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plus longs vers les pôles, et, plus courts vers l'équateur, comme il est manifeste à quiconque a quelque teinture de géométrie. Cependant il est démontré que, si la terre est oblongue, les degrés doivent avoir plus de longueur vers l'équateur que vers les pôles. C'est à vous, monsieur, à sauver la contradiction.

Quelle est donc l'idée qu'on se doit former des degrés de latitude? Le terme même d'élévation du pôle vous l'apprend. Des différents degrés de cette élévation tirez de part et d'autre des tangentes à la superficie de la terre; les intervalles compris entre les points d'attouchements donneront les degrés de latitude: or il est bien vrai que, si la terre étoit sphérique, tous ces points correspondroient aux divisions qui marqueroient les degrés de la circonférence de la terre, considérée comme circulaire ; mais si elle ne l'est point, ce ne sera plus la même chose. Tout au contraire de votre systême, les pôles étant plus élevés, les degrés y devroient être plus grands; ici la terre étant plus courbée vers les pôles, les degrés sont plus petits. C'est le plus ou moins de courbure, et non l'éloignement du centre, qui influe sur la longueur des degrés d'élévation du pôle. Puis donc que votre raisonnement n'a de justesse qu'autant que vous supposez que la terre est sphérique, j'ai été en droit de dire que vous vous fondez sur une pétition de principe; et, puisque ce n'est pas du plus grand ou moindre éloignement du centre que résulte la longueur

des degrés de latitude, je conclurai derechef que votre argument n'a de solidité en aucune de ses parties.

Il se peut que le terme de degré, équivoque dans le cas dont il s'agit, vous ait induit en erreur : autre chose est un degré de la terre considéré comme la trois-cent-soixantième partie d'une circonférence circulaire, et autre chose un degré de latitude considéré comme la mesure de l'élévation du pôle par-dessus l'horizon; et, quoiqu'on puisse prendre l'un pour l'autre dans le cas que la terre soit sphérique, il s'en faut beaucoup qu'on en puisse faire de même, si sa figure est irrégulière.

Prenez garde, monsieur, que quand j'ai dit que la terre n'a pas de pente considérable, je l'ai entendu, non par rapport à sa figure sphérique, mais par rapport à sa figure naturelle, oblongue ou autre ; figure que je regarde comme déterminée dès le commencement par les lois de la pesanteur et du mouvement, et à laquelle l'équilibre ou le niveau des fluides peut très bien être assujetti: mais sur ces matières on ne peut hasarder aucun raisonnement, que le fait même ne nous soit mieux connu.

Pour ce qui est de l'inspection de la lune, il est bien vrai qu'elle nous paroît sphérique, et elle l'est probablement ; mais il ne s'ensuit point du tout que la terre le soit aussi. Par quelle régle sa figure seroit-elle assujettie à celle de la lune, plutôt par exemple qu'à celle de Jupiter,

planète d'une tout autre importance, et qui pourtant n'est pas sphérique? La raison que vous tirez de l'ombre de la terre n'est guère plus forte si le cercle se montroit tout entier, elle seroit sans réplique; mais vous savez, monsieur, qu'il est difficile de distinguer une petite portion. de courbe d'avec l'arc d'un cercle plus ou moins grand. D'ailleurs, on ne croit point que la terre s'éloigne si fort de la figure sphérique, que cela doive occasioner sur la surface de la lune une ombre sensiblement irrégulière; d'autant plus que la terre étant considérablement plus grande que la lune, il ne paroît jamais sur celle-ci qu'une bien petite partie de son circuit.

Je suis, etc.

Chambéri, 20 septembre 1738.

ROUSSEAU.

premiers bienfaits, en m'aban

si triste situation.

algré tout, je tâchai, tant qE

ues forces, de tirer parti do

mais de quoi servent EUR

LE GOUVERNEUR DE SAVOIE.

J'AI l'honneur d'exposer très respectueusement à son excellence le triste détail de la situation où je me trouve, la suppliant de daigner écouter la générosité de ses pieux sentiments pour y pourvoir de la manière qu'elle jugera convenable.

Je suis sorti très jeune de Genève, ma patrie, ayant abandonné mes droits pour entrer dans le sein de l'église, sans avoir cependant jamais fait aucune démarche, jusqu'aujourd'hui, pour implorer des secours, dont j'aurois toujours tâché de me passer s'il n'avoit plu à la Providence de m'affliger par des maux qui m'en ont ôté le pouvoir. J'ai toujours eu du mépris et même de l'indignation pour ceux qui ne rougissent point de faire un trafic honteux de leur foi, et d'abuser des bienfaits qu'on leur accorde. J'ose dire qu'il a paru par ma conduite que je suis bien éloigné de pareils sentiments. Tombé, encore enfant, entre les mains de feu monseigneur l'évêque de Genève, je tâchai de répon

dre,

par l'are obligé, faute d'autre moyen, des, aux vues flat sistances et des secours : ma voit sur moi. Mar de la Providence. Il me suffi ulut bien condes lier, d'être bien assuré que t de prendre soin dete, aucun lieu ni à la ne dépendit pas de moi de témoigner à tte dame, par mes progrès, le desir passionné que j'avois de la rendre satisfaite de l'effet de ses bontés et de ses soins.

Ce grand évêque ne borna pas là ses bontés; il me recommanda encore à M. le marquis de Bonac, ambassadeur de France auprès du Corps Helvétique. Voilà les trois seuls protecteurs à qui j'aie eu obligation du moindre secours ; il est vrai qu'ils m'ont tenu lieu de tout autre, par la manière dont ils ont daigné me faire éprouver leur générosité. Ils ont envisagé en moi un jeune homme assez bien né, rempli d'émulation, et qu'ils entrevoyoient pourvu de quelques talents, et qu'ils se proposoient de pousser. Il me seroit glorieux de détailler à son excellence ce que ces deux seigneurs avoient eu la bonté de concerter pour mon établissement; mais la mort de monseigneur l'évêque de Genève, et la maladie mortelle de M. l'ambassadeur, ont été la fatale époque du commencement de tous mes désastres.

Je commençai aussi moi-même d'être attaqué de la langueur qui me met aujourd'hui au tonbeau. Je retombai par conséquent à la charge de madame de Warens, qu'il faudroit ne pas connoître pour croire qu'elle eût pu démentir

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