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Ce Globe, qui des nuits blanchit les fombres voiles,
Croît, décroit, fuit, revient & préfide aux Etoiles,
Moi, je préfide à tout; mon efprit éclairé,
Dans les bornes du monde eût été trop ferre.
Mais enfin de ce monde, & l'oracle & le maitre,
Je ne fuis point encor ce que je devrois être.
Quelques Anges alors, qui là haut dans les Cieux,
Reglent ces mouvemens imparfaits à nos yeux,
En faisant tournoyer ces immenfes Planettes,
Difoient, Pour nos plaifirs, fans doute elles font
faites.

Puis de là fur la Terre, ils jettoient un coup d'œil,
Ils fe moquoient de l'homme & de fon fot orgueil.
Le Tien les entendit, il voulut que fur l'heure,
On les fift affembler dans fa haute demeure.
Ange, homme, quadrupede & ces êtres divers
Dont chacun forme un monde en ce vafte univers,

1

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OUVRAGES de mes mains, enfans d'un même pere Qui portez, leur dit-il, mon divin caractere, Vous êtes nés pour moi, rien ne fut fait pour vous, Je Suis le centre unique où vous répondez tous : Des deftins & des temps connaiffez le feul maître ; Rien n'eft grand ni petit, tout est ce qu'il doit être. D'un parfait affemblage inftrumens imparfaits, Dans votre rang placés demeurez fatisfaits;

L'Homme ne le fut point. Cette indocile efpece,
Sera-t-elle occupée à murmurer fans ceffe?

Un vieux Lettré Chinois qui toujours fur les bancs,
Combattit la raifon par de beaux argumens,
Plein de Confucius, & fa Logique en tête,
Diftinguant, concluant, prefenta fa requête.

* Dieu des Chinois.

Pour

Pourquoi fuis-je en un point refferré par les temps? Mes jours devroient aller par-delà vingt mille ans. Pourquoi ne fuis-je pas haut de trois cent coudées? D'où vient que je ne puis, plus prompt que mes idées,

Voyager dans la Lune, & reformer fon cours?

Pourquoi faut-il dormir un grand tiers de mes jours?
Pourquoi ne puis-je, au gré de ma pudique flamme,
Faire, au moins en trois mois, cent enfans à ma
femme ?

Pourquoi fus-je en un jour fi las de fes attraits?
Tes pourquoi, dit le Dieu, ne finiroient jamais ?
Bien-tôt tes queftions vont être décidées :
Va chercher ta réponse au Païs des idées;
Pars. Un Ange auffi-tôt l'emporte dans les airs,
Au fein du vuide immense, où fe meut l'Univers,
A travers cent Soleils entourés de Planettes,
De Lunes, & d'Annaux, & de longues Comettes,
Il entre dans un Globe, où d'immortelles mains
Du Roi de la Nature ont tracé les deffeins;
Où l'œil peut contempler les images vifibles,
Et des Mondes réels & des Mondes poffibles.
Mon vieux Lettré chercha, d'efpérance animé,
Un Monde fait pour lui, tel qu'il l'auroit formé ;
Il cherchoit vainement: l'Ange lui fait connaître,
Que rien de ce qu'il veut, en effet ne peut être
Que fi l'homme eût été tel qu'on feint les Géans,
Faifant la guerre au Ciel, ou plûtôt au bon fens,
S'il eût à vingt mille ans étendu fa carriere,
Ce petit amas d'eau, de fable & de pouffiere,
N'eût jamais pú fuffire à nourrir dans fon fein,
Ces énormes enfans d'un autre genre humain.

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Le

Le Chinois argumente, on le force à conclure
Que dans tout l'Univers chaque Etre a fa mefure;
Que l'homme n'eft point fait pour ces vaftes defirs;
Que fa vie eft bornée, ainfi que fes plaifirs;
Que Dieu feul a raifon, fans qu'il nous en informe.
Le Lettré, convaincu de fa fotife énorme,

S'en retourne ici bas, ayant tout approuvé;
Mais il y murmura quand il fut arrivé.

Convertir un Docteur, eft une œuvre impoffible.

Mathieu Garo chez nous eut l'efprit plus flexible; Il loua Dieu de tout: peut-être qu'autrefois De longs ruiffeaux de lait ferpentoient dans nos Bois:

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La Lune étoit plus grande, & la nuit moins obfcure;
L'Hiver fe couronnoit de fleurs & de verdure:
L'Homme, ce Roi du Monde, & Roi très-fainéant,
Se contemploit à l'aife, admiroit fon néant,
Et formé pour agir, fe plaifoit à rien faire :
Mais, pour nous, fléchiffons fous un fort tout con,
traire ;

Contentons-nous des biens qui nous font deftinés,
Paffagers comme nous, & comme nous bornés,
Sans rechercher en vain ce que peut notre Maître,
Ce que fut notre Monde, & ce qu'il devoit être,
Obfervons ce qu'il eft, & recueillons le fruit
Des tréfors qu'il renferme, & des biens qu'il pro-
duit.

Si du Dieu qui nous fit l'éternelle puiffance,
Eut à deux jours au plus borné notre existance,
Il nous auroit fait grace; il faudroit consumer
Ces deux jours de la vie, à lui plaire, à l'aimer;

Le

Le temps eft affez long pour quiconque en profite,
Qui travaille & qui penfe en étend la limite.
On peut vivre beaucoup fans végeter long-temps,
Et je vais te prouver par mes raifonnemens: ....
Mais malheur à l'Auteur qui veut toujours inftruire!
Le fecret d'ennuier eft celui de tout dire.

C'est ainsi que ma Mufe, avec fimplicité,
Sur des tons différens chantoit la Vérité,
Lorfque de la Nature éclairciffant les voiles,
Nos Français à Quito cherchoient d'autres Etoiles;
Que Clerant, Maupertuis, entourés de glaçons,
D'un Secteur à lunette étonnoient les Lapons,
Tandis que d'une main ftérilement vantée,
Le hardy Vaucanfon, rival de Promethée,
Sembloit de la Nature, imitant les refforts,
Prendre le feu des Cieux pour animer les corps.

Pour moi, loin des Cités, fur les bords du Per
meffe,

Je fuivois la Nature, & cherchois la Sageffe;
Et des bords de la Sphere, où s'emporta Milton,
Et de ceux de l'abîme où pénétra Neuton,
Je les voïois franchir leur carriere infinie.
Amant de tous les Arts, & de tout grand génie;
Implacable ennemi du Calomniateur,

Du fanatique abfurde & du vil délateur;
Ami fans artifice, auteur fans jaloufie;
Adorateur d'un Dieu, mais fans hipocrifie ;
Dans un corps languiffant, de cent maux attaqué,
Gardant un efprit libre, à l'étude appliqué,
Et fcachant qu'ici bas la félicité pure
Ne fut jamais permise à l'humaine Nature.

FRAGMENT

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FRAGMENT

D'UNE LETTRE,

SUR un Ufage très - utile,

Hollande.

établi en

L feroit à fouhaiter que ceux qui font à Ilacte des Nations imitaffent les Artifans.

Dès qu'on fçait à Londres qu'on fait une étoffe nouvelle en France, on la contrefait; pourquoi un Homme d'Etat ne s'emprefferat-il pas d'établir dans fon Païs une Loi utile qui viendra d'ailleurs? Nous fommes parvenus à faire la même porcelaine qu'à la Chine. Parvenons à faire le bien qu'on fait chez nos Voifins, & que nos Voifins profitent de ce que nous avons d'excellent.

Il y a tel Particulier qui fait croître dans fon jardin des fruits que la Nature n'avoit deftinés à meurir que fous la ligne. Nous avons à nos portes mille Loix, mille Coûtumes fages; voilà les fruits qu'il faut faire naître chez foi, voilà les arbres qu'il faut y tranfplanter; ceuxlà viennent en tous climats, & fe plaifent, dans tous les terrains. La meilleure Loi, le plus excellent Ufage, le plus utile que j'aie

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