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Anselme avoit l'esclave, et j'en étois frustré;
Il l'emmenoit chez lui. Mais j'ai paré l'atteinte,
J'ai détourné le coup, et tant fait, que, par crainte,
Le pauvre Trufaldin l'a retenue.

MASCARILLE.

Et trois :

Quand nous serons à dix, nous ferons une croix.
C'étoit par mon adresse, ô cervelle incurable!
Qu'Anselme entreprenoit cet achat favorable :
Entre mes propres mains on la devoit livrer;
Et vos soins endiablés nous en viennent sevrer.
Et puis pour votre amour je m'emploierois encore!
J'aimerois mieux cent fois être grosse pécore,
Devenir cruche, chou, lanterne, loup-garou,
Et que monsieur Satan vous vint tordre le cou.
LÉLIE, seul.

Il nous le faut mener en quelque hôtellerie,
Et faire sur les pots décharger sa furie.

FIN DU PREMIER ACTE.

A

ACTE SECOND.

SCENE I.

LÉLIE, MASCARILLE.

MASCARILLE.

vos desirs enfin il a fallu se rendre:

Malgré tous mes serments je n'ai pu m'en défendre,
Et pour vos intérêts, que je voulois laisser,
En de nouveaux périls viens de m'embarrasser.
Je suis ainsi facile; et si de Mascarille
Madame la nature avoit fait une fille,

Je vous laisse à penser ce que c'auroit été.
Toutefois n'allez pas sur cette sûreté
Donner de vos revers au projet que je tente,
Me faire une bévue et rompre incn attente.
Auprès d'Anselme encor nous vous excuserons,
Pour en pouvoir tirer ce que nous desirons:
Mais si dorénavant votre imprudence éclate,
Adieu, vous dis, mes soins pour l'espoir qui vous flatte.
LÉLIE.

Non, je serai prudent, te dis-je; ne crains rien :
Tu verras seulement...

MASCARILLE.

Souvenez-vous-en bien;

J'ai commencé pour vous un hardi stratagême.
Votre pere fait voir une paresse extrême
A rendre par sa mort tous vos desirs contents;
Je viens de le tuer (de parole, j'entends):
Je fais courir le bruit que d'une apoplexie
Le bon homme surpris a quitté cette vie.
Mais avant, pour pouvoir mieux feindre ce trépas,
J'ai fait que vers sa grange il a porté ses pas:

On est venu lui dire, et par mon artifice,
Que les ouvriers qui sont après son édifice,
Parmi les fondements qu'ils en jettent encor,
Avoient fait par hasard rencontre d'un trésor.
Il a volé d'abord; et, comme à la campagne

Tout son monde à présent, hors nous deux, l'accompagne,

Dans l'esprit d'un chacun je le tue aujourd'hui,
Et produis un fantôme enseveli pour lui.
Enfin je vous ai dit à quoi je vous engage:
Jouez bien votre rôle. Et pour mon personnage,
Si vous appercevez que j'y manque d'un mot,
Dites absolument que je ne suis qu'un sot.

SCENE II.

LÉLIE, seul.

Son esprit, il est vrai, trouve une étrange voie
Pour adresser mes vœux au comble de leur joie :
Mais quand d'un bel objet on est bien amoureux,
Que ne feroit-on pas pour devenir heureux ?
Si l'amour est au crime une assez belle excuse,
Il en peut bien servir à la petite ruse

Que sa flamme aujourd'hui me force d'approuver,
Par la douceur du bien qui m'en doit arriver.
Juste ciel! qu'ils sont prompts! je les vois en parole.
Allons nous préparer à jouer notre rôle.

SCENE III.

ANSELME, MASCARILLE.

MASCARILLE.

La nouvelle a sujet de vous surprendre fort.

ANSELME.

Etre mort de la sorte!

MASCAKILLE.

Il a, certes, grand tort:

Je lui sais mauvais gré d'une telle incartade.

ANSELME.

N'avoir pas seulement le temps d'ètre malade!

MASCARILLE.

Non, jamais homme n'eut si hâte de mourir.

Et Lélie ?

ANSELME.

MASCARILLE..

Il se bat, et ne peut rien souffrir;
Il s'est fait en maint lieu contusion et bosse,
Et veut accompagner son papa dans la fosse:
Enfin, pour achever, l'excès de son transport
M'a fait en grande hâte ensevelir le mort,
De peur que cet objet, qui le rend hypocondre,
A faire un vilain coup ne me l'allât semondre.

ANSELME.

N'importe, tu devois attendre jusqu'au soir;
Outre qu'encore un coup j'aurois voulu le voir,
Qui tôt ensevelit bien souvent assassine;
Et tel est cru défunt qui n'en a que la mine.

MASCARILLE.

Je vous le garantis trépassé comme il faut.
Au reste, pour venir au discours de tantôt,
Lélie, et l'action lui sera salutaire,

D'un bel enterrement veut régaler son pere,
Et consoler un peu ce défunt de son sort
Par le plaisir de voir faire honneur à sa mort.
Il hérite beaucoup: mais comme en ses affaires
Il se trouve assez neuf et ne voit encor gueres,
Que son bien la plupart n'est point en ces quartiers,
Ou que ce qu'il y tient consiste en des papiers,
Il voudroit vous prier, ensuite de l'instance
D'excuser de tantôt son trop de violence,
De lui prêter au moins pour ce dernier devoir...

ANSELME.

Tu me l'as déja dit; et je m'en vais le voir.

MASCARILLE, seul.

Jusques ici du moins, tout va le mieux du monde.
Tachons à ce progrès que le reste réponde;
Et, de

peur de trouver dans le port un écueil, Conduisons le vaisseau de la main et de l'œil.

SCENE IV.

ANSELME, LÉLIE, MASCARILLE.

ANSELME.

Sortons; je ne saurois qu'avec douleur très forte
Le voir empaqueté de cette étrange sorte.
Las! en si peu de temps! Il vivoit ce matin!

MASCARILLE.

En peu de temps par fois on fait bien du chemin.

Ah!

LÉLIE, pleurant.

ANSELME.

Mais quoi, cher Lélie! enfin il étoit homme. Or n'a point pour la mort de dispense de Rome.

Ah!

LÉLIE.

ANSELME.

Sans leur dire gare, elle abat les humains, Et contre eux de tout temps a de mauvais desseins.

Ah!

LÉLIE.

ANSELME.

Ce fier animal, pour toutes les prieres,

Ne perdroit pas un coup de ses dents meurtrieres. Tout le monde y passe.

LÉLIE.
Ah!

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