Écoutez ce fignal terrible
Qu'on vient de donner dans Paris; Regardez ce carnage horrible; Entendez ces lugubres cris;
Le frere eft teint du fang du frere; Le fils affaffine fon pere;
La femme égorge fon époux;
Leurs bras font armés par des Prêtres: O Ciel! Sont-ce là les ancêtrės De ce Peuple léger & doux?
Janfeniftes & Molinistes,
Vous qui combattez aujourd'hui Avec les Raifons de Sophistes, Leurs traits, leur bile & leur ennui Tremblez qu'enfin votre querelle Dans vos murs un jour ne rappelle Ces temps de vertige & d'horreur;
Craignez ce zéle qui vous preffe : On ne fent pas dans fon yvreffe jufqu'où peut aller fa fureur.
Enfans ingrats d'un même pere, Si vous prétendez le fervir, Si vous afpirez à lui plaire, Eft-ce à force de vous hair? Eft-ce en déchirant l'héritage Qu'un pere, & fi tendre, & fi fage
Du haut des Cieux nous a tranfmis? L'Amour étoit votre partage.
Cruels! auriez-vous plus de tage Si vous étiez nés ennemis ?
Malheureux, voulez-vous entendre La Loi de la Religion?
Dans Marfeille il falloit l'apprendre, Au fein de la contagion; Lorfque la tombe étoit ouverte ; Lorfque la Provence couverte Par les femences du trépas, Pleurant fes Villes défolées, Et fes Campagnes dépeuplées, Fit trembler tant d'autres Etats.
Pour inftruire la Race humaine, Faut-il perdre l'humanité ?
Faut-il le flambeau de la Haine Pour éclairer la Vérité ?
Un ignorant, qui de fon frere Soulage en fecret la "mifere,
Eft mon exemple & mon Docteur; Et l'efprit hautain qui difpute, Qui condamne, qui perfécute, N'eft qu'un déteftable impoftetur.
2'、p”P:༡bn »ty; ttn nu'e
ODE,
POUR MESSIEURS DE L'ACADEMIE
Qui ont été au Cercle Polaire, & fous l'Equateurs déterminer la figure de la Terre.
Vérité fublime! O celefte Uranie! Efprit né de l'Esprit qui forma l'Univers, Qui mefure des Cieux la carriere infinie Et qui pefe les airs.
Tandis que tu conduis fur les gouffres de l'Onde, Ces Sages, ces Héros, Miniftres de tes Loix; De l'ardent Equateur, ou du Pôle du Monde, Entends ma faible voix.
Que font tés vrais enfans, vainqueurs de la Naturé? Ils arrachent fon voile; & ces rares Efprits Fixent la pefanteur, la maffe & la figure
Les Enfers font émûs au bruit de leur voïage. Je vois paraître au jour les ombres des Héros, De ces Grecs renommés, qu'admira le rivage De l'antique Colcos.
Argonautes fameux. Demi-Dieux de la Grece, Caftor, Pollux, Orphée, & vous, heureux Jafon, Vous, de qui la valeur, & l'amour, & l'adreffe, Ont conquis la Toison.
En voïant les travaux, & l'art de nos Grands Hommes, Que vous êtes honteux de vos travaux passes! Votre Siècle eft vaincu par le Siécle où nous fommes: Venez & rougiffez.
Quand la Grece parloit, l'Univers en filence, Refpectoit le Menfonge annobli par fa voix; Et l'Admiration, fille de l'Ignorance, Chanta de vains Exploits.
Heureux qui les premiers marchent dans la carriere: N'y faffent-ils qu'un pas, leurs noms font publiés : Ceux qui, trop tard venus, la franchiffent entiere, Demeurent oubliés.
« PrécédentContinuer » |