64 Quatrième Difcours, De la moderation c Mais bien-tôt de vos fens vous voyez l'impofturé, Et vous avez befoin de vous quitter tous deux. Ah! pour vous voir toujours fans jamais vous dé plaire, Il faut un cœur plus noble, une ame moins vulgaire, Un efprit vrai, fenfe, fécond, ingénieux, Sans humeur, fans caprice, & fur tout vertueux ; Pour les cœurs corrompus l'Amitié n'eft point faite. O divine Amitié! Félicité parfaite! Seul mouvement de l'ame où l'excès foit permis, Idole d'un cœur jufte, & paffion du fage, Qu'il préfide à mes Vers comme il régne en mon cœur, Tu m'appris à connaître, à chanter le Bonheur, CINQUIEME CINQUIEME DISCOURS, SUR LA NATURE DU PLAISIR, A SON ALTESSE ROYALE Monfeigneur le Prince de ***. Jus USQU'A quand verrons nous ce rêveur fanatique, Fermer le Ciel au monde ; & d'un ton defpotique, Damnant le genre humain, qu'il prétend convertirs Nous prêcher la vertu pour la faire hair? Sur les pas de Calvin ce fou fombre & fevere, Croit que Dieu, comme lui, n'agit qu'avec colere. Je crois voir d'un Tiran le Miniftre abhorré, D'efclaves qu'il a faits triftement entouré. Dictant d'un air hideux fes volontés finiftres. Je cherche un Roi plus doux, & de plus doux Mi niftres. *P.... fe crut parfait, alors qu'il n'aima rien; Vous appelle à ce Dieu par la voix des plaifirs. *Cette piéce eft uniquement fondée fur l'impoffibilité où eft l'homme d'avoir des fenfations par lui-même. Tout fentiment prouve un Dieu, & tout fentiment agréable prouve un Diew bienfaifant. Mais c'eft par le plaifir qu'il conduit les humains, 'A produire un autre être, à revivre après vous; Par tout d'un Dieu clement la bonté falutaire, Attaché à vos befoins un plaifir neceffaire: Les mortels en un mot n'ont point d'autre moteur. SANS l'attrait du plaifir, fans ce charme vainqueur Qui des loix de l'hymen eût fubi l'esclavage? Quelle beauté jamais auroit eu le courage De porter un enfant dans fon fein renfermé, Qui déchire en naiffant les flancs qui l'ont formé ? De conduire avec crainte une enfance imbecile, Et d'un âge fougueux l'imprudence indocile > AH! dans tous vos Etats, en tout tems, en tour lieu, Mortels à vos plaisirs reconnaiffez un Dieu! Que dis-je à vos plaifirs? c'eft à la douleur même, MOITIE' de notre être, amour propre enchan teur, Sans nous tyranniser regne dans notre cœur. Pour aimer un autre homme, il faut s'aimer foimême. Que Dieu foit notre exemple, il nous chérit, il s'aime. Nous nous aimons dans nous, dans nos biens, dans nos fils, Dans nos concitoyens, fur tout dans nos amis. S'ar *Comme prefque tous les mots d'une Langue peuvent être entendus en plus d'un fens, il eft bon d'avertir ici,, qu'on entend par ce mot Paffions, des defirs vifs & continués de quelque bien que ce puiffe être : ce mor vient de Pati, fouffrir parce qu'il n'y a aucun defir fans fouffrance; defirer un bien c'eft fouffrir l'abience de ce bien, c'eft Pâtir, c'eft avoir une paffion; & le premier pas vers le plaifir, eft effentiellement un foulagement de cette fouffrance. Les vicieux & les Gens de bien ont tous également de ces defirs vifs & continus, appellés Paffions, qui ne deviennent des vices que par leur objet; la defir de réuffir dans fon art, l'Amour conjugal, l'Amour pater. nel le goût des Sciences, font des paffions qui n'ont rien de criminel. Il feroit à fouhaiter que les Langues euffent des mots pour exprimer les defirs habituels qui en foi font indiffe rens " ceux qui font vertueux, ceux qui font coupables; mais il n'y a aucune Langue au monde qui ait des fignes reprefentatifs de chacune de nos idées, & on eft obligé de fe fervir du même mot dans une acception différente, a peu-près comme on fe fert quelquefois du même intrument pour des Ouvrages de différente nature. E 2 S'arrache au genre humain pour qui Dieu nous fit naître, Se plaît à l'éviter, plûtôt qu'à le connaître ; Et brûlant pour fon Dieu, d'un amour dévorant, Vous qui vous élevez contre l'humanité N'avez-vous lû jamais la docte antiquité > Ne connaiffez-vous point les filles de Pélie, Dans leur aveuglement voyez votre folie. Elles croyent dompter la nature & le tems, Et rendre leur vieux pere à la fleur de fes ans. Leurs mains par piété dans son fein fe plongerent, Croyant le rajeunir, fes filles l'égorgerent. Voilà votre portrait, Stoïques abufés, Vous voulez changer l'homme, & vous le détruifez. UN Cela ne regarde que les efprîrs outrés, qui veulent Ster à l'homme tous les fentimens. |