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A MONSIEUR

LE DUC DE LA FEUILLADE.

ONSERVEZ précieusement

CON

L'imagination fleurie

Et la bonne Plaifanterie

Dont vous poffedez l'agrément,
Au défaut du tempérament

Dont vous vous vantez hardiment,
Et que tout le monde vous nie.
La Dame, qui depuis long-temps
Connaît à fond votre perfonne,
A dit: Hélas! je lui pardonne
D'en vouloir impofer aux gens;
Son efprit eft dans fon printemps,
Mais fon corps eft dans fon Automne.
Adieu, Monfieur le Gouverneur ;
Non, plus de Province Frontiere,
Mais d'une beauté finguliere,
Qui par fon efprit, par fon cœur,
Et par fon humeur libertine

De jour en jour fait grand honneur
Au Gouverneur qui l'endoctrine.
Priez le Seigneur seulement,
Qu'il empêche que Cythérée
Ne fubftitue inceffamment
Quelque jeune & frais Lieutenant,
Qui feroit fans vous fon entrée
Dans un fi beau Gouvernement.

A

A MONSIEUR

DE FONTENELLE.

I

De Villars, le 1. Septembre 1720.

ES Dames qui font à Villars, Monfieur, fe font gâtées par la Lecture de vos Mondes. Il vaudroit mieux que ce fût par vos Eglogues, & nous les verrions plus volontiers ici, Bergeres, que Philofophes. Elles mettent à obferver les Aftres un tems qu'elles pourroient beaucoup mieux emploïer: & comme leurs goûts décident des nôtres, Nous nous fommes tous faits Phyficiens pour l'a mour d'Elles.

Le foir fur des Lits de Verdure,
Lits que de fes mains la Nature,
Dans ces Jardins délicieux,

Forma pour une autre avanture,

Nous brouillons tout l'ordre des Cieux,

Nous prenons Vénus pour Mercure;
Car, vous faurez qu'ici, l'on n'a,
Pour examiner les Planettes,
Au lieu de vos longues Lunettes,
Que des Lorgnettes d'Opera.

Comme

Comme nous paffons la nuit à obferver les Etoiles, nous négligeons fort le Soleil, à qui nous ne rendons vifite que lorsqu'il a fait près des deux tiers de fon tour. Nous venons d'apprendre tout-à-l'heure qu'il a paru de couleur de fang tout le matin; qu'enfuite, fans que l'air fut obfcurci d'aucun nuage, il a perdu fenfiblement de fa lumiere & de fa grandeur: Nous n'avons fu cette nouvelle que fur les cinq heures du foir; Nous avons mis la tête à la fenêtre, & nous avons pris le Soleil pour la Lune, tant il étoit pâle. Nous ne doutons point que vous n'ayez vû la même chofe à Paris.

C'eft à vous que Nous nous adreffons, Monfieur, comme à notre Maître. Vous favez rendre aimables les chofes que beaucoup d'autres Philofophes rendent à peine intelligibles; & la Nature devoit à la France & à l'Europe un Homme comme vous, pour corriger les Savans, & pour donner aux ignorans le goût des Sciences.

Or dites-nous donc, Fontenelles,
Vous qui, par un vol imprévu,
De Dédale prenant les aîles,
Dans les Cieux avez parcouru
Tant de Carrieres immortelles,
Où Saint Paul avant vous a vů,
Force beautés furnaturelles,
Dont très-prudemment il s'eft tu:
Du Soleil par vous fi connu,

Ne

Ne favez vous point de nouvelles?

Pourquoi fur un Char tout fanglant,
A-t-il commencé fa Carriere?
Pourquoi perd-il, pâle & tremblant,
Et fa grandeur & fa Lumiére ?
Que dira le Boulainvilliers

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Sur ce terrible Phénomene?
Va-t-il à des Peuples entiers
Annoncer leur perte prochaine ?
Verrons-nous des incurfions,
Des Edits, des Guerres fanglantes,
Quelques nouvelles Actions,
Ou le retranchement des Rentes?
Jadis quand vous étiez Pasteur
On vous eût vû fur la Fougere,
À ce changement de couleur,
Du Dieu brillant qui nous éclaire,
Annoncer à votre Bergere,
Quelque changement dans fon cœur ;
Mais depuis que votre Apollon
Voulut quitter la Bergerie

Pour Euclide & pour Varignon,
Et les Rubans de Celadon
Pour l'Aftrolabe d'Uranie,
Vous nous parlerez le Jargon

De Calcul, de Réfraction.

Mais daignez un peu, je vous prie,
Si vous voulez parler Raifon,

Nous l'habiller en Poëfie:

Car fachez que, dans ce canton,

Un trait d'imagination

Vaut cent pages d'Aftronomie.

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Le Comte de Boulainvilliers, Homme d'une grande Eru dition, mais qui avoit la faibleffe de croire à l'Aftrologie.

REPONSE

DE MONSIEUR

DE FONTENELLE

A MONSIEUR

DE VOLTAIRE.

C

E n'eft pourtant pas que je doute
Qu'un beau jour qui fera bien noir
Le pauvre Soleil ne s'encroute,
En nous difant, Meffieurs, bon foir;
Cherchez dans la célefte voûte
Quelque autre qui vous faffe voir.
Pour moi j'en ai fait mon devoir,
Et moi-même ne vois plus goute;
Encore un coup, Meffieurs, bon foir
Et peut-être en fon defefpoir,
Ofera-t-il rimer en oute,

Si quelque Déeffe n'écoute.
Mais fur notre triste manoir,
Combien de maux fera pleuvoir
Cette célefte Banqueroute?
On allumera maint Bougeoir,
Mais qui n'aura pas grand pouvoir:
Tout fera pêle-mêle, & toute

Société

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