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N° 818

DES

MSS. FRANÇAIS

DE

LA BIBLIOTHÈQUE

NATIONALE.

à l'est, jusqu'à l'Isère au sud, jusqu'à la Loire à l'ouest, les infinitifs de cette conjugaison se divisent en deux classes, selon que la terminaison est, ou non, précédée d'un son mouillé : dans le premier cas, -ar; dans le second, -ier ou -er. On aurait donc en pur lyonnais, non pas, comme plus haut, veiller-orer, mais veiller-orar, et partant plus de rimes. On aurait de même graner-contar et non graner-conter, etc. Peutêtre l'auteur était-il d'une région située un peu au nord de Lyon : je crois plutôt qu'il a voulu employer des formes françaises.

La troisième personne du prétérit singulier des verbes de la première conjugaison peut être en -a, comme le montre entra cité plus haut; de même veilla-las, III, 121-122. Mais, à côté de ces prétérits à forme française (lat. -avit), on trouve aussi des prétérits en -et (d'après le type latin dědit, stětit), comme en provençal et en lyonnais; ainsi portet, I, 7; poset, III, 14; enviet, III, 38; fichet, III, 216. Notons encore atendé, III, 175, en rime avec verité, et dans le miracle publié dans mon recueil, respondet, 63, en rime avec leit (lat. lectum). En français, on pourrait avoir, pour ces deux prétérits, atendié, respondié, qui, du reste, ne rimeraient ni avec verité ni avec lit correspondant français du latin lectum.

La forme en -it (type latin -ivit) s'est propagée dans des verbes qui ne l'ont ni en français ni en provençal : voucit, III, 6, 9 (lat. voluit, fr. volt, prov. volc); venit, II, 127, III, 124, 179 (fr. vint, prov. venc); recit (fr. reçut, prov. receup), III, 208. C'est lyonnais. On lit dans un des textes les plus anciens que nous ayons pour ce pays : « et pues pensave coment il vocit estre persegus» (Marguerite d'Oyngt, p. 37 (1).

Il faut encore considérer comme lyonnaises les troisièmes personnes pluriel du prétérit en ont: regarderont, II, 39; vautront (lat. valuerunt), I, 20; poeront (lat. potuerunt), I, 48; oront (lat. habuerunt), II, 12;

(1) OEuvres de Marguerite d'Oyngt, prieure de Poleteins, publiées d'après le manuscrit unique de Grenoble, par E. Philipon, avec une introduction de M.-C. Guigue. Lyon, Scheuring, 1877, in-8°. — J'ajoute ici un rapprochement que me fournit le miracle

publié dans mon Recueil. On y lit, v. 10, le prétérit chaisit, qui correspond au français chai, de chaoir. Comparez eschaisit (français eschai) dans un terrier bressan de 1341. (Philipon, Revue des patois, I, 28.)

chanteront, II, 51; veniront, II, 61; volsiront, II, 62 (1); viront, II, 63; celles du présent de l'indicatif, également en ont: prenont, II, 81; l'imparfait trapassave, III, 130; les premières personnes pluriel du futur eschaperem, perirem, III, 85-86; le subjonctif présent première personne du pluriel fuiam, II, 23, en rime avec fam. Outre le prétérit pluriel troisième personne oront déjà cité, on trouve aussi arent, III, qui est la forme employée dans les Méditations de Marguerite d'Oyngt, p. 45.

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En dehors de la conjugaison, je signalerai comme particulièrement usité en Lyonnais et dans la région environnante le prétérit aventa, II, 11, d'un verbe aventar, signifiant « arriver » (2); dara, II, 30, futur d'un verbe dar, qui est provençal ou lyonnais, mais non français; iter (fr. ester), II, 17, cf. le part. p. ita dans le Livre de raison d'un bourgeois de Lyon (p. p. G. Guigue, 1882), p. 1, et le prét. ylaront, dans Marguerite d'Oyngt, p. 58; avoi, I, 33, II, 58, « aussi, avec », forme particulièrement usitée en Lyonnais et en Dauphiné (3). Pidia, II, 114, est du pur lyonnais. Mais pidie, III, 136, en rime avec Marie, est une erreur assez naturelle chez un Lyonnais qui savait que via (d'une syllabe), par exemple, avait pour correspondant français vie. Nostron, II, 29, 45, III, 62, 88, 90, etc., cas régime de nostre, est aussi une forme lyonnaise (4). De même o (lat. hoc), III, 77, 250, 252 (3).

(1) Voir Philipon, dans Romania, XIII, 555, dernière ligne, et XXII, 19.

(2) Tous les exemples cités dans le Dictionnaire de M. Godefroy (sous Aventer) sont tirés du ms. 818 ou de textes fribourgeois, sauf deux passages assez douteux empruntés l'un à la Vie, en vers, de saint Éloi (ms. d'Oxford publié par Peigné Delacour), l'autre à la Vie des Pères. Aventa est employé en Savoie, au xvr° siècle, au même sens :

Loz grand berger du ciel es aventa. (Les noelz et chansons nouvellement composez tant en vulgaire françoys que savoysien dict patois, par Nicolas Martin. Lyon, 1555;

réimpression de Paris, 1883, p. 50.) En
lyonnais avento, forézien aventa, signifie

« atteindre, aboutir, convenir, être séant »
(Puitspelu, Dict. du patois lyonnais).

(3) Voir les exemples que j'en ai cités
dans la Romania, XX, 80. .

(4) Voir le Livre de raison d'un bourgeois de Lyon au XIV siècle, publié par G. Guigue, Lyon, 1882, p. 17, 21, 22, 23, etc. Cette forme est aussi dauphinoise; voir Devaux, Essai sur la langue vulgaire du Dauphiné septentrional au moyen âge, Paris et Lyon, 1892, p. 375.

(5) N. du Puitspelu, Dict. étymol. du patois lyonnais, à ce mot.

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Ces divers faits indiquent, à n'en pas douter, la région lyonnaise. Qu'ils ne soient pas constants, que les formes françaises dominent, il ne faut pas s'en étonner. Le versificateur anonyme cherchait à se rapprocher du français, qu'il savait mal. Ce versificateur vivait sans doute au XIIe siècle. Il n'y a aucune raison de le croire plus ancien, et l'écriture du manuscrit ne permet pas de le placer plus bas. Or, au xin® siècle, l'influence de la littérature française avait sûrement atteint Lyon, puisque, dès 1188, Aimon de Varennes, originaire du Lyonnais et écrivant à Châtillon-d'Azergue, à quelques lieues au N. O. de Lyon, composait en un français assez pur son poème de Florimont. Seulement Aimon était un habile écrivain. Le rédacteur de nos miracles n'était qu'un rimeur inexpérimenté.

La versification même est très grossière. Les assonances y abondent. On en a eu quelques exemples plus haut. Je citerai encore parmi les finales masculines: forz-pot, I, 13-14; Crist-vin, II, 29-30; Crist-autresi, II, 39-40, 79-80; soffrir-faillist, II, 31-32; sers-est, II, 89-90; parmi les rimes féminines: Constantinoble-nove, I, 9-10; loe-escole, II, 33-34; vitaille-soffraite, II, 83-84; Syre-servise, II, 85-86; saches-Perse, III, 47-48; Perse-estre, III, 57-58; pendre-conferme, III, 91-92, etc.

L'e finale atone compte très souvent dans la mesure, bien que suivi d'un mot commençant par une voyelle; voir I, 6, 10, 19, 30, etc. L'auteur a parfois quatre vers de suite sur les mêmes rimes ou assonances; voir I, 29-32; II, 65-68, 99-102; III, 75-78, etc. Il lui arrive de répéter le même mot à la rime: I, 11-12, II, 35-36, 100-102.

I

Des. iij. anfanz qui leverent les trois columpnes de pierre. (Fol. 34.)

Bien sei que sevent loing et près,

Que la Virge avant et après
L'enfantemant fu Nostre Dame.

4 Sainte fu en cors et en ame.

Quant de cest siegle trapassa Ses douz fiuz l'arme en porta, Après son bel cors en portet; 8 De ce ne doit neguns doter.

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2. Le sens serait plus clair s'il y avait : Que Virge [et] avant.. Voir le latin ci-dessus,

....

L'emperere de Constantinoble

Li vout faire esglise nove. De merevillouse ovre la fit: 12 Trois columpnes tailler li fit

Tant granz, tant belles et tant forz Que neguns lever ne les pot. .xvj. piés tinent en reont 16 Les columpnes, tant grosses sont. Maintes genz i feisoit lasser Li maietre por haut lever.

Li maietre i fit maint engin

20 Qui riens ne vautront en la fin.

Por creature qui soit née

Ne seroit l'une en haut levée. Li maietre tant irez n'estoit 24 Que del tot laiser se voloit.

Une nuit qu'i estoit dormanz
Nostre Dame li vint devant.
A maietre dit : « Entent, beaz
« frere, (b)

α

28 « Je te dirai en quel manere

Cestes columpnes leveras. «En tel forme enginz feras:

« Les roes sus en haut pendras 32 Et les cordes loing estendras.

<< Ice avoi, maetre, te loe, « Trois petiz clerzonèz d'escole. « Por lor aiue sera faite 36 « Ceste ovre et a chief traite. »> A cet mot de li se partit. Li maetres a eveiller se prist; Fait l'engin que comandé ot 40 La Virgine al meuz qu'il pot. Vait a l'escole, si sona Trois clerzonèz qu'il i trova. A l'aiue de trois enfanz 44 A levé les columpnes granz. Toz li poples s'en merveilla Et a miracle tenu l'a.

Por l'aiue de nules ganz
48 Ne les poeront lever ainz;
Or les ont levé en estant
Trois clerzonet petit enfant.
Or prions la Virge Marie

52 Que vers son fil nos face aïe.

Amen.

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II

I.

Des moines povres qui voloient lessier l'abaïe par povreté de pain. (Fol. 34 b.)

Il ot ja en Jerusalem

Une abaïe bone et grant.

De moines assez i avoit;

4 Granz benefices i faisoit :

Toz li pobles de la contrée
Conduit lor donoit et monoie.

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11-12. Les deux rimes sont pareilles. Cette licence se présente en d'autres cas où aucune correction ne peut être proposée. Ici on pourrait corriger, au vers 11, l'asist. 38. Corr. maetre. 5-6. Il manque peut-être ici deux vers. Toutefois on pourrait obtenir la rime en corrigeant monéc.

II.

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TOME XXXIV, 2o partie.

9

CMPRIMERIE NATIONALE.

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A la terre por Deu prier;
Hymnes, saumes, houres chan-
teront;

52 Tote la nuit einsi veillerent.
Après matines son alé

En dormeor por reposer.

Uns angels de ciel descendi, 56 D'or grant massa sur l'autel mist. Li segrestains le huis ferma, Le clés avoi soi enporta.

Le matin, quant jorz apparit 60 Et li soleuz clers reluisit, L'abes et li moines veniront Que chanter lor messe volsiront; Grant part d'or viront sor l'autel. 64 Molt en furent tuit esfreé. L'abes lo segrestaim sona, Enquis et demandé li a:

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α

Queus riches hom anuit ci a 68« L'or aporté que je voi la? Li segrestains lor respondit :

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que li covenz fors saillit,

« Unc puis nus hom non i entra. 72 « Le huis avoie bien ferma;

« Les clés avec moi bien gardai

"

Tant que or por soner levai. »
Esbahiz fu toz li covenz

76 Et li bons abes ensement.
Bien set c'est dons esperiteus
Que al covent a envoie Deus.
Graces en rendent Jhesu Crist
80 Et a la Virge autresi.

L'or prenont qui donez lor fu;
Als riches borjois l'ont vendu.
(Fol. 35.)

Achaté en ont la vitaille 84 Et quant que lor faisoit soffraite.

Issi repaissit Nostre Syre

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