Images de page
PDF
ePub

CHAPITRE X.

Louis XVI à l'Hôtel-de-Ville au 14 juillet.

[ocr errors]

·Scènes de la révolution. - Mon père voulant acheter la charge de fermier-général de M. Rougeau. Affaire de Réveillon.Mon père retire sa parole donnée conditionnellement. Départ de mon père et de mon frère pour l'Angleterre. -Retour de mon père. Duel de mon père avec M. de Som...le, officier du régiment de mon frère. - Retour de mon frère. Visite domiciliaire et perquisitions sur l'âge

[blocks in formation]
[ocr errors]

L'homme aux visites domiciliaires. Vi

[ocr errors]

site de Napoléon Bonaparte - Napoléon allant à la section pour mon père. Conseils de prudence donnés par Bonaparte. Le 10 août et le jour de ma fête. rapprochement. Inquiétude et fatale journée. sauvons deux de nos amis. - M. de Condorcet nous aide à

[ocr errors]

[blocks in formation]

ciation contre mon père.

sang.

Triste

- Nous

[blocks in formation]

Départ de mon père et de ma mère, et déguisemens indispensables. Ma sœur et moi en pension sous la garde de mon frère.

LE sort de Louis XVI, pendant les dix-neuf années de son règne, fut toujours malheureux. Il doit y avoir une raison à une semblable continuité

d'infortune, et je crois l'avoir trouvée. Malgré sa rigide vertu, sa bonté, son amour pour le peuple, Louis XVI ne pouvait éloigner de sa pensée qu'il était roi de France par la grâce divine. Ce droit lui paraissait bien autrement imprescriptible que tous les autres. Cependant des lueurs de cette raison vertueusement philosophique, telle que devait être la lumière pénétrant dans une âme comme la sienne, lui donnaient souvent des doutes. De là cette incertitude dans ses démarches, cette hésitation pour avancer, tandis qu'il était inaltérable dans sa dignité. Là seulement les deux hommes commencent à s'apercevoir; là se trouvent en présence l'homme fort de sa vertu, de sa religion, de son humanité, et le roi, faible de ces vieux préjugés que Louis XIV légua à ses descendans héritage bien autrement funeste que ses trois milliards de dettes.

Ces diverses remarques purent être faites lorsqu'après le 14 juillet le roi fut conduit à l'Hôtelde-Ville de Paris pour sanctionner la révolution qui venait d'avoir lieu contre lui. « Son aspect, nous dit mon père ', avait une expression admi

de

1 Ces réflexions sur Louis XVI sont tirées d'un ouvrage mon père en manière de journal, qui fut après sa mort rédigé par mon frère et retenu par le duc d'Otrante, auquel je l'avais confié.

rable. Il était calme, quoique profondément affecté, ce qui inspirait une pitié respectueuse à tout ce qui l'entourait. » En effet, la position de Louis XVI était bien faite pour provoquer tous les sentimens de cette nature. Depuis long-temps, sans doute, il voyait l'horizon s'obscurcir, et l'orage s'amonceler et menacer sa tête mais tout était loin. Maintenant le danger était là, devant lui. Le péril et le souverain se trouvaient face à face, et lorsque ce dernier n'avait plus de poupour le conjurer.

voir

:

On s'apercevait, disait mon père, que le roi jugeait sa position par l'expression pieuse de son regard. Il la voyait en chrétien, s'il ne la jugeait pas en roi. Tout son maintien était remarquablement imposant par une dignité personnelle douce et fière qui provoquait à la fois dans ceux qui lui étaient dévoués l'impatience et les larmes.

Avant cette révolution du 14 juillet, on avait éloigné M. Necker; il fut rappelé après cet immense événement. On pouvait juger à cette indécision de volonté, que le navire n'avait plus de pilote, et que tout allait en dérivant.

Ce fut à cette époque, qu'un bruit, qui circulait depuis long-temps, prit une sorte de consistance; il s'agissait du duc d'Orléans. On lui attribuait le titre de chef de parti; et les publicistes

d'alors attachaient à son nom toutes les rêveries qu'ils enfantaient chaque jour pour faire les plans que leur suggérait l'opinion qu'ils avaient, qu'il fallait habiller la France à l'anglaise. Cela pouvait être bon jusqu'à un certain point, mais un calque pris sur la constitution anglaise, n'est pas ce qu'il nous faut. De même qu'une femme française ne sera pas bien mise avec des modes purement britanniques que n'auront pas rectifiées sa grâce et son bon goût, parce qu'elle n'aura pas ce teint de crême, ces yeux de lapis, ces cheveux de soie de Piémont, qui sont généralement le partage d'une femme anglaise; de même aussi, notre nation ne doit pas être gouvernée d'après les mêmes erremens, et recevoir les mêmes lois politiques que l'Angleterre. On aurait voulu M. le duc d'Orléans, parce que dans la révolution d'Angleterre on avait abandonné la branche directe pour prendre le prince d'Orange. A force de l'entendre dire, le duc d'Orléans finit par croire qu'en effet il pouvait se mettre à la tête d'un parti, et il est devenu chef de faction, sans aucune des qualités que cette position exige,

J'ai également vu entre les mains de ce même ami de Mirabeau, M. de Bonnecarère', un billet écrit

L'amitié qui existait entre Bounecarère et Mirabeau avait

après un soupé au Raincy, dont je me rappelle une phrase fort remarquable. Après quelques mots, qui avaient un rapport mystérieux au soupé, il disait: « Dans un total, ordinairement » le résumé d'un compte, un zéro remplaçant un >> zéro, ne fait rien à la somme. Mon ami voilà toute » l'affaire, il ne faut penser à rien sur le chemin de » Brie, si ce n'est pour aller y chercher de la crême » de Meaux; savez-vous que c'est une excellente

été des plus vives. Bonnecarère regrettait beaucoup que son ami fût mort lorsqu'il avait eu le portefeuille du ministère des affaires étrangères; car rien alors n'aurait empêché le rapprochement tant désiré et si nécessaire. J'ai été intimement liée avec Bonnecarère pendant mon séjour à Versailles, et j'ai vu dans ses nombreux papiers des pièces du plus haut intérêt relativement à ces époques. Il voulait en faire un recueil et les publier, je l'en ai empêché, et je m'en repens presque aujourd'hui; car ce sont des documens pour l'histoire, il avait des lettres originales d'une foule de personnages intéressans, et surtout de Mirabeau et de Laclos (l'auteur des Liaisons dangereuses). Son amitié pour Mirabeau avait survécu à son objet, malgré le temps et tout ce qui s'était passé pendant vingt-cinq ans. Il avait l'original de ce beau portrait où il est représenté adressant au roi le fameux discours pour le renvoi des troupes; puis un autre, où il est peint écrivant dans son cabinet; et puis un petit buste, un plus grand, et le beau buste si connu, ensuite une gravure; enfin dans son apparte ment on était entouré de Mirabeau.

« PrécédentContinuer »