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« Ce qui dégoûte les bons esprits des sciences metaphysiques, c'est que, pour l'ordinaire, on commence par ne pas s'entendre, et l'on finit par se quereller. » Le duc DE LÉVIS.

Les maitres de métaphyisque ressemblent aux maîtres à danser, qui se présentent habillés à leur avantage. Ils font une couple de révérences, parcourent la chambre dans les attitudes les plus gracieuses, déploient toutes leurs grâces, sont dans

un mouvement continuel sans avancer d'un pas, et finissent par revenir à la même place d'où ils sont partis. Cela peut être juste, aux grâces près, pourtant.

MÉTAYER, s. m. fermier qui fait valoir une métairie, du latin barbare medietarius, comme metairies, qu'on a dû écrire anciennement méiaieries, vient de medietariæ; parce que, comme dit le P. Labbe (Etymologies des mots françois, Paris, 1661), a souvent on les donne à moitié, au tiers, ou autrement, selon les coutumes du pays, et les charges qui y sont apposées. On dit aussi du méteil, blé mélangé, mediatum frumentum. »

« Les François qui donnoient telles maisons (leurs maisons des champs, prædia) à moitié de profit à leurs fermiers, leur donnèrent le nom de métairies, à medietate fructuum (de la moitié des fruits ou du produit des fruits qu'ils retiroient).» BERGIER, de l'Antiquité de Rheims, p. 68, in-4o, Rheims, 1635.

« Les Romains avoient en trèsgrande recommandation le louage qui se faisoit de leurs terres à moitié : et pour ceste cause voyons-nous estre faicte en leurs loix si fréquente mention d'un colon partiaire (les Latins l'appellent colonum partiarium....... - C'estoit chose assez familière en la ville de Rome d'affermer ses terres à moitié de grain. Ceste mesme coustume semble s'estre insinuée entre nos anciens : car, à bien dire, le mot de métayer nous est aussi propre pour cest effect que le partiaire en latin, l'un prenant sa dérivation de partiri (partager), et l'autre du mot de moitie. Pour laquelle cause mesmement

vous trouverez en quelques vieux contracts que tels fermiers sont appellez d'un mot barbare medietarii, qui vaut autant que s'ils eussent esté appellez partiarii. Depuis comme toutes choses prennent divers plis, aussi s'est ceste particularité de coustume, changée de manière que soit que l'on baille en argent, où en bled, ou à moitié, nous les appellons tous mélayers,» PASQUIER, Recherches de la France, 1. vir, c. 46.

Plus loin, dans les guérets d'une vaste étendue,
Le troisième labour a plongé la charrue.
De nombreux métayers, armés de l'aiguillon,
Suivent des boufs pesans le pénible sillon.

AIGNAN, trad. de l'Iliade, liv. XVIII. MÉTEMPSYCOSE, s. f. du grec trà meta), qui marque changement, d'iv (en) dans, et on (psuché) ame; transmigration de l'ame d'un corps dans un autre. Pythagore enseigna la metempsycose dans la Grèce et dans l'Italie, vers la 62e olympiade; mais il parait l'avoir prise chez les prêtres égyptiens, qui enseignaient qu'après la mort l'ame passait successivement dans les corps des animaux terrestres, aquatiques et aériens, circuit qu'elle achevait en 3000 ans, après quoi elle revenait animer le corps de l'homme.

Lâches humains, glacés par l'effroi du trépas,
Eh! pourquoi redouter un enfer qui n'est pas,
Le Styx qui ne coula que dans les vers d'Homère,
L'empire ténébreux, fabuleuse chimère,
Et le triple Cerbère, et l'infernal nocher?
Consumé par le temps, ou mis sur le bûcher,
Le corps ne souffre point; et son ame immortelle
Passe en un autre corps, sa demeure nouvelle.
Tout change, et rien ne meurt : l'ame, essence lé-
[gère

Errant d'un corps à l'autre, hôtesse passagère,
De l'homme à l'animal, va, revient tour a tour,
Et survit aux débris de son frêle séjour.

DESAINTANCE, ‚ trad, des Métamorph. liv. xv. Virgile a aussi expliqué en beaux vers, ce dogme de Pythagore sur la transmigration des ames, dans son 6 livre de l'Eneide. Voyez les traductions de Delille et de Gaston.

Damon pour la métempsycose
A fait un traité curieux;

Il le croit si parfait qu'il ose

Assurer hautement qu'on ne peut faire mieux.
Du moins il est très-vrai qu'en s'y rompant la tête,
Damon dans ce savant écrit

A clairement fait voir que son esprit
Loge dans le corps d'une bête.

MÉTÉORE, s. m. (prríwpos, élevé ; racine, μerà, au-dessus; άípety, élever). Les faits et les hommes les plus éclatans pálissent, comme les météores, en s'éloignant.

MÉTÉOROLOGIE, S. f. science qui a pour objet les météores.

« La météorologie de Garceus suppléera ce que vous pourriez ici souhaiter.» CHOLIÈRES, Contes, t. 11, Se Aprés-disnée.

Ce mot, qui se trouve dans le Dict. de Trévoux et dans le Dict. encyclopédique, a été souvent employé par les modernés. Quelques écrivains de nos jours ont cherché à introduire le mot météorologue. « Au reste, dit M. Pougens, à qui nous empruntons cet article, météorologue ne me parait pas de nature à être admis dans notre langue. Je préfèrerais le mot météorologiste employé par les Anglais. »

MÉTHODISTE, s. m. C'est le nom que Buffon donne aux auteurs qui ont suivi diverses méthodes en botanique. On le dit aussi des médecins qui suivent la méthode et les règles prescrites en médecine, par opposition aux empiriques qui ne suivent qu'une aveugle pratique. Ce mot, qui n'est pas ancien, est omis dans Trévoux et dans le Dict. de l'Académie.

MÉTIER, s. m. qu'on a écrit d'abord mestier, du latin ministerium (ministère, charge, office), proprement, profession d'un art mécanique. Il vient, selon Est. Pasquier, de menestrier.

« Ainsi le voyons-nous, dit-il, dans certaines lettres de Charles cinquiesme régent, du 27 février 1353, pource que sur la chartre des ouvriers, laboureurs, manouvriers, et menestriers, nous avons fait certains statuts (c'est-à-dire, gens de mestier): le latin les appelle ministeriales. » Recherches de la France, liv. vIII, ch. 37.

Métier se dit au figuré des professions les plus nobles, mais il faut qu'il soit accompagné d'une expression qui le fortifie :

Dans le métier des rois tu le devrais instruire. L'abbé GENEST, Pénélope, act. v, so. 2.

« Tout gentilhomme se croyait essentiellement appelé au métier de la guerre.» GEOFFROY, Œuvres de J. Racine, t. 11, p. 285.

« Il est heureusement employé par Racine dans le sens le plus bas. Athalie dit à Joas:

Laissez là cet habit, quittez ce vil métier. On ne peut exprimer plus fortement le mépris de cette reine pour le sacerdoce des Juifs.» VOLTAIRE, Remarques sur Corneille.

On dit faire un métier, en joignant une épithète à ce mot : faire un métier fatigant, lucratif, etc. et figurément avec les qualificatifs possessifs mon, ton, son: faire son métier, pour signifier exercer exactement les obligations de sa charge, de son emploi; et aussi, en mauvaise part, pour dire faire des actes conformes à son caractère, à ses inclinations vicieuses : ce fripon, en vous volant, a fait son métier. On dit dans le même sens faire le métier de brigand, d'escroc, de mouchard, etc.

Quand on fuit comme vous métier d'être railleur, Il faudrait mieux savoir payer de sa personne.

COLLIN-D'HARLEVILLE, Malice pour Malice. Ces gens qui par une ame à l'intérêt soumise Font de devotion métier et marchandise.

MOLIÈRE, le Tartufe, act. 1, sc. 6. On a dit anciennement métier pour besoin si métier est pour si besoin est. On le trouve en ce sens dans les Fabliaux de Barbazan.

« Ainsi la dame attourna Lancelot de tout ce que mestier lui fut » (besoin lui fut). Lancelot du Lac, édit. de 1520.

Métier signifie encore machine servant à la fabrication de certains ouvrages.

Lorsqu'Arachné, sur des métiers divers,
L'aiguille en main coloroit l'univers,
Que de l'Olympe elle étendoit le voile,
Ou captivoit l'Océan sur la toile.

DE BERNIS.

Avoir, mettre, remettre un ouvrage sur le métier, en parlant des productions de l'esprit, sont des locutions figurées et familières :

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Voltaire écrivait à M. Thiriot sous la date du 1er mai 1738 : « J'ai toujours Mérope sur le métier. » Correspondance générale, t. 11.

poésie, est fort ancien dans notre langue.

«Les livres lesquels clercs, sages et éloquens, philosophes et poètes, ont fait et composé tant en mètres comme en prose. » MONSTRELET, Pro

On peut encore l'employer pour vers, pour poésie, mais seulement dans les pièces badines et dans le style marotique.

MÉTIS, ISSE, adj. et s. de l'es-logue du ne liv. pagnol mestizo, venu du latin mixtus (mêlé). On a dit anciennement métif, mestis et metiz; ce dernier se lit dans Nicot, en son Trésor de la langue française. Il a signifié dans le principe engendré de diverses espèces, comme le léopard du lion et d'une panthère, le mulet d'une jument et d'un âne, etc. Il se dit plus particulièrement aujourd'hui de l'homme né d'un Espagnol et d'une Indienne, ou d'un Indien et d'une Espagnole.

Il y a des formes mestisses et ambigues entre l'humaine nature et la brutale. » MONT. liv. 11, ch. 12.

« J'ay veu de mon temps mil'hommes souples, mestis, ambigus, et que nul ne douptoit plus prudens mondains que moy, se perdre où je me suis sauvé. » Le même, l. 11, ch. 16.

« De se tenir chancelant et mestis, de tenir son affection immobile et sans inclination aux troubles de son pays, et en une division publique, je ne le trouve ni beau, ni honneste.» Le même, liv. 111, ch. 1.

Scarron l'a pris dans le sens d'illégitime, de bâtard :

Vers la terre d'où sont sortis,
Tant légitimes que métis,

Vos ayeux tant hommes que femmes. MÈTRE, s. m. du grec perpov (mé tron) mesure. Ce mot, dans la signification d'unité principale des nouvelles mesures, n'est connu en France que depuis l'adoption du nouveau système des poids et mesures, c'est-àdire depuis 179.., et en ce sens il entre dans la composition de plusieurs termes pour exprimer des mesures de longueur qui ont rapport au mètre, comme décamètre, longueur de dix mètres ; décimètre, la dixième partie d'un métre; centimètre, la centième partie d'un mètre; millimètre, la millième partie d'un mètre.

MÈTRE, dans le sens de vers, de

Maître Vincent, le grand faiseur de lettres,
Si bien que vous n'eût su prosaïser;
Maître Clément, le grand forgeur de mètres,
Si doucement n'eût su poétiser.

J. B. ROUSSEAU.

Les mètres inégaux, fils d'un heureux délire,
Courent légèrement; l'à-propos les inspire.

CHAUSSARD, Poétique secondaire, chant 1. De mètre, dans la signification de vers ou de rhythme, on a dérivé métrique, adj. et métrifier, verbe, pour dire faire des vers; mais ce dernier ne s'est pas accrédité, et ne pourrait être employé qu'en plaisantant.

MÉTRODIABLE, s. m. mot forgé à plaisir, mais qui n'est pas reçu, pour exprimer un démon, un diable qui nous pousse à faire des vers.

Le métrodiable qui t'opprime,
Te force, dis-tu, de rimer :
Eh bien, mon ami, rime, rime
Mais ne te fais pas imprimer.

MÉTROMANIE, s. f. manie de faire des vers.

MÉTROMANE, s. m. celui qui est possédé de cette manie. C'est à l'excellente comédie de Piron, qui a pour titre la Métromanie, représentée en 1738, que la langue est redevable de ce mot. De métromanie on a fait ensuite métromane; mais l'un et l'autre ne se disent que par dérision et par critique.

MÉTROPOLE, s. f. du latin metropolis, formé sur le grec pntpórolis (metropolis), venu de prop (méter) mère, et de rois (polis) ville. Les Grecs entendaient par métropole une ville-mère, d'où sortaient des colonies qui allaient s'établir dans d'autres

pays.

« Métropolis, mère cité, » est-il dit dans le Dictionnaire latin-fran

çais rapporté par le P. Labbe, à la suite de la re partie des Etymologies des mots françois, Paris, 1661.

Les Romains nommèrent métropole la ville principale ou capitale d'une province; et comme le gouvernement ecclésiastique se régla dans la suite sur le gouvernement civil, les siéges épiscopaux établis dans les villes capitales de chaque province prirent, dans le 3e siècle, le nom de métropolitains, et les églises celui de métropoles. Eusèbe appelle Lyon et Vienne les métropoles des Gaules.

« L'avarice est la métropole de toutes les méchancetés. » Le philosophe Bion.

METS, s. m. écrit mes dans Jacq. Sylvius et dans Robert Estienne, du latin missus (ce qu'on met sur la table, service).

Les mets inapprêtés qui forment leur repas. DELILLE, les Trois Règnes de la Nature; ch. vII.

Moins d'éclat, plus de mets: On ne se nourrit point de bijoux, de hochets. la Gastronomie.

BERCHOUX,

« Plenst or' à Dieu que Machiavel, au lieu de plusieurs autres discours, nous eust servy de ce premier mets! » EST. PASQ. liv. ix, lettr. 7, c'est-àdire, se fùt borné à mettre sous nos yeux les leçons qu'offrent aux rois les trois premiers livres de Tite-Live.

METTABLE, adj. verbal de mettre. Il s'emploie ordinairement avec la négative. Cet habit n'est pas mettable, n'est plus mettable.

Nos pères disaient : c'est un homme mettable, estimé, qu'on peut voir. Cela ne se dit plus.

L'esprit n'y sera point pédant,
Le savoir n'y sera mettable
Que sous les traits de l'agrément.

GRESSET, la Chartreuse.

METTEUR, S. m. celui qui met. Il ne se dit que dans cette acception metteur en œuvre, ouvrier qui monte des pierreries.

METTRE, V. du latin mittere, proprement envoyer, et, par extension, nous lui avons fait signifier envoyer dans un endroit pour s'y fixer, ou placer, mettre.

« Mettre, dit Ch. Bouilles, pendet à mittere quanquam rarò Latini mittere pro eo quod est ponere usurpent. Mittere enim dicunt vulgò envoyer mets ton glaive en sa gaîne, mitte gladium tuum in vaginam. » De Origine Dict. gall.

Bourse à la main, Paul comptait une somme
A Grapignan, l'avide
procureur
Qui, convoitant tout l'argent du pauvre homme,
Toujours disait : « Mette:, mette, Monsieur.
- Las! j'ai tout mis, dit le triste plaideur,
Montrant sa bourse, et dût-on m'aller pendre,
Je n'ai plus rien à mettre de nouveau.
- Encore un coup, Monsieur, daignez m'en-
[tendre,

Dit Grapignan, mettez votre chapeau.

« Ne mettez guères, pour ne soyez pas long-temps, ne se dit plus. » TH. CORNEILLE, sur Vaugelas.

Se mettre,

s'habiller. « Les dévotes ont presque partout la même façon de se mettre; c'est leur uniforme. >>

MARIVAUX.

MEUBLE, s. m. ( mobile, de movere, mouvoir).

La vertu, sans l'argent, est un meuble inutile.

BOILEAU.

MEUBLER, . « Avec intention de meubler notre langue. » EST. PASQ. liv. x, lettr. 5.

« Il avait à quatre ou cinq milles de Londres une petite maison de campagne toujours meublée de quelques grisettes. » HAMILTON, Mém. de Gramont.

MEULE, s. f. du latin mola, qui a la même signification.

Saint-Simon dit d'un prince impérieux, féroce, etc. « C'était une meule toujours en l'air, qui faisait fuir devant elle, etc... » Tom. III, ch. 4.

C'était une meule de plus attachée au cou du père, qui en sentait tout le poids. » Le même, tom. v, liv. 12, ibid.

MEURTRI, E, part. Voy. MEUR

TRIR.

MEURTRIER, S. m. celui qui a commis un meurtre. MEURTRIÈRE, s. f. celle qui a commis un meurtre.

Nos anciens poètes faisaient ce mot de deux syllabes:

Le meurtrier que la peur bourrelle incessamment. THEOPHILE, Pyrame et Thisbé, act. 111, sc. 1.

Je connais le meurtrier, et j'attends son supplice. BOTROU, Venceslas, act. iv, sc. 6. L'Académie, dans ses décisions sur le Cid, reproche à Corneille d'avoir donné trois syllabes à ce mot qui, dit-elle, n'est que de deux; sur quoi Voltaire fait la remarque suivante :

« Meurtrier, sanglier, etc., sont de trois syllabes; ce serait faire une contraction très-vicieuse, et prononcer sangler, meurtrer, que de réduire ces trois syllabes très-distinctes à deux. » Remarques sur Corneille, au lieu cité.

« Remarquons, en passant, dit M. Nodier, dans son Examen critiq. des Dict. de la lang, franç. pag. 262, que nous ne rendons pas assez de justice à Corneille, sous le rapport de l'intelligence, du nombre et de l'harmonie. La prosodie de notre langue et la mesure d'une foule de mots analogues à celui-ci n'étaient pas encore déterminées de son temps. Son tact exquis le prémunit contre l'autorité même de ses juges. Il compta trois syllabes où Chapelain n'en comptait que deux, et Racine a compté comme lui. Il existait dernièrement à Paris un journal dont les rédacteurs comptaient comme Chapelain. Chacun a son goût. »

Meurtrier, meurtrière sont aussi adjectifs, surtout en poésie. Vous repoussez, seigneur, une main meurtrière. RACINE, Bajazet.

Et brandissant sa lance meurtrière.

VOLTAIRE.

Elle a de certains yeux, de certaines manières,
Des souris attrayans, des mines meurtrières.

BEGNARD, Démoc. am, act. 11, sc. 5. Molière a dit un peu burlesquement : « Vos yeux, belle Philis, se mettent sur leur garde meurtrière. »

Racine s'est servi de cet adjectif en parlant des personnes, et son autorité est d'un grand poids :

Bientôt de Jésabel la fille meurtrière,
Instruite que Joas voit encor la lumière,
Dans l'horreur du tombeau viendra le replonger.
Athalie, act. Iv, sc. 3.

MEURTRIR, v. dérivé de mors (mort). Ce mot était autrefois syno

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nyme de tuer, massacrer, assassiner. Ει pour te rendre infâme, T'ont fait meurtrir tes enfans et ta femme.

RONSARD.

<«<Lui qui, sans pitié, faisoit cruellement meurtrir tant de gens tous les jours. » MONTAIGNE, Essais, tom. vi, pag. 88, Paris, 1790.

Il ne signifie depuis long-temps que faire une contusion, blesser; et, en parlant des fruits, les froisser. Le boxeur furieux, tout bouillant de colère, S'élance sur son adversaire, Meurtrit, à poings fermés, et sa tête et ses bras, Fait voler ses dents en éclats; Son art est un fléau, son triomphe est un crime. DELILLE, la Conversation, ch. 11.

MEURTRI, E, part. de meurtrir. Il se prenait autrefois dans le sens que l'on donnait à son verbe, c'est-à-dire, dans celui de tué, massacré, assassiné.

Je verral satisfaite entrer au monument
De mon époux meurtri le premier instrument.

CYRANO-BERGERAC, Agrippine, act. 1, sc. 3. Pour un frère meurtri ma douleur a des larmes. ROTROU, Venceslas, act. v, sc. I. Racine a voulu rappeler ce mot à sa première signification :

Allez, sacrés vengeurs de vos princes meurtris;
De leur sang par sa mort faites cesser les cris.
Athalie, act. v, sc. 6.

«Je crois, dit L. Racine, que quand il rend au verbe meurtrir son ancienne et naturelle signification, il rappelle à dessein ce vieux mot, parce que les vieux mots sont quelquefois nobles en vers. » Reflexions sur la poésie.

« Meurtris pour assassinés, est un beau mot poétique dont notre versification a besoin, et que l'auto rité de Racine aurait dû faire revivre. » GEOFFROY, sur Racine, au lieu cité.

« L'usage ne donne aujourd'hui à meurtri d'autres sens que celui qu'il a conservé à son verbe; il signific donc qui a reçu une contusion, et, en parlant de fruit, froissé, foulé, écaché.

Mais je n'ai plus trouvé qu'un horrible mélange
D'os et de chair meurtris et traînés dans la fange,
Des lambeaux pleins de sang et des membres af-
[freux,
Que des chiens dévorans se disputaient entr'eus,
Athalie, act. 11, sc. 5.
RACINE,

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