LA TRES CURIEUSE ET CHEVALERESQUE HYSTOIRE DE LA CONQUESTE DE NAPLES PAR CHARLES VIII. Comment le tres chrestien et tres victorieux PUBLIÉE PAR P. M. GONON. LYON. MDCCCXLII K810-ck PROLOGUE DE LAUTEUR. PRES avoir contemple plusieurs escriptures hystoires et gestes des papes, empereurs, roys, ducs, contes, marquis, barons et autres nobles gens esleves en honneurs par leurs vaillances, preux faicts et hard yesses grandes, je me suis advise quil nest chose que lentendement de lhomme desire plus que de ouyr parler de choses hystoriques. Oultre plus aussi lentendement se resjouist quant il oyt parler dune chose quil ayme, Ces choses considerees jai specule quil nest chose qui plus resjouysse les entendemens francois que de parler des roys de France. Considerant aussi que je suis Francois, par droicte raison je me dois mieulx appliquer a descrire des chroniques de France que de autre nation. Parquoy en ce present livre principalement sera parle des gestes vaillances et hardyesses du roy Charles VIII a qui Dieu fasse pardon, car en poursuivant la matiere depuis la mort du feu roy Loys XI que Dieu absolve commencerons de son fils Charles VIII cinquante cinquiesme roy de France. Parlant aussi de plusieurs choses digne de memoire advenues durant son temps et regne. Tout le voyaige de Naples entierement tant daller que du revenir en poursuyvant jusques a sa mort. Pour esmouvoir les courages des humains et les incliner a vivre vertueusement et eulx gouverner saigement est escript au XIV chapitre de lEcclesiastique que lhomme est bienheureux qui fait sa demourance et se arreste en estude de Sapience, car sur tous les autres dons de grace que Dieu fait aux creatures le don de Sapience est le plus noble, le plus digne, le plus plaisant, le plus delectable et le plus parfait. Cest celle qui fait les roys regner, les princes dominer, les royaulmes eslever et entretenir et les vrays juges selon les sainctes lois clerement congnoistre et justement juger. Par elle est lhomme fait amy et prochain de Dieu qui est ung tresor infiny. Aussi par elle il est conduyt et mene au royaulme eternel auquel il a vraye fruition et congnoissance de la haulte divinite. Et pour ce lit on que Salomon auquel Dieu octroya telle requeste quil vouldroit demander, ne demanda point a Dieu richesses terriennes, longue vie, ne autre prosperite mondaine, mais requist et demanda seulement a Dieu le don de Sapience, congnoissant que par icelle il pouvoit dominer les choses terriennes et finablement parvenir a la gloire eternelle. Le quel don il obtint, et moyennant icelle fut plus grant que tous les autres roys qui avoient ete devant luy, ainsi quil est recite au troisiesme chapitre du tiers livre des rois. Lhabitude et conversa_ tion de Sapience na en soy ne fiel ne amertume, mais toute doulceur et joyeuseté. Et de tant que plus on si arreste et frequente. tant plus on desire a plus y demourer et la frequenter, comme est escript au VIII chapitre du livre intitule Sapience. Pour lesquelles choses confermer, dit sainct Gregoire au premier chapitre du second livre de ses Morales. Que la Saincte Escripture et estude des choses passees est comme ung miroir auquel nous pouvons speculer et mirer notre face, y apercevoir et congnoistre les macules et taches qui lordissent et effacent. Par opposite y pouvons veoir les beaultes et dons de grace se aucuns en avons qui nous decorent et embellissent. Car en lisant ou racomptant les hys toires nous pouvons veoir a quelle fin les ungs et les couraige et aymer vertu, fuyr vices, craindre et eviter obprobres et reproches, et en la fin obtenir le royaulme de paradis, au quel veuille vous conduire le Pere, le Fils et le Sainct Esperit. Amen. CY COMMENCE LA TRES CURIEUSE ET CHEVALERESQUE HYSTOIRE DE LA CONQUESTE DE NAPLES PAR CHARLES VIII, COMMENT LE TRES CHRESTIEN ET TRES VICTORIEUX ROY CHARLES HUICTIESME DE CE NOM A BANNIERE DEPLOYEE PASSA ET REPASSA DE JOURNEE EN JOURNEE DE LYON JUSQUES A NAPLES ET DE NAPLES JUSQUES A LYON. CHAPITRE PREMIER. Du roy Charles VIII et de la deliberation de la conqueste de Naples, et du nombre des gens qui y furent envoyes de part le roy. N lan mil quatre cens quatre vingts et trois, le roy Loys XI* de ce nom trespassa le trentiesme jour daoust, parquoy luy succeda Charles son fils unique, et ne avoit que douze ans quand il commenca a regner et fut le cinquante et cinquiesme roy de France. Il fut mene a Louis onziesme vray patron et exemplaire d'un roy vrayement héroïque, celui qui a estaint les seditions en son royaulme, qui delayant a |