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de l'édit du timbre. Mon frère à Rennes. duite de M. de Nouainville.

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- Belle con

Refus de faire tirer ses sol

dats sur le peuple. - Projet de l'archevêque de Toulouse. -M. de Loménie renvoyé du ministère.

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Le mannequin brûlé en cérémonie. Troubles de Paris. Le commandant du guet. Menace de brûler les hôtels des ministres. -Le peuple menacé dans la rue St-Dominique, la rue Meslay et place de Grève. - Les gardes-françaises. - Cadavres jetés dans la rivière. Louis XVI, la reine et la famille royale.

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A l'époque où ma famille vint s'établir à Paris, la popularité du parlement était immense, il pouvait en user pour le bien et le bonheur de tous en s'emparant du mouvement. La France, quoiqu'elle renfermât en elle tous les élémens de troubles qui se développèrent peu après, n'avait pas encore avoué son état de révolution; mais tout faisait pressentir une révolution, et les plaies étaient assez visibles pour que l'on connût où il fallait porter,

remède. Nous vîmes alors ce qui s'est vu depuis, ce que nous voyons, ce que nous verrons toujours; les intérêts privés succédant à de beaux élans patriotiques; le désir de briller dans une longue harangue remplie de traits d'érudi tion, qui rappelaient Charles V ou PhilippeAuguste, sans qu'il y eût place pour la défense d'un pauvre petit village dont l'orateur était mandataire, et cela après la conduite la plus héroïque. C'est ainsi que Despréménil, après avoir eu le courage de déjouer les projets de l'archevêque de Toulouse', et s'être montré dans cette affaire en vrai tribun du peuple, apparut ensuite sous l'apparence d'un illuminé ou plutôt d'un fou en répondant à M. de Malesherbes, au sujet de l'état civil des protestans.

Despréménil s'était procuré, à force d'or, une

1 Il voulait frapper le parlement de nullité en lui ôtant le droit de remontrance, et nc lui laissant que ses fonctions de judicature. Pour y parvenir, il créait une cour plénière, composée de grands seigneurs laïques et ecclésiastiques. Ensuite il faisait six grands bailliages; tout ce plan pouvait être bon théoriquement, mais le moment était surtout fatal pour une aussi grande innovation dans la monarchie; il en résultait qu'on détruisait sans reconstruire. M. de Loménie voulait imiter la constitution anglaise, il oubliait la chambre des communes que les grands bailliages étaient bien loin de remplacer.

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épreuve des édits ministériels lorsqu'il les lut aux chambres réunies', la plus profonde indignation, un désir de vengeance allumèrent une guerre funeste entre la cour et le parlement. Blessé dans tous ses intérêts, il devenait un ennemi, et un ennemi dangereux. La lutte s'engageait chaque jour davantage. Le ministre, furieux de la divulgation de ses projets, répondit par l'arrestation arbitraire de Despréménil, aux clameurs du parlement. Paris grondait sourdement; partout régnait une fermentation du plus sinistre augure. Dans cette occurrence, M. de Brienne, qui ne savait céder ni sévir à propos, fait déclarer tous les parlemens du royaume en vacances. Ce fut un second appel à l'insurrection. Il semblait en vérité qu'elle ne vînt pas assez vite. A cette époque, mon frère, qui était alors au service, alla rejoindre son régiment, alors en garnison à Saint-Brieux, Comme il avait beaucoup de lettres de recommandation pour Rennes, il y passa ce qui lui restait de temps disponible, avant de gagner sa garnison. Rennes était, à cette époque, dans un état de fermentation et d'irrita bilité qui devait amener un éclat. La magistrature et la noblesse s'étaient réunies pour protester d'avance contre toute atteinte portée à leurs droits. La noblesse fut plus loin, elle dé

clara infâmes ceux qui accepteraient un des nou→ veaux emplois, et elle envoya cette protestation par des députés qui furent arrêtés en chemin par ordre des ministres.

I

Un matin, mon frère est réveillé par un grand 'tumulte. Il apprend que Bertrand de Molleville et le comte de Thiars , ayant voulu faire enregistrer les édits, courent le plus grand danger. Il s'habille, prend son épée, ses pistolets, et court aussitôt du côté des casernes du régiment de Rohan-Chabot, qui était alors en garnison à Rennes ; il y avait plusieurs amis, et craignait pour leur sûreté, quoiqu'il connût la noble manière de penser de la plupart d'entr'eux.

L'effervescence était au comble lorsqu'il arriva sur le lieu du tumulte. Les soldats euxmêmes, irrités des injures du peuple, perdaient aussi patience, et la scène allait peut-être devenir sanglante lorsqu'un homme, dont le nom n'est pas assez connu, s'immortalisa dans cette journée par sa belle conduite. Le peuple s'avançait avec des dispositions qui faisaient tout craindre de lui. Les soldats n'attendaient que l'ordre de tirer lorsque M. Blondel de Nouainville, capitaine dans Rohan-Chabot, est commandé pour

1 L'un, intendant; l'autre, commandant de la province.

diriger la triste expédition de la force contre le peuple; il se précipite au milieu de la foule en jetant ses armes, et s'écrie: « Mes amis, qu'allez> vous faire? Ne vous égorgez pas.... Ne sommes» nous pas tous frères? Soldats, halte!... »

Quel est le cœur français qui n'entendrait pas un tel cri? La troupe et le peuple s'arrêtent au même instant; mais ils se réunissent aussitôt pour entourer M. de Nouainville, le prendre, le porter en triomphe, montrant ainsi que tout appel fait par une voix généreuse est toujours entendu et compris par un peuple comme le nôtre.

Mon père, que des relations de confiance mettaient en rapport avec M. Necker, lui mena mon frère pour qu'il entendit de sa bouche le récit des événemens de Rennes, lorsqu'en 89 on envoya le maréchal de Stainville en Bretagne à la tête d'un corps de quinze mille hommes. L'opinion de mon père était que, dans une province comme la Bretagne, c'était envoyer des matières à incendie au lieu de moyens de répression. Mon frère avait alors vingt-deux ans, et son jugement, mûri par de longs voyages, une éducation parfaite dirigée par un père habile, le mettait en état, malgré sa jeunesse, non seulement d'observer, mais de tirer de ses observa

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