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avec soi le développement, le complément de son idée, et où il s'agit de définir plus que de raisonner, la méthode n'est pas aussi nécessaire. Il y a d'ailleurs des avantages incontestables dans l'ordre alphabétique; l'un est de donner à une longue suite de préceptes l'attrait de la variété, l'autre est de présenter dans chacun des articles tout son objet sous divers rapports.

Quant à la manière de procéder pour la rédaction de ce Dictionnaire, j'ai suivi le conseil de l'abbé Sabatier de Castres. « Si l'on voulait donner à quelqu'un, dit-il, l'idée d'une machine un peu compliquée, on commencerait par démonter cette machine pour en faire voir distinctement et séparément toutes les pièces; ensuite on expliquerait le rapport de chacune de ces pièces à ses voisines, et en procédant ainsi, on ferait entendre clairement le jeu de toute la machine, sans même être obligé de la remonter. Que doit

donc faire l'auteur d'un dictionnaire de science? C'est de dresser d'abord une table des principaux objets de la science dont il veut traiter, des différents termes qui y sont en usage, voilà la machine démontée: il prendra ensuite les parties principales dont il fera des articles étendus et distin

gués, et marquera avec soin par des renvois liaison de ces articles avec ceux qui en dépendent ou dont ils dépendent; il fera des articles abrégés avec un renvoi à l'article principal, sans craindre même de tomber dans des redites, lorsque ces redites seront peu considérables et qu'elles pourront épargner au lecteur la peine d'avoir recours à plusieurs articles sans nécessité. »>

Tel est le plan que j'ai tâché de suivre dans ce répertoire. Bien des détails où je suis entré paraîtront inutiles à des lecteurs instruits; je n'ai pas cru toutefois devoir les supprimer; n'ayant en vue que l'utilité de mes jeunes confrères, j'ai pensé qu'ils seraient bien aises de retrouver ici quelquesuns de ces préceptes qu'on étudie quelquefois trop à la hâte durant la jeunesse et dont il ne reste souvent dans l'esprit que des réminiscences vagues et confuses; c'est pourquoi j'ai parlé, en divers articles, de l'invention oratoire, qui comprend les arguments, les mœurs, les passions, des différentes qualités du style, soit générales, soit particulières, des figures de mots et de pensées, des règles à suivre pour l'exacte disposition du discours et de quelques autres principes élémentaires qui semblent appartenir exclusivement à un cours de rhétorique, mais dont il est bon de rafraîchir le souvenir dans la mémoire des jeunes prêtres qui commencent à s'exercer dans le ministère de la parole. Mais l'objet principal de ce recueil est l'éloquence sacrée; on y trouvera sur cette vaste matière toutes les règles et les conseils dont la connaissance est indispensable au prédicateur.

J'ai ajouté à la fin de chaque article un certain nombre d'indications à l'usage de ceux qui voudraient recourir aux sources où

j'ai puisé moi-même, et se livrer à des études plus étendues et plus approfondies. Afin d'abréger ces indications, je n'ai cité que les volumes et les pages qu'on devra consulter, me réservant de faire connaître ici, une fois pour toutes, les éditions que j'avais entre les mains.

Voici les ouvrages qui m'ont servi pour la rédaction de ce Dictionnaire. Je crois utile de les faire connaître en détail, pour en faciliter le choix aux ecclésiastiques qui voudraient se les procurer.

AUTEURS ANCIENS, PROFANES ET ECCLÉSIASTIQUES.

CICERON. Les traités de Cicéron sur la

rhétorique sont, suivant l'ordre que leur ont donné les éditeurs, 1° Quatre livres de la hétorique à Herennius; 2° deux livres de l'Invention; 3 trois livres de l'Orateur que l'auteur adresse à son frère Quintus; 4° un dialogue intitulé Brutus sur les orateurs illustres; 5 un traité de l'Orateur, adressé au même Brutus.

Tous ces ouvrages réunissent les agréments du style à la solidité des préceptes. Le fond en est tiré d'Aristote pour ce qui mœurs, mais la doctrine du maître y est perfectionnée par tout ce qu'une vaste érudition, un génie étonnant et une longue expérience pouvaient y ajouter.

Le traité de l'Orateur m'a paru celui dont la lecture peut être le plus utile. Je me suis servi de la traduction française qu'en publia l'abbé Colin en 1737, 1 vol. in-12, Paris. Cette traduction joint au mérite de la fidélité celui d'être écrite d'un style pur et agréable; la préface est elle-même, sinon une rhétorique complète, du moins une excellente introduction à la lecture de l'ouvrage de Cicéron. Les notes placées à la fin de chaque chapitre contiennent des explications, les unes grammaticales, les autres purement littéraires qui prouvent l'érudition et le goût du traducteur.

QUINTILIEN. De l'Institution de l'orateur. -Les douze livres de cet ouvrage sont écrits avec tout l'art, toute l'élégance, toute l'éner gie imaginables, et ils sont enrichis d'images et de comparaisons qui, en bannissant la sécheresse, cachent la méthode la plus exacte et la plus philosophique qu'on ait jamais suivie en matière d'éloquence. Cet ouvrage est si bien fait que Rollin ne craignait pas d'en porter ce jugement: Ex omnibus antiquis scriptoribus, qui magis prodesse juventuli possit, neminem prorsus reperiri posse arbitror. Je me suis servi de la traduction de l'abbé Gédoyn, revue, corrigée et augmentée par Capperonier, Lyon, 1812, 3 vol. in-12. Cette traduction ne vaut pas celle de l'abbé Colin, mais la préface est très-estimée.

LONGIN. Traité du sublime. — Cet ouvrage est un des plus propres à former un grand

orateur; il est admirable par la justesse et la profondeur des aperçus, la délicatesse, l'élégance, la simplicité et la force du style. J'ai cité quelquefois la traduction que Boileau en a faite. Boileau dit que Longin, en traitant des beautés de l'élocution, a employé toutes les finesses de l'élocution, que souvent il fait la figure qu'il enseigne, et qu'en parlant du sublime il est lui-même très-sublime.

Il n'est pas inutile d'ajouter qu'on peut encore lire avec fruit la Rhétorique d'Aristote et les fragments qui nous restent de Denys d'Halicarnasse. Ceux-ci sont des morceaux précieux, dont l'étude peut être très-profitable à quiconque aspire à l'éloquence. Ce que dit Aristote des mœurs et des passions, des preuves, de l'élocution et de toute l'économie du discours, est aussi d'une sagesse remarquable.

Assurément un ecclésiastique aura beaucoup à laisser de côté dans les ouvrages des anciens rhéteurs; il y trouvera bien des choses étrangères à son ministère; mais on ne peut révoquer en doute les avantages que lui procurera l'étude de ces grands maîtres. Quelques auteurs, entre autres l'abbé du Jarry, ont prétendu que les orateurs chrétiens ne doivent pas s'attacher aux règles d'éloquence que les orateurs profanes nous ont laissées. Saint Augustin n'est pas de cet avis: il dit, au contraire, qu'en suivant ces règles, le prédicateur fera plus de fruit; et la raison en est toute naturelle, c'est que ces règles ne nous apprennent autre chose, sinon que l'orateur doit instruire, plaire et toucher; or c'est ce que l'on attend de tout prédicateur: ce sont là pour lui des devoirs qu'il doit remplir. S'il n'était question que de voir les vérités de la religion et de la morale expliquées avec dignité, avec force, avec pompe même, en un mot, avec éloquence, il n'y a pas de doute, c'est dans l'Ecriture sainte, dans les Pères de l'Eglise et les auteurs ecclésiastiques, et non dans Cicéron, qu'on les trouve; mais s'il s'agit de voir les règles de l'éloquence bien enseignées, bien exécutées; de les voir réduites en art, et d'en apprendre les vrais principes et les fondements solides, il faut avoir recours aux livres des païens et à leurs traités de rhétorique. C'est dans ces sources que saint Augustin les a puisées; e'est de là qu'il les a empruntées pour former le style du ministre et du disciple de JésusChrist, en montrant que les règles qu'on pourrait se faire soi-même en lisant les auteurs sacrés, si elles sont vraies et justes, ne sont elles-mêmes que celles que les païens nous ont laissées, et qui ne sont point autrement pratiquées dans leurs ouvrages que dans ceux des chrétiens.

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vant être employé à persuader la vérité et le mensonge, serait-il juste que le mensonge s'en servant pour combattre la vérité, celle-ci ne s'en servit pas pour se défendre contre le mensonge?»

Il décrit les devoirs d'un orateur chrétien, faire tout ce que les rhéteurs enseignent et il marque, en peu de mots, « qu'il doit l'on parle. >> qu'il faut faire pour persuader ceux à qui

Il reconnaît « qu'il y en a qui peuvent parler sagement, mais qui n'ont pas le talent de parler éloquemment. » Il conseille à ces personnes de se servir beaucoup des paroles de l'Ecriture.

Après avoir distingué ces deux sortes de prédicateurs, il dit que « celui qui peut parler et sagement et éloquemment est préférable à l'autre, et profite davantage à ses auditeurs. »Il montre ensuite que l'éloquence n'a pas manqué aux auteurs canoniques, mais qu'ils en ont une qui leur est propre : il en rapporte plusieurs exemples. Après avoir parlé de l'éloquence des prophètes, il en vient aux prédicateurs, et il leur applique les plus importantes observations des maîtres de l'art oratoire. Il insiste sur le soin qu'on doit avoir de la clarté du style, qualité si essentielle qu'elle doit faire quelquefois négliger la beauté, et même la pureté du langage. Il dit qu'il y en a qui prêchent ce qu'ils ont préparé et appris par cœur, et d'autres qui n'apprennent pas de mémoire: il énumère les avantages que les seconds ont sur les premiers. Il explique les trois principaux devoirs de l'orateur: enseigner, plaire, toucher, et s'appuie sur l'autorité de Cicéron: Dixit quidam eloquens, et verum dixit, ita dicere debere eloquentem, ut doceat, ut delectet, ut flectat. C'est ce qu'il explique en d'autres termes, en disant que l'orateur chrétien doit parler de telle sorte qu'il soit écouté intelligenter, libenter, obedienter; c'est-à-dire qu'on comprenne bien ce qu'il dit, qu'on se plaise à l'entendre, et qu'on se rende à ce qu'il a voulu persuader.

Il va au-devant d'une objection qui est qu'on ne doit pas se mettre en peine d'enseigner aux prédicateurs ce qu'ils doivent dire et de quelle manière ils le doivent dire; car c'est le Saint-Esprit qui les doit enseigner: il la résout en disant que, si cette conséquence était rigoureuse, on pourrait prétendre aussi que nous n'avons pas besoin de rien demander à Dieu dans nos prières, puisque Jésus-Christ nous enseigne dans l'Evangile que Dieu connaît nos besoins avant que nous les lui manifestions.

Il approuve et développe un passage de Cicéron qui dit que, pour être éloquent, il faut dire les petites choses d'un style simple, les médiocres d'un style relevé, et les grandes d'un style grand et sublime: Parva submisse, modica temperate, magna granditer dicere. Ce que saint Augustin dit pouvoir se rapporter à ces autres paroles: Docere, movere, flectere: d'autant plus, ajoute-t-il,

qu'il n'y a rien de petit dans les choses dont un prédicateur doit parler. Il ne doit pas toujours néanmoins parler des grandes choses d'un style sublime, mais d'un style simple, quand il enseigne; d'un style médiocre, quand il loue ou qu'il blâme; au lieu que, quand il s'agit de faire pratiquer quelque action de vertu à des personnes qui en ont de l'éloignement, il faut se servir du style grand et sublime, et y employer des paroles qui les enlèvent. »>

Le saint docteur explique ensuite ce que c'est que prècher sagement et éloquemment : «C'est, dit-il, employer dans le style simple des paroles qui soient propres à faire comprendre ce que l'on veut enseigner; et en employer de brillantes dans le style médiocre, et de fortes et véhémentes dans le style sublime; ne se servir de tout cela que pour faire entrer la vérité dans l'esprit de ceux à qui l'on parle. »

Il donne d'excellents préceptes touchant la nécessité de varier le style: « que l'on souffre plutôt la longueur dans le style simple que dans le sublime, et que, dans les pièces qui sont, de leur nature, du genre sublime, tout ne doit pas y être sublime; qu'on ne doit pas croire qu'un discours soit du genre sublime parce que l'auditeur y fait des acclamations, l'agréable et le tin du style simple et les ornements du style médiocre pouvant avoir cet effet: au lieu que le sublime saisit tellement, qu'ôtant l'usage de la voix, il ne laisse que le pouvoir de pleurer. » C'est ce que le saint docteur dit lui être arrivé dans un sermon qu'il prêchait à Césarée de Mauritanie.

Il résume les trois fins de la prédication : que la vérité soit connue, qu'elle soit écoutée avec plaisir, qu'elle touche. Pateat, pla

ceat, moveat.

Enfin il termine en disant que la bonne vie du prédicateur donne plus de poids à ses discours que la plus grande éloquence; mais que ceux qui vivent mal ne laissent pas d'être utiles à leurs auditeurs quand ils prêchent sagement et éloquemment, quoiqu'ils se nuisent à eux-mêmes. Saint Augustin a écrit encore un autre ouvrage que doivent lire tous les prédicateurs: c'est un opuscule intitulé: De catechizândis rudibus. « Ce livre, ainsi que le précédent, sont des mines inépuisables, dit M. Hamon; plus on les étudie, plus on y découvre de choses. >>

-

Saint JEAN CHRYSOSTOME. De sacerdotio, lib. IV et v. Cet ouvrage est moins pratique que ceux de saint Augustin, mais cependant on peut le lire avec fruit.

Saint GRÉGOIRE LE GRAND. De cura pastorali. La troisième et la quatrième partie de ce livre admirable, digne d'être le manuel de tous les pasteurs, dit encore M Hamon, contiennent les règles les plus sages sur la prédication, et les deux premières parties ont encore quelques chapitres précieux, relatifs à cette matière. On lira encore trèsutilement l'homélie 17 du même saint doc

teur sur les Evangiles, et ses commentaires sur le chapitre xxxшr d'Ezéchiel.

AUTEURS MODERNES, ECCLÉSIASTIQUES ET

PROFANES.

GERSON. Tractatus de pueris ad Christum trahendis. Cet opuscule est un petit chefd'œuvre de pieuse sensibilité et de foi vive. AUGUSTIN VALÉRIO, évêque de Vérone. Rhétorique du prédicateur. Cet ouvrage, imprimé en latin, pour la première fois, en 1574, n été traduit en français par l'abbé Dinouart. Je me suis servi de l'édition imprimée à Paris en 1750.

Valério a suivi la doctrine d'Aristote, de Cicéron et de saint Augustin. Il traite fort solidement, dans son premier livre, la matière des prédications, et fait connaître les abus dans lesquels on peut tomber en traitant les plus grands sujets. Il ne veut pas qu'on loue trop les vivants, ni qu'on suive sans réserve ce que les païens ont prescrit touchant l'amplification. Il explique la dialectique par des exemples tirés de l'Ecriture et des Pères. Il ne veut, comme Aristote, que l'enthymême et l'exemple dans les preuves qu'emploie l'orateur. Il traite au long des mouvements et des passions dans son second livre. Il demande que le prédicateur soit intérieurement touché, et, pour cela, qu'il soit bien plein de son sujet; qu'il lise les discours forts et pathétiques, tels que sont les livres des prophètes, et qu'il invoque le Saint-Esprit, sans lequel on ne peut rien. Dans le livre, il s'agit de l'élocution. Il en montre d'abord l'importance, ensuite les défauts. Il demande la pureté du langage, ble des métaphores et des autres figures, et plus encore la clarté, un usage raisonnasans trop s'assujettir au nombre du discours. Il ne s'amuse point à faire le dénombrement des figures, il veut qu'on les apprenne par l'usage et renvoie à ceux qui en ont parlé; il en fournit cependant des exemples, qu'il tire de l'Ecriture et des Pères. Il traite en maître de tout ce qui est capable d'orner ou de fortifier la diction, et il en traite toujours d'une manière convenable au ministère de l'Evangile. Gibert, dans ses Jugements sur les savants, va jusqu'à dire que ce n'est pas sans raison qu'on a présenté la Rhétorique de Valério comme un ouvrage du caractère de ceux de Thucydide, c'est-à-dire comme un ouvrage où le nombre des pensées égale celui des mots. L'auteur l'entreprit à la sollicitation de saint Charles Borromée, son ami, qu'il allait souvent visiter à Milan.

Saint CHARLES. Acta Ecclesiæ Mediolanensis, ubi de prædicatione.

véque de Bourges.
Saint FRANÇOIS DE SALES. Lettre à l'arche

Saint IGNACE. Règles de la Société de Jésus pour la prédication.

Saint FRANÇOIS XAVIER. Lettres au P. Barzée.

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BENOÎT XIV. Institutio, 9a, 10a, 72a.

Tous ces écrits sont des monuments de sagesse et de piété. On les trouve réunis dans un volume publié par M. l'abbé de Baudry, intitulé: Le guide de ceux qui annoncent la parole de Dieu, Lyon, 1829. On ne saurait trop conseiller aux jeunes ecclésias tiques la lecture de cet ouvrage. Celui qui est chargé d'annoncer l'Evangile ne peut être mieux guidé que par les hommes de Dieu; c'est en marchant sur leurs traces, c'est en suivant fidèlement leurs instructions qu'il pourra, comme eux, produire de grands fruits dans son pénible ministère. C'est pourquoi il serait bon que chaque prédicateur eût entre les mains l'ouvrage de M. l'abbé de Baudry, qui offre la doctrine la plus sûre et la mieux autorisée par l'expérience qu'en ont faite les hommes vraiment apostoliques. L'auteur s'est attaché à ceux qui sont les plus voisins de notre siècle, parce que leurs avis lui ont paru, avec raison, mieux adaptés aux circonstances des temps et des lieux où nous vivons.

Le P. LOUIS DE GRENADE. Rhetorique ecclé siastique, traduite par Binet, nouvelle édition, revue et augmentée par M. l'abbé de Baudry; Lyon, 1837, 2 vol. in-8°.

Cet ouvrage est regardé comme le chefd'œuvre de l'auteur; selon Binet, Grenade. n'en a point fait qui soit plus instructif en son genre, ni mieux écrit; il ne s'en voit point qui renferme un si grand nombre de choses, eu égard à son étendue, qui donne tant de préceptes pour l'éloquence chrétienne, ni qui soit plus capable de servir, non-seulement de règle, mais encore de modèle. Tout y est éclairci et expliqué par des exemples pris de l'Ecriture sainte et des Pères de l'Eglise, si bien choisis, si pleins de pensées justes et solides, qu'ils sont infiniment estimables en eux-mêmes, indépendamment du bel ordre dans lequel ils sont placés. C'est, en un mot, une rhétorique entière et vraiment chrétienne, également bien conçue et bien exécutée, où les mystères de l'art sont non-seulement découverts, mais exposés dans le plus beau jour. Voilà une partie des louanges que le traducteur de Grenade donne à son auteur, et il est certain qu'il exagère peu.

Grenade se propose de traiter de l'invention, de la disposition, de l'élocution et enfin de la prononciation du sermon. Parlant de l'invention, il renvoie l'explication des lieux à la dialectique, mais il veut qu'avant de se livrer à la prédication on ait fait une étude particulière de l'Ecriture, entendu les meil leurs prédicateurs, fait de bonnes collections. Il donne de fort bonnes règles pour l'action et la diction, de même que pour l'usage des passions; et il tire ces règles des auteurs profanes, parce qu'il n'y a point

d'autre rhétorique que celle qu'ils ont laissée. Mais ses exemples, il les prend la plupart dans les prophètes et dans les Pères. Il en rapporte un grand nombre, parce qu'il écrivait pour des lecteurs raisonnables et que son sentiment était qu'une personne qui a déjà quelque âge s'instruit mieux par l'étude et l'imitation des discours éloquents que par des préceptes. En traitant de la preuve dans le second livre, il dit beaucoup de choses qui regardent les expressions et les ornements. Il s'étend beaucoup, dans le quatrième livre, sur la narration, les sens figurés de l'Ecriture et les diverses espèces de sermons. Il traite aussi avec soin de la diversité des styles, et sur cela il suit les principes de saint Augustin, qui avait lui

même suivi Cicéron, Sa doctrine sur les passions est presque en tout conforme à celle d'Aristote qu'il regarde comme le premier maître, tant sur le témoignage de Cicémême de ce philosophe. ron que sur la lecture qu'il avait faite lui

Les deux points sur lesquels Grenade nonciation. Il marque l'importance de l'acs'étend davantage sont les figures et la protion et pose pour principe que la prononciation doit être exacte, claire, ornée; et que cela dépend de la bonté, de la force, de la beauté et de la douceur de la voix, Il parle ensuite du geste, dont il montre les défauts aussi bien que ceux de l'action.

Le P. RAPIN. Réflexions sur l'éloquence de ce temps. La troisième partie de cet opuscule traite de l'éloquence de la chaire; le style est net, poli, élégant, on y trouve plusieurs avis remplis de sagesse; mais il y a tant d'autres défauts, que la lecture de cet écrit ne peut être que d'une médiocre utilité. dit le P. Rapin sur le style des saintes EcriOn remarquera cependant que tout ce que tures, sur la nécessité et la manière de l'imiter, est solide et judicieux. L'édition que j'ai citée est celle de Paris, 1681, 1 vol. in-18.

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cieuses qui ramènent cette espèce d'éloquence à son véritable point, c'est-à-dire, à la religion et à la raison, dont elle sortait quelquefois. « Vous avez fort bien raison, ajoutait le célèbre évêque de Nîmes, écrivant à l'abbé du Jarry, sur les règles qu'il faut observer et sur les qualités qu'il faut avoir pour se soutenir dans ces éloges singuliers où l'on veut honorer les morts, édifier les vivants et rendre à Dieu comme un tribut des louanges et des fragilités humaines. >> On trouvera cette dissertation presque entière à l'article: ORAISONS funèbres.

BRETTEVILLE. Traité de l'éloquence de la chaire et du barreau. - Tout ce qu'il y a de neilleur dans cet ouvrage paraît avoir été puisé dans la Rhétorique du P. Grenade, que l'auteur avait bien lue. On en juge encore par ce qu'il dit sur l'étude qu'un prédicateur doit faire de l'Ecriture, des conciles et de la théologie. On trouve donc d'excellentes choses sur ces différents points dans le traité de l'abbé de Bretteville; mais il y a aussi beaucoup d'endroits qui manquent de justesse et quelques-uns même de vérité.

ARNAUD. Réflexions sur l'éloquence. - Cet ouvrage est un des meilleurs que l'on ait faits sur l'éloquence des prédicateurs, et peutêtre absolument le meilleur. L'auteur le composa pour réfuter l'académicien Dubois, qui, dans la préface de sa traduction des Sermons de saint Augustin, avait prétendu prouver que les prédicateurs doivent renoncer à l'éloquence. Dubois voulait qu'ils se bornassent à des discours simples, croyant que c'est faire injure à une si haute profession que d'employer les tours et les adresses de l'éloquence humaine pour faire entrer dans les cœurs la science du salut. Il disait encore que l'éloquence nuit beaucoup aux auditeurs, parce qu'elle excite leur imagination: ce qui les rend, selon lui, plus incapables de bien connaître ce qu'on doit leur prêcher. L'auteur, qui regardait sa préface comme un chef-d'œuvre, crut devoir l'adresser à Arnaud. Celui-ci la lut avec empressement; mais y ayant découvert beaucoup d'idées singulières et de maximes fausses, il en entreprit la réfutation et écrivit l'ouvrage dont nous venons de parler. L'abbé d'Olivet en porte le jugement que voici : « Dans la réponse qu'Arnaud fit à Dubois, le nouveau système de celui-ci est foudroyé ; il fut assez heureux pour ne la point voir, car la mort prévint la douleur qu'il aurait eue de se voir contredit ou plutôt anéanti par son maître. »

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GISBERT. L'éloquence chrétienne dans l'idée et la pratique. Cet ouvrage parut d'abord en 1702 sous le titre suivant : Le bon goût dans l'éloquence chrétienne; mais, en 1715, ce titre fut remplacé par le premier. C'est sans doute ce qui a donné lieu à l'erreur de M. Hamon, qui attribue au P. Gisbert deux ouvrages sur la même matière.

Berthe, docteur de Sorbonne, dans l'approbation qu'il a donnée à ce livre, prétend que l'auteur a non-seulement approfondi

son sujet, mais encore qu'il y peint tout ce qu'il dit, d'après la religion et la raison, avec délicatesse, qu'il va toujours droit au but, que ses règles sont sûres, que les modèles qu'il en donne sont d'un choix exquis, que tout ce qu'il dit est puisé dans le bon sens, etc. Les auteurs des Mémoires de TréVoux nous donnent aussi le P. Gisbert comme un grand maître dont ils se font gloire de suivre les idées et les principes. Cependant Gibert, dans ses Jugements sur les savants, trouve de nombreux défauts dans cet ouvrage. L'abbé Gouget, dans sa Bibliothèque française, en signale plusieurs; mais il termine en disant qu'on a parlé avec trop de mépris du livre du P. Gisbert. « On y trouve certainement, dit-il, un assez grand nombre de préceptes fort justes et des réflexions exdont il est composé qu'on ne puisse lire avec cellentes, et il n'y a aucun des 23 chapitres

utilité. »

Le célèbre écrivain protestant Jacques Lenfant avait la même idée de cet ouvrage, qu'il fit réimprimer à Amsterdam en 1728. Voici le jugement qu'il en porte dans une lettre adressée à un de ses amis:

Monsieur,

Vous me demandez des nouvelles littéraires. Je n'en sache pas qui vaillent la lecture que je viens de faire du livre du P. Gisbert, De l'éloquence chrétienne. Oh! Monsieur, l'admirable et le terrible livre! Il est également propre à perfectionner et à encourager les bons prédicateurs, et à persuader aux mauvais, s'ils se connaissent bien, de changer de métier. On peut dire de cet auteur, pour le moins avec auqu'en parlant du sublime il est lui-même très-sublitant de raison que Despréaux l'a dit de Longin, me. Cependant il se déclare pour la popularité ; c'est son mot, mais c'est une belle popularité que la sienne. Il faudrait, Monsieur, vous copier son livre, pour vous en marquer les beaux endroits: il n'y a presque pas de choix à faire. L'ouvrage n'est pourtant pas sans défauts; je trouve, par exemple, que son ordre est trop imperceptible, il me semble même que quelquefois il manque d'ordre. Il est quelquefois diffus et trop brillant... J'ai trouvé aussi que ses modèles de saint Chrysostome sont trop longs, encore l'auteur a-t-il soin d'en faire un long eloge et de les appliquer aux règles qu'il a données; mais dans un ouvrage aussi complet et aussi accompli sur cette matière, non ego paucis offendar maculis,

On trouvera dans plusieurs articles de ce Dictionnaire des chapitres reproduits presque intégralement de l'ouvrage du P. Gisbert. Je n'en ai retranché que les longues citations de saint Jean Chrysostome. L'édition que j'ai citée est celle de 1728, Amsterdam.

Le P. GAICHIEZ. Maximes sur le ministère de la chaire. - Voici un ouvrage au-dessus de tout éloge. On en trouve une analyse fort étendue dans le III volume des Jugements sur les savants par Gibert, dans le II volume de la Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques du XVIIIe siècle, pour servir de continuation à celle de Dupin.

Selon Gibert, les maximes sur le ministère de la chaire sont l'ouvrage d'un homme apostolique qui a vieilli dans l'emploi sur lequel il donne des règles, et qui s'est rendu

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