent auprès de Grenoble? Je crois avoir trouvé l'un et l'autre au-dessus de la Bastille (1), mais je n'en suis pas sûr.

(1) Montagne auprès de laquelle Grenoble est situé.

NEUF LETTRES

ADRESSÉES

A M. DE LA TOURETTE,

CONSEILLER EN LA COUR DES MONNOIES

DE LYON.

LETTRE PREMIÈRE.

A Monquin, le 1769 (*).

J'AI différé, monsieur, de quelques jours à vous accuser la réception du livre que vous avez eu la bonté de m'envoyer de la part de M. Gouan, et à vous remercier, pour me débarrasser auparavant d'un envoi que j'avois à faire, et me ménager le plaisir de m'entretenir un peu plus long-temps avec vous,

Je ne suis pas surpris que vous soyez revenu d'Italie plus satisfait de la nature que des hommes; c'est ce qui arrive généralement aux bons observateurs, même dans les climats où elle est

(*) Manière de dater ses lettres dont Rousseau se servoit avec ses amis, en mettant, comme on le voit, au milieu de quatre chiffres qui marquoient l'année courante, deux autres chiffres, dont l'un indiquoit le quantième; et l'autre, le mois.

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