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cache tout, sous les affaires que nous avons à Nantes; mais M. de la Trousse me gronde amèrement de lui donner de tels emplois. Il y a bien long-tems qu'ils seroient finis, s'il avoit voulu : il est vrai qu'il n'y paroîtra pas dans quinze jours, et qu'il faut donner à mon fils une louange, c'est que quand il est ici, il y fait assez bien son personnage; il plaît, et on le trouve de bonne compagnie. A propos, ce pauvre Pomenars fut taillé avant-hier, et souffrit cette opération avec un courage héroïque. Madame de Chaulnes m'a donné l'exemple de l'aller voir : sa pierre est grosse comme un petit œuf; il caquette comme une accouchée ; il a plus de joie qu'il n'a eu de douleur : et pour accomplir la prophétie de de M. de Maillé, qui disoit un jour à Pomenars, qu'il ne mourroit jamais sans confession, il a été avant l'opération à confesse au grand Bourdaloue : ah! c'étoit une belle confession que celle-là ! Il y fut quatre heures : je lui ai demandé s'il avoit tout dit, il m'a juré que oui, et qu'il ne pesoit pas un grain (1); car il a tout dit, et vous savez qu'il n'est question que de cela : il n'a point langui du tout après l'absolution, la chose s'est fort bien passée :

il

y avoit huit ou dix ans qu'il ne s'étoit confessé, et c'étoit le mieux : il me parla de vous, et ne pouvoit se taire, tant il est gaillard. Je ferai vos complimens à cet autre homme toujours si satisfait (M. de Bussy), et dont on peut dire qu'il a des

(1) On sait que le Marquis de Pomenars avoit eu plusieurs procès criminels, et un entr'autres pour la fausse monnoie.

ressources d'espérance qui sentent fort une des loges que vous savez; mais à cela près, il a vraiment bien de l'esprit ; sa fille vous plairoit. Je cause, ma très-chère, et ne vous dis aucune nouvelle, parce que je n'en sais point. M. d'Hanovre est mort à Venise, et voilà sa femme établie ici avec fort peu de bien, et trois petites filles : c'est M. d'Osnabruck qui succède. Madame de Meckelbourg est logée à la rue Taranne, où étoit la Marans cela ne ressemble guère à l'hôtel de Longueville. Je vous ai parlé de toutes les beautés, de toutes les étrennes : Fontanges en a donné pour vingt mille écus, sans que la pensée lui soit venue de faire un présent à Madame de Coulanges, qui a pris mille peines pour les présens qu'elle a faits aux autres : son étoile est assez plaisante sur tout; car les choses les plus aisées à comprendre sont devenues inconcevables. Ma chère belle, ne me répondez rien à toutes ces bagatelles; ceci ne vaut quasi pas la peine d'être lu; conservez-vous, écrivez peu mais dites-moi un mot de cette colique qui est toujours de conséquence. La mère Guémené avoit promis de revenir de la campagne pour mener sa belle-fille à Saint-Germain; elle la fait languir, peut-être malicieusement. Voilà pourtant un bon tems pour elle, elle n'y trouveroit ni les Soubise, ni les Luyne.

LETTRE 593.

A la même.

à Paris, mercredi 17 Janvier 1680.

LE tems n'est plus, ma pauvre enfant, que ce m'étoit une consolation de recevoir une grande lettre de vous; présentement ce m'est une véritable peine; et quand je pense à celle que vous avez d'écrire, et au mal sensible que cela vous fait, je soutiens que vous ne sauriez m'écrire assez peu, et que si vous avez quelque soin de vous, et quelque amitié pour moi, il faut, par nécessité ou par précaution, que vous gardiez cette conduite. Si vous êtes incommodée, reposez-vous; si vous ne l'êtes point, conservez-vous; et puisque cette santé si précieuse, dont on ne connoît le bonheur qu'après l'avoir perdue, vous oblige à vous ménager, croyez que ce doit être votre unique affaire, et celle dont je vous aurai le plus d'obligation. Vous me paroissez accablée de la dépense d'Aix; c'est une chose cruelle que de gâter encore vos affaires en Provence, au lieu de les raccommoder : vous souhaitez d'être à Grignan, c'est le seul lieu, dites-vous, où vous ne dépensez rien : je comprends qu'un peu de séjour dans votre château ne vous seroit pas inutile à cet égard; mais vous n'êtes plus en état de mettre cette considération au premier rang; votre santé doit aller la première, c'est ce qui doit vous conduire; et quelle raison pourroit obliger ceux qui vous

aiment à vous laisser dans un air qui vous fait périr visiblement? Vous êtes si incommodée de la bise d'Aix et de Salon, que vous devez vous attendre à l'être encore plus de celle de Grignan (1). Ainsi, ma fille, il faudra prendre une résolution sage; il faudra, quand vous serez ici, n'être plus, comme vous êtes toujours, un pied en l'air; il n'y a rien de bon avec cette agitation d'esprit; vous devez changer de style, puisque vous changez de santé et de tempérament; vous devez dire, je ne puis plus voyager, il faut que je me remette : mais au lieu de parler sincèrement de votre état à M. de Grignan qui vous aime, qui ne veut pas vous perdre, et qui voit comme nous combien le repos et le bon air vous sont nécessaires, il semble au contraire que vous vouliez le tromper et vous tromper aussi, en disant, je me porte parfaitement bien, quand vous vous portez parfaitement mal. Il s'agira donc de rectifier toutes ces manières, qui jusqu'ici n'ont servi qu'à détruire votre santé. Nous en parlerons encore: mais je ne puis m'empêcher de vous dire tout ceci, sur quoi vous pouvez faire des réflexions.

Vous trouvez, ce me semble, la Cour bien orageuse. Vous avez raison d'être étonnée de Ma

(1) Le château de Grignan est fort élevé, et par conséquent plus exposé à tous les vents qu'Aix et Salon. La bise est un vent qui souffle entre l'Est et le Nord, et qui est dangereux pour les poitrines foibles, sur-tout dans les Provinces voisines des Alpes et de la Méditerranée, où la bise est aussi très-contraire à la navigation.

dame de Soubise ; personne ne sait le vrai de cette disgrace (1); il ne paroît point que ce soit une victime : elle a voulu une place que le Roi l'a empêchée d'avoir : il y a bien à dire des épigrammes là-dessus. Quand elle a vu que toute cette distinction étoit réduite à une augmentation de pension, elle a parlé, elle s'est plainte; elle est venue à Paris; j'y vins, j'y suis encore, etc. Il ne seroit pas impossible de tourner la suite de ces vers. On ne la voit point du tout, ni frère, ni soeur, ni tante, ni cousine; elle n'a que Madame de Rochefort qui lui tient lieu de tout. On ne lui fera point dire ce qu'elle ne dit pas, car elle est recluse. Cependant elle est très-bien servie là-bas; elle espère qu'elle retournera bientôt. Il y a des gens qui croient qu'elle pourra se tromper: si cela est, il faudra qu'elle change de vie ; une plus longue retraite ne seroit pas soutenable. On ne voit pas non plus Madame de Rochefort; c'est une belle femme de moins dans les fêtes qui se font pour les grandes noces.

Mademoiselle de Blois est donc Madame la Princesse de Conti; elle fut fiancée lundi en grande cérémonie, hier mariée, à la face du soleil, dans la chapelle de Saint-Germain : un grand festin comme la veille : l'après-dîner, une comédie, et le soir couchés, et leurs chemises données par le Roi et par la Reine. Si je vois quelqu'un, avant que d'envoyer cette lettre, qui soit revenu de la Cour, je vous ferai une addition. Mais voyez comme il (1) Voyez ci-dessus la Lettre du 10 Janvier.

est

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