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revenne en France après la mort des princesses auxquelles elle était attachée', et son fils était pour elle le plus attentif, le plus tendre des fils.... Elle détestait l'empereur, et malgré sa tendresse pour le comte Louis, elle ne pouvait lui pardonner de s'être attaché à la fortune impériale. Napoléon le savait, et il en riait tout le premier avec le comte Louis.

Comte de Narbonne, lui demanda-t-il un jour, comment suis-je maintenant dans l'esprit de votre mère ?... On dit qu'elle me détestait; est-ce qu'elle ne m'aimera jamais?

Sire, lui répondit le comte Louis en s'inclinant, elle n'en est encore qu'à l'admiration... Ce mot est charmant.

Un jour, l'empereur, en lisant une lettre dans laquelle le comte lui demandait de l'argent, tandis qu'il lui en avait donné quelques semaines avant, lui dit :

Pardieu monsieur de Narbonne, vous

avez donc beaucoup de dettes?

-Je le crois bien, sire, répondit M. de Narbonne : Je n'ai que cela...

Il n'avait aucune fortune, et sur ses appointemens d'aide-de-camp de l'empereur il faisait

Elle était dame d'honneur de madame Adélaïde.

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une pension à sa mère. L'empereur le savait; aussi, dès qu'il apprit la mort de mon pauvre ami, il envoya chez la duchesse de Narbonne pour lui offrir des consolations, et lui demander ce qu'on pouvait faire pour elle. Les détails de cette circonstance méritent d'être connus.

L'empereur avait dans le cœur un instinct de bonté que sa position avait pu altérer, mais jamais effacer. Il avait des pensées tellement vastes et profondes, que la bonté et la simple et naturelle affection se perdaient sous leur ombre; mais à l'heure de l'affliction on retrouvait l'homme tel que Dieu l'avait fait dans sa primitive nature....... La mort du comte Louis le frappa d'autant plus péniblement, qu'il pensait que peut-être il avait contribué à cette mort en l'envoyant à Torgau, et puis cette mère' octogénaire qui allait recevoir une si dure atteinte du malheur!... il voulut au moins la lui adoucir... Il s'informa quelle était la personne qui pouvait lui porter cette fatale nouvelle... M. de Rambuteau était alors dans le Valais... On lui dit qu'elle était déjà instruite. Alors il fit appeler le général Flahaut... Charles de Flahaut était un favori de M. de Narbonne, qui retrouvait en lui de l'esprit et des manières du bon temps et de la bonne

Elle avait 81 ans.

XVII.

école. Il était un peu en tout de celle de M. de Talleyrand, de M. de Talleyrand, que M. de Narbonne avait si long-temps aimé et regardé comme son ami le plus cher et le plus attaché... Mais avant son départ de Paris, il en était bien revenu, et si la politique l'avait empêché de le lui laisser voir, il n'en avait pas moins la conviction qu'il était trompé, et j'en ai la preuve.

Quoi qu'il en soit, le général Flahaut reçut ordre de l'empereur d'aller chez madame la duchesse de Narbonne, et de lui parler de tous ses regrets du malheur qui venait de la frapper.

M. de Flahaut s'acquitta de sa mission, mais avec une sorte de répugnace facile à comprendre. Il connaissait l'esprit de madame la duchesse de Narbonne, et il craignait qu'elle ne répondît un mot qu'il lui serait fort pénible d'entendre, car il aimait aussi beaucoup M. de Narbonne, et n'aurait pu se décider à faire une chose préjudiciable à l'un des siens... Il parla donc, avant d'entrer chez madame de Narbonne, à l'abbé de Montesquiou son neveu, et au docteur Kappeler qui ne la quittait pas et était son ami, son fils adoptif autant que son médecin.

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-Faites en sorte, leur dit M.de Flahaut, qu'elle ne me réponde rien que je ne puisse redire à l'empereur.

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Quand elle le vit elle fut émue... elle se leva, et fit quelques pas vers lui... mais elle s'appuya contre une table pour se soutenir.

-Madame, lui dit le général Flahaut, l'empereur m'a chargé de venir près de vous pour vous dire combien il prend part au malheur qui vous a frappée...

La duchesse s'inclina et répondit quelques mots, mais qu'il fut impossible d'entendre... elle voulait probablement remercier... Quand M. de Flahaut la vit si bien disposée, il ajouta : -Sa Majesté désire, madame, que vous veuilliez bien lui dire comment elle peut vous être utile... en un mot, ce qu'elle peut faire

vous.

pour

La duchesse rougit et pâlit; il était visible qu'une vive émotion l'agitait intétieurement.

-Je ne puis que remercier, dit-elle en évitant de prononcer le nom de l'empereur... je ne demande rien et ne demanderai jamais rien... mais, ajouta-t-elle avec une admirable dignité...ma position me commande de ne rien refuser.

L'empereur lui fit sur l'heure même donner une pension de 10,000 francs.

Il était fort remarquable pour de pareilles si

Je ne suis pas bien sûre si ce n'est pas 12,000!...

tuations. La duchesse de Narbonne n'était pas le seul exemple. L'empereur apprend un jour qu'il existe à Paris la veuve d'un maréchal de France, et qu'elle est dans le malheur... c'était la maréchale de Mailly. Aussitôt il donne l'ordre que le ministre de la guerre lui envoie le brevet de la pension des veuves de grands-officiers de l'empire, et cette pension était de 20,000 francs!... Bien plus, il donna également l'ordre que la maréchale, lorsqu'elle viendrait à la cour, y fût reçue et traitée avec les honneurs que nous avions comme femmes de grands-officiers de l'empire'.

Je me rappelle seulement à présent, comme un fait léger sans doute, mais remarquable comme rapprochement, c'est que madame de

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J'ai déjà expliqué dans l'un des volumes précédens ce qu'étaient les grands - officiers de l'empire. Je vais encore te redire, parce que cette explication est très nécessaire.

Les grands-officiers de l'empire ont d'abord été la seule et vraie noblesse, la seule belle noblesse. Il y avait seize maréchaux, quatre colonels - généraux et quatre inspecteurs - généraux. Ces vingt-quatre dignités étaient tellement égales à la cour et dans les cérémonies de l'État, qu'on les appelait par lettres alphabétiques, et Junot passait ainsi avant Masséna, qui était son ancien. Cette parfaite égalité ne cessait qu'à l'armée, et encore cela pouvait ne pas être. Les grands - officiers de la couronne n'étaient pas compris dans cette institution des vingt-quatre grands - officiers de l'empire!... C'étaient les douze pairs de Charlemagne.

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