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nes gens, fur des chofes que nous devons fentir nous-mêmes.

DORANT E.

Vous avez raifon, Madame, de les trouver étranges tous ces raffinemens mystérieux. Car enfin, s'ils ont lieu, nous voilà réduits à ne nous plus croire; nos propres fens feront efclaves en toutes chofes ; &, jufqu'au manger & au boire, nous n'oferons plus trouver rien de bon, fans le congé de Meffieurs les Experts.

LY SIDA S.

Enfin, Monfieur, toute votre raison, c'eft que l'Ecole des Femmes a plu ; & vous ne vous fouciez point qu'elle ne foit pas dans les regles, pourvu...

DORANTE.

Tout beau, Monfieur Lyfidas, je ne vous accorde pas cela. Je dis bien que le grand art eft de plaire, & que cette Comédie ayant plu à ceux pour qui elle est faite, je trouve que c'est assez pour elle, & qu'elle doit peu fe foucier du refte. Mais avec cela, je foutiens qu'elle ne peche contre aucune des regles dont vous parlez. Je les ai lues, Dieu merci, autant qu'un autre, & je ferois voir ailéfément que peut-être n'avons-nous point de Piece ́au Théatre plus réguliere que celle-là.

ELISE.

Courage, Monfieur Lyfidas, nous fommes perfi vous reculez..

aus,

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Quoi! Monfieur, la protafe, l'épitafe, & la péripétie... + 101 **

DORANTE.

Ah! Monfieur Lyfidas, vous nous affommez avec vos grands mots ! Ne paroissez point: favant, de grace. Humanisez votre discours, & parlez pour être entendu. Penfez-vous qu'un nom grec donne plus de poids à vos raisons ? Et ne trouveriez-vous pas qu'il fût auffi beau de dire l'exposition du fujet, que la protafe; le nœud, que l'épitafe; & le dénouement, que la péripétie?

LY SIDA S.

Ce font termes de l'Art dont il eft permis de fe fervir. Mais puisque ces mots bleffent vos oreilles, je m'expliquerai d'une autre façon, & je vous prie de répondre pofitivement à trois ou quatre chofes que je vais dire. Peut-on fouffrir une Picce qui peche contre le nom propre des Picces de Théatre? Car enfin, le nom de l'oëme dramatique vient d'un mot grec qui fignifie agir, pour montrer que la nature de ce Poëme confifte dans l'action; & dans cette Comédie-ci, il ne fe paffe point d'actions, & tout confifte en des récits que viennent faire, ou Agnès, ou Horace.

LE MARQUIS.

Ah! ah! Chevalier !

CLIMENE.

Voilà qui eft fpirituellement remarqué, & c'est prendre le fin des chofes.

LYSIDAS.

Eft-il rien de fi peu fpirituel, ou, pour mieux dire, rien de fi bas, que quelques mots où tout le monde rit, & fur tout celui des enfans par L'oreille?

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La fcene du valet & de la fervante au-dedans de la maifon, n'eft elle pas d'une longueur ennuyeufe, & tout-à-fait impertinente?

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Il a raifon.

ELISE.

LYSIDA S.

Arnolphe ne donne-t-il pas trop librement fon 'argent à Horace? Puifque c'eft le perfonnage ridicule de la Picce, falloit-il lui faire faire l'action d'un honnête homme ?

LE MARQUIS.

Bon. La remarque eft encore bonne.

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Le fermon & les maximes ne font-elles pas des choses ridicules, & qui choquent même le respec que l'on doit à nos Mysteres?

LE MARQUIS.

C'est bien dit.

CLIMENE.

Voilà parler comme il faut.

ELISE.

Il ne fe peut rien de mieux.

LYSIDAS.

Et ce Monfieur de la Souche enfin, qu'on nous fait un homme d'efprit, & qui paroît fi férieux en tant d'endroits, ne defcend-il point dans quelque chofe de trop comique & de trop outré, au cinquieme Acte, lorfqu'il explique à Agnès la violence de fon amour, avec ces roulemens d'yeux extravagans, ces foupirs ridicules, & ces larmes niaifes qui font rire tout le monde ?

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Je laiffe cent mille autres chofes, de peur d'être ennuyeux.

LE MARQUIS.

Parbleu! Chevalier, te voilà mal ajusté.

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DORANTE.

Volontiers. I....

LE MARQUIS.

Réponds donc, je te prie.

DORANT E.

Laiffe-moi donc faire. Si....

LE MARQUIS.

Parbleu je te défie de répondre.

DORANTE.

Oui. Si tu parles toujours.

CLIMENE.

De grace, écoutons fes raifons.

DORANTE.

Premiérement, il n'eft pas vrai de dire que toute la Piece n'eft qu'en récits On y voit beaucoup d'actions qui fe paffent fur la Scene; & les récits eux-mêmes y font des actions, fuivant la conftitution du fujet; d'autant qu'ils font tous faits innocemment, ces récits, à la perfonne intéreffée, qui par-là entre à tous coups dans une confufion à réjouir les spectateurs, & prend, à chaque nouvelle, toutes les mesures qu'il peut, pour Le parer du malheur qu'il craint.

URANIE.

Pour moi, je trouve que la beauté du fujet de l'Ecole des Femmes confifte dans cette confidence perpétuelle: & ce qui me paroît affez plaifant, c'est qu'un homme qui a de l'efprit, & qui eft averti de tout par une innocente qui eft fa Maîtreffe, & par un étourdi qui eft fon Rival, ne puiffe avec cela éviter ce qui lui arrive.

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