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Comme un démon en fille déguisé.
Ainsi toujours unissant les contraires,

Nos chers Français dans leurs têtes légères, (*)
Que tous les vents font tourner à leur gié,
Vout diffamer ce qu'ils ont admiré.

O mes amis ! raisonnez, je vous prie;
Un mot suffit. Si cet art est impie,
Sans répugnance il le faut abjurer;
S'il ne l'est pas, il le faut honorer.

(a) Après ce vers:

VARIANTES.

Est dangereuse, et l'auteur hérétique,

on lisait ceux-ci, qui terminaient l'épître.

Mais s'il compose un ouvrage nouveau
Qui puisse plaire à Boufflers, à Beauveau,
A ce vainqueur des Anglais et des belles,
Qui ne trouva ni rivaux ni cruelles ;
Si le bon goût du généreux Choiseuil
A ses travaux fait un honnête accueil,
S'il trouve grâce aux yeux de la marquise,
Du seul mérite en plus d'un genre éprise;
S'il satisfait La Vallière et d'Ayen,
Malheur à lui! la coborte empestée
Damne mon homme, et le Journal chrétien
Secrètement vous le déclare athée.
S'il répond peu, c'est qu'il est accablé;
Si, méprisant l'envie et ses trompettes,
Il vit en paix dans ses belles retraites,
S'il sert Dieu, c'est qu'il est exilé.

y

() On lit dans une autre copie:

Un petit singe, à phrases compassées,
Au sourcil noir, au long et noir habit
Plus noir encore et de cœur et d'esprit,
Vomit sur lui ses fureurs empestées;

155

(*) Le traducteur transporte toujours la scène à Paris.

Mais, grâce au ciel, il est un roi puissant,
Qui d'un coup d'oeil protége l'innocent,
Et d'un coup d'œil démasque l'hypocrite;
Il hait la fraude, il hait les imposteurs;
Des factions il connaît les auteurs.
Tremblez, méchants, qui trompez sa justice,
Craignez l'histoire, elle est votre supplice;
Craignez sa main: cette main qui des rois
A sur l'airain consacré les exploits,
Y gravera vos infâmes cabales,

Vos sourds complots, vos ténébreux scandales;
L'Hypocrisie au perfide souris,

Le Fanatisme étincelant de rage,

Le fade Orgueil peignant son plat visage
Du fard brillant de l'amour du pays.
Tout paraîtra dans son jour véritable.
On vous verra l'horreur et le mépris
D'un peuple entier par vos fourbes surpris.
Le dieu des vers, ce dieu de la lumière,
Dont votre oreille ignore les accents,
Et dont votre ceil fuit les rayons perçants;
Ce même dieu, finissant sa carrière,
Daigne écraser et plonger dans la nuit
L'affreux Pithon que la fange a produit.
Mais aujourd'hui, dans leurs grottes obscures,
Laissons siffler ces couleuvres impures;
Ne souillons pas de leurs hideux portraits
Les doux crayons qui dessinent vos traits.
Belle Clairon, toutes ces barbaries
Sont des objets à vos yeux inconnus;
Et quand on parle à Minerve, à Vénus,
Faut-il nommer Cerbère et les Furies?

LXXXII. A MADAME DENIS,

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Qu' est doux d'employer le déclin de son âge
Comme le grand Virgile occupa son printemps!
Du beau lac de Mantoue il aimait le rivage;
Il cultivait la terre, et chantait ses présents;
Mais bientôt, ennuyé des plaisirs du vi'lage,

D'Alexis et d'Aminte il quitta le séjour,

Et malgré Mévius il parut à la cour.

C'est la cour qu'on doit fuir, c'est aux champs qu'il faut vivre.
Dieu du jour, dieu des vers, j'ai ton exemple à suivre:
Tu gardas les troupeaux, mais c'était ceux d'un roi,
Je n'aime les moutons que quand ils sont à moi.
L'arbre qu'on a planté rit plus à notre vue
Que le parc de Versaille et sa vaste étenduc.
Le normand Fontenelle, au milieu de Paris, (*)
Prêta des agréments au chalumeau champêtre:
Mais il vantait des soins qu'il craignait de connaître,
Et de ses faux bergers il fit de beaux-esprits.

Je veux que le cœur parle, ou que l'auteur se taise:
Ne célébrons jamais que ce que nous aimons.
En fait de sentiment l'art n'a rien qui nous plaise;
Ou chantez vos plaisirs, ou quittez les chansons;
Ce sont des faussetés, et non des fictions.
Mais quoi! loin de Paris se peut-il qu'on respire?
Me dit un petit-maître amoureux du fracas.
Les plaisirs dans Paris voltigent sur nos pas;

(*) Theocrite et Virgile étaient à la campagne ou en venaient, quand ils firent des églogues. Ils chantèrent les moissons qu'ils avaient fait naître, et les troupeaux qu'ils avaient conduits. Cela donnait à leurs bergers un air de vérité qu'ils ne peuvent guère avoir dans les rues de Paris. Aussi les églogues de Fontenelle furent des madrigaux galants.

N. B. M. de Voltaire a donné à Fontenelle l'épithète de nor mand dans cette pièce, comme dans l'épître au roi de Prusse: (Blaise Pascal a tort.) Il a substitué aussi, dans le Temple du Goût, le discret Fontenelle au sage Fontenelle des premières éditions: c'est que le sage Fontenelle n'avait pas contre les préjugés la haine active de M. de Voltaire, qu'il le laissa combattre seul, cachant avec soin aux ennemis de la raison le mépris qu'il avait pour eux, et ne s'intéressant point assez à la vérité ou à ses apôtres pour risquer de se brouiller avecles persécuteurs.

On s'oublie, on espère, on jouit, on désire;
Il nous faut du tumulte, et je sens que mon cœur,
S'il n'est pas enivré, va tomber en languèur.
Attends, bel étourdi, que les rides de l'âge
Murissent ta raison, sillonnent ton visage,
Que Gaussin t'ait quitté, qu'un ingrat t'ait trahi,
Qu'un Bernard t'ait volé, qu'un jaloux hypocrite
T'ait noirci des poisons de sa langue maudite,
Qu'un opulent fripon, de ses pareils haï,
Ait ravi des honneurs qu'on enlève au mérite;
Tu verras qu'il est bon de vivre enfin pour soi,
Et de savoir quitter le monde qui nous quitte.
Mais vivre sans plaisir, sans faste, sans emploi!
Succomber sous le poids d'un ennui volontaire!
De l'ennui! penses-tu que, retiré chez toi,
Pour les tiens, pour l'état tu n'as plus rien à faire?
La nature t'appelle, apprends à l'observer;
La France a des déserts, ose les cultiver;
Elle a des malheureux; un travail nécessaire,
Ce partage de l'homme, et son consolateur,
En chassant l'indigence, amène le bonheur;
Change en épis dorés, change en gras pâturages
Ces ronces, ces roseaux, ces affreux marécages.
Tes vassaux languissants qui pleuraient d'être nés,
Qui redoutaient surtout de former leurs semblables,
Et de donner le jour a des infortunés,

Vont se lier gaîment par des noeuds désirables.
D'un canton désolé l'habitant s'enrichit;
Turbilli (*) dans l'Anjou t'imite et t'applaudit.

(*) Le marquis de Turbilli, auteur d'un ouvrage sur les défrichements, qui avait alors quelque célébrité. — M. Bertin, contrôleur général, depuis ministre avait institué des sociétés d'agriculture dans chaque généralité. — MM. Trudaine, intendants des finances, ont été du petit nombredes magistrats qui ont véritablement aimé les sciences et les arts. Ils ont

Bertin, qui dans son roi voit toujours sa patrie,
Prête un bras secourable à ta noble industrie.
Trudaine sait assez que le cultivateur

Des ressorts de l'état est le premier moteur,

Et qu'on ne doit pas moins. pour le soutien du trône,
A la faulx de Cérès qu'au sabre de Bellonne.

J'aime assez saint Benoit : il prétendit du moins (*)
Que ses enfaits tondus, chargés d'utiles soins,
Méritassent de vivre en guidant la charrue,

En creusant des canaux, en défrichant des bois ;
Mais je suis peu content du bon-homme François: (**)
Il crut qu'un vrai chrétien doit gucuser dans la rue,
Et voulut que ses fils, robustes et fainéants,
Fissent serment à Dieu de vivre à nos dépens.
Dieu veut que l'on travaille et que l'on s'évertu ;
Et le sot mari d'Ève au paradis d'Éden

Reçut un ordre exprès d'arranger son jardin. (***)

beaucoup contribuée au progrès que les manufactures et le commerce ont faits en France sous le règne de Louis XV. Le fils était un des hommes de l'Europe les plus instruits des vrais principes et des détails de l'administration des étals.

(*) Benedictou Benoît, voulut que les mains de ses moines cultivassent la terre. Elles ont été employées à d'autres trar vaux, à donner des éditions des Pères, à les commenter, à copier d'anciens titres,et à en faire Plusieurs de leurs abbes réguliers sont devenus évêques; plusieurs ont eu des richesses

immenses.

(**) François d'Assise, en instituant les mendiants, fit un mal beaucoup plus grand Ce fut un impôt exorbitaut mis sur le pauvre peuple, qui n'osa refuser son tribut d'aumône à des moines qui disaient la messe et qui confessaient: de sorte qu'encore aujourd'hui, dans les pays catholiques romains, le paysan, après avoir payé le roi, son seigneur et son curd, est encore forcé de donner le pain de ses enfants à des cordeliers et à des capucins.

(***) Cet ordre exprès, que là Genèse dit avoir été donné de Dicu à l'homme de cultiver son jardin, fait bien voir quel

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